Comme en 1999 avec les dot.com, l’intelligence artificielle fait miroiter une révolution totale. Mais derrière la promesse, elle risque surtout d’aggraver le chaos informationnel et de renforcer le pouvoir des élites.
« L’histoire me sera indulgente, car j’ai l’intention de l’écrire. » — Winston Churchill
« Cela ressemble furieusement à 1999 », disions-nous à… personne. Installés seuls dans notre petit bureau octogonal, au coeur de la campagne française, nous n’avons ni d’assistant, ni de confident, ni de bras droit. Qu’il soit vif d’esprit ou aussi creux qu’un membre du gouvernement.
Nous jetons un regard en arrière. A l’orée du XXIe siècle, le marché boursier américain sombrait dans l’absurde. Des entreprises sans profits, sans véritable modèle économique, sans employés et sans perspective sérieuse de succès voyaient leur valeur grimper jusqu’à des millions de dollars.
C’étaient les fameuses dot.com : des sociétés souvent montées par de jeunes étudiants décrocheurs, persuadés qu’ils allaient réinventer le monde grâce à un modèle inédit.
Ce nouveau modèle reposait sur une idée : le progrès matériel serait le fruit de « l’information ».
« Quelle est la différence entre Manhattan et le Mozambique ? », demandaient les experts inexpérimentés. Le Mozambique possède des terres agricoles riches. De belles plages. Des richesses minérales. Des richesses agricoles. Et avec 33 millions d’habitants, une richesse humaine considérable également.
Manhattan, elle, n’a ni champs luxuriants, ni rivages immaculés, ni mines en activité… et seulement 1,6 million d’habitants. Pourtant, son PIB avoisinait les 1 000 milliards de dollars, contre à peine 22 milliards pour le Mozambique.
Comment expliquer un tel écart ? Même air, mêmes 24 heures dans une journée, mêmes lois physiques. Mais à Manhattan, on savait transformer ces ressources en gratte-ciel, et en YouTube. Ailleurs, non.
« L’information est la clé », assuraient-ils. Internet, disaient-ils en 1999, changeait tout. Les Mozambicains allaient désormais accéder aux mêmes données que les New-Yorkais. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils n’érigent leur propre Rockefeller Center et ne dînent dans leur Tribeca Grill.
On connaît la suite : ils ont eu tort. Un quart de siècle plus tard, le monde entier a accès à Internet. Mais le Mozambique reste pauvre, et Manhattan demeure riche.
Et Internet est en réalité envahi de mensonges, de distorsions, de pertes de temps. Pour une page du tableau périodique, on trouve des milliers de pages de fake news, de pseudo-science… et de vidéos de chatons.
Bref, Internet reflète la vie réelle : un imbécile à chaque carrefour, un crétin à chaque poste officiel.
Mais attendez… Alléluia ! Voici que l’IA entre dans l’arène. Aujourd’hui, les entreprises d’intelligence artificielle – Nvidia en tête – caracolent en Bourse, comme les dot.com il y a 25 ans. Elles promettent de résoudre le problème né d’Internet : trop d’informations. Plus besoin de trier nous-mêmes l’essentiel du superflu : l’IA s’en charge.
Essayez vous-même. Rendez-vous sur ChatGPT ou sur Grok 3 de Musk. Posez-leur ces questions : les actions montent-elles ou baissent-elles ? Les droits de douane profitent-ils vraiment à l’économie américaine ? Est-ce qu’Israël tue des femmes et des enfants ?
La réponse sera intelligente – mais confuse.
Et vous aurez perdu votre temps ! Car l’IA ne se contente pas de diffuser des données : elle en crée… à foison. Parfois vraies, parfois fausses, tantôt utiles ou futiles.
Vous voulez voir une vidéo de Donald Trump au volant de sa voiturette de golf, fonçant vers une falaise ? Ou bien une version d’Autant en emporte le vent où les Etats confédérés sortent vainqueurs ? Vérité ou invention ?
Avec l’IA, on peut réécrire l’Histoire pour l’adapter à n’importe quelle théorie farfelue.
Oui, cher lecteur, l’IA ne résoudra pas le « problème de l’information », elle l’aggravera. Et quelle aubaine pour l’élite ! Partout dans le monde, les gouvernements traditionnels peinent de plus en plus à se justifier.
Les populations déclinent. Les systèmes de protection sociale, bâtis comme des schémas de Ponzi, s’effondrent. Les économies sont étouffées par les réglementations, les taxes, les sanctions, l’inflation, la planification centrale et les programmes gouvernementaux inutiles.
La dette enfle de milliers de milliards. Les riches s’enrichissent plus que jamais. Mais l’homme ordinaire peine toujours davantage. Avec les droits de douane, les déficits et l’énorme abomination budgétaire, les Etats-Unis devraient atteindre une dette nationale de 150 000 milliards de dollars d’ici le milieu du siècle.
Bien sûr, la bulle éclatera avant. En attendant, l’IA rendra service : elle aidera à maintenir les électeurs confus et dociles, afin que l’élite parasitaire conserve le pouvoir.
CarnegieEndowment.org rapporte :
« IA : le nouveau visage de la propagande
Le 23 juin 2025, WITNESS a reçu une vidéo WhatsApp montrant des nuages de fumée s’élevant de la prison d’Evin, à Tajrish, en Iran. Filmée depuis un appartement voisin, elle portait un message sans équivoque : ‘Ils essaient d’ouvrir Evin.’ Cette prison tristement célèbre pour ses tortures, ses assassinats et l’incarcération de dissidents, de journalistes et de militants venait d’être bombardée.
Les responsables israéliens ont parlé d’une frappe ‘symbolique’, un geste contre la répression de la République islamique. Pour de nombreux Iraniens, voir les portes d’Evin détruites représentait un puissant symbole d’espoir : la liberté, enfin, pour les meilleurs et les plus brillants, enfermés depuis si longtemps derrière ses murs.
Sur les réseaux sociaux, Israël a tenté de tirer parti de l’événement. Son ministre des Affaires étrangères a diffusé une autre vidéo, montrant les portes d’Evin soufflées par une frappe chirurgicale. Et il s’est exclamé sur X (anciennement Twitter) : ‘¡Viva la libertad, carajo !’ (‘Vive la liberté, bon sang !’).
Mais contrairement à la première séquence, celle-ci était probablement fausse.
L’analyse médico-légale a montré qu’elle intégrait des images fixes des portes d’Evin issues d’un article publié en 2021, sans doute manipulées par IA. Ces conclusions ont été confirmées par la Deepfakes Rapid Response Force, un dispositif international géré par WITNESS pour identifier rapidement les contenus trompeurs générés par IA. »
Oui, l’IA sera un outil utile. Mais pas forcément bénéfique.