▪ Nous étions à Vancouver pour une conférence sur les technologies — les technologies de l’information, pour être plus précis.
"Dans votre livre, vous suggérez qu’internet n’a pas vraiment beaucoup contribué à l’économie", nous a dit une auditrice d’un ton accusateur. "Mais en réalité, ça semble avoir tout changé. Comme le dit Elon Musk, internet a donné au monde une sorte de système nerveux, permettant l’échange instantané d’informations sur toute la planète".
"Peut-être", avons-nous répondu. "Mais nous parlions du contexte de la croissance économique. Le genre de croissance dont on a besoin pour rembourser ses prêts. Et internet semble avoir ralenti la croissance au lieu de l’accélérer".
"Mais vous n’êtes pas d’avis que tout se limite à la croissance économique, n’est-ce pas ?"
"Non… en effet. En fait, je pense que ce n’est qu’une fraude".
Nous avons alors expliqué que les économistes peuvent mesurer uniquement la quantité, non la qualité. La quantité est donc tout ce qui les intéresse. Naturellement, ils en veulent plus.
▪ La quantité est illimitée… mais la qualité ?
C’est-à-dire qu’ils ne connaissent que la quantité de "trucs et bidules" que l’économie produit et vend. Si les chiffres du PIB semblent ralentir, les économistes qui gèrent la Fed conseillent une baisse immédiate des taux pour que les lignes de montages et les caisses enregistreuses se remettent à tourner. Encore… encore… encore !
Avec le crédit facile, la quantité de choses qu’on peut se permettre augmente en flèche |
Normalement, la quantité de trucs qu’on peut acheter est limitée par la quantité d’argent qu’on gagne. Mais avec le crédit facile, la quantité de choses qu’on peut se permettre augmente en flèche.
Le dollar factice (non-limité par l’or) permet une quantité presque illimitée de crédit… qui à son tour permet une quantité presque illimitée de trucs. En Chine, les usines surchauffent pour tenter de suivre la demande des consommateurs occidentaux en général et américains en particulier.
Si le crédit avait été maintenu au niveau de PIB en vigueur avant les débuts du système basé sur l’argent facile — c’est-à-dire avant 1971 –, la Chine aurait moins d’usines. Et l’économie américaine vaudrait aujourd’hui 8 000 milliards de dollars, non 18 000. Selon nos calculs à main levée, l’équivalent de 10 000 milliards de dollars de trucs et bidules n’auraient jamais été fabriqués, transportés ou utilisés rien que cette année.
Mais est-ce que ça ne signifierait pas que nous serions tous plus pauvres ?
Uniquement selon les économistes. Les économistes mesurent les trucs. Pour eux, moins de trucs signifie moins de richesse. Ils ne peuvent mesurer la qualité des trucs en question… la qualité de notre expérience… ou la qualité de nos vies.
Internet ne semble pas faire grand’chose en termes de "trucs et bidules"… mais augmente la qualité. Nous pouvons désormais trouver facilement comment faire telle ou telle activité. Nous pouvons vérifier hôtels et restaurants avant d’y aller. Nous pouvons apprendre… lire… voire des choses auxquelles nous n’avions pas accès avant. En un sens, internet permet de gagner ce qui est notre ressource la plus précieuse — le temps. On peut l’utiliser pour aller là où on le souhaite par le chemin le plus court et le plus économique. On peut l’utiliser pour trouver des informations qui auraient autrefois exigé un voyage à la bibliothèque. On peut aussi commander DES TRUCS — s’épargnant ainsi les soucis et les frais d’un déplacement dans les boutiques.
La majeure partie de ces activités sont probablement du temps gaspillé… mais elles permettent d’économiser de l’énergie. Et pour ceux qui souhaitent passer leur temps à regarder du porno ou des chatons — voire mener des batailles imaginaires avec des gens de l’autre côté de la planète — ce doit être une amélioration du niveau de vie. La croissance du PIB baisse. Mais la qualité pourrait grimper.