Les « visionnaires » oublient que le monde innove depuis 10 000 ans sans eux, à coup d’erreurs et de corrections.
En sortant de la Gare d’Austerlitz, pour aller vers le centre-ville de Paris à pied, une structure de vitres en verre et de dômes en métal occupe un pâté de maison près de la Seine…
Les entrepreneurs de la tech en France, en particulier Xavier Niel, le milliardaire à l’origine du service internet Free, ont construit une cathédrale consacrée à l’ingéniosité et l’entrepreneuriat de notre ère.
Le bâtiment « Station F » a ouvert ses portes en juin 2017… et il veut servir de « centre d’incubation » pour des start-ups en France.
La culture des levées de fonds à des milliards d’euros, du culte des personnalités comme Mark Zuckerberg de Facebook ou Steve Jobs d’Apple, étend ses tentacules à Paris. La capitale veut mettre à disposition des cerveaux doués pour l’informatique et des diplômés sortant des grandes écoles l’écosystème des start-ups de la Silicon Valley.
La France veut sa part du gâteau… elle veut aussi boire à la coupe de l’innovation, des start-ups, de l’avenir.
Subventions et quotas…
La « Station F » a bénéficié d’une aide de l’Etat de 70 M€ grâce aux efforts de la municipalité de Paris pour obtenir les locaux des mains de la SNCF. A cela s’ajoute une aide de 200 M€ de la Caisse des Dépôts pour financer une partie des travaux et aménagements aux côtés de Xavier Niel.
Xavier Niel entend récupérer son investissement personnel grâce à la création de « futurs Facebooks, » des groupes pesant des milliards d’euros en valorisation mais créés avec peu de capital de départ. Entre temps, Niel va aussi demander des loyers aux start-ups sur place. Ses partenaires – une panoplie de « grands » comme Facebook, Microsoft, Ubisoft, etc – vont l’aider à supporter les coûts.
L’idée de rassembler les start-ups, de les mettre en relation avec des financiers, de leur donner du soutien et du conseil… en gros, de former un « écosystème » dans la technologie, en France, plaît beaucoup aux visionnaires.
Ils voient un avenir de richesses et de renommée. Avoir une idée – dans un milieu comme la Silicon Valley aujourd’hui – peut rapporter des milliards… Ils espèrent obtenir ce genre d’explosion de valeur – « d’effet de levier » – dans le 13ème arrondissement de Paris.
[NLDR : mettez votre épargne au service de l’économie réelle et non pas dans de chimériques licornes imaginées par des visionnaires subventionnés. Comment mettre maintenant en portefeuille des entreprises encore inaccessibles aux investisseurs « ordinaires », qui ont déjà des clients, des marges solides et cherchent simplement à grandir ? Tout est expliqué ici.]
A en croire les marchés, les visionnaires de la Silicon Valley, de Columbus (Ohio), et de Manhattan, ne commettent pas d’erreur.
De mois en mois, ils « surprennent » en bien les analystes avec leurs résultats, tirant leurs chiffres d’affaires et leurs valorisations encore plus à la hausse.
Les génies ne font pas d’erreur… pas de faux-pas… et ne commettent jamais de stupidités.
La réalité et l’histoire de l’homme conduisent pourtant à se méfier de ce genre d’état d’esprit.
Newton et la mécanique des marchés
Isaac Newton, au début du 18ème, reconnaissait déjà le manque de logique dans le comportement des marchés. Ils ne semblaient pas suivre le bon sens. « Je ne peux pas calculer la folie des hommes, » a-t-il dit lors de l’escalade de l’action de la South Sea Company.
A l’époque comme aujourd’hui, les spéculateurs voyaient un ciel sans nuage pour une durée infinie. Le monde avait changé. Le spéculateur devait simplement miser sur les découvertes à venir et les richesses sur le point de voir le jour. Il suffisait de prendre sa part du gâteau en achetant des actions.
De même, aujourd’hui, les investisseurs voient un monde en changement. Ils pensent acheter leur part du gâteau en prenant des parts dans Netflix, Facebook, et Alphabet.
Barron’s, l’un des premiers magazines financiers des Etats-Unis, a publié en mars un article prévoyant une valorisation de plus de 1 000 Mds$ pour Amazon en cinq ans. L’entreprise, toujours selon Barron’s, va dégager des profits de l’ordre de 20 Mds$.
Comme le marché, Barron’s imagine un monde sans concurrence, sans replis et sans excès. Les arbres ne grimpent pas au ciel, disaient les Anciens… mais les commentateurs financiers de nos jours croient l’inverse. Les Anciens n’avaient simplement pas eu l’opportunité de connaître Amazon ou Facebook, pensent-ils.
L’homme innove depuis 10 000 ans… mais les « visionnaires » croient être les premiers
Les génies et les visionnaires voient la vie en grand. Ils ne cherchent pas simplement à inventer un service ou à rentabiliser une activité. Ils veulent décortiquer et améliorer l’Homme lui-même, accroître le rythme de l’innovation et du progrès et maîtriser le flux de millions d’idées, d’essais et d’erreurs, de rêves et de fantaisies à l’origine des innovations et du savoir.
Ils dévorent les récits et les anecdotes d’entrepreneurs atteignant la renommée et la richesse grâce à une application et un peu de motivation. Ils ont l’impression de présider au début d’une ère dans l’histoire de l’Homme. Ils bâtissent des « campus » et des incubateurs d’idées.
A mon avis, un jour ou l’autre, ils vont connaître un réveil et retomber sur Terre.
3 commentaires
« Le monde » n’innove pas, seul des entrepreneurs et des ingénieurs, les fameux « visionnaires », le font, 90% de la population n’apporte absolument rien à la roue du progrès
Les 90% de la population valident si le progrès doit être accepté ou pas en fin de compte.
Donc elle contribue autant.
De plus il n’y a pas besoin de bac+5 pour innover. L’homme qui inventé la roue il y a + 4000 ans n’était pas spécialement un entrepreneur ou un ingénieur de formation, il avait un problème à résoudre et l’a trouvé par ses propres moyens.
N’importe qui peut innover à son niveau.
Avec 7 ans de recul, H. Bonner avait tort.
Désormais les 90% vivent le nez plongé dans le smart-phone et la prospérité d’Amazon entame celle de la grande distribution qui voit ses hypermarchés se vider de leurs clients.