Avec son soutien au marché des repos, Jerome Powell a attrapé le tigre par la queue. Va-t-il pouvoir le lâcher un jour ?
Nous avons vu hier que la Fed a mis en place un plan de sauvegarde colossal pour venir en aide au marché des repurchase agreements. Colossal, oui… mais à quel point ?
Le site Wall Street on Parade plante le décor :
« Pendant l’effondrement financier de Wall Street entre 2007 et 2010 – la pire crise financière depuis la Grande dépression – la Fed a déversé au total 29 000 Mds$ de prêts cumulés sur les banques de Wall Street, leurs maisons de courtage et leurs contreparties en instruments dérivés libellés en devises étrangères entre décembre 2007 et le 21 juillet 2010. »
Il y a quelques jours, la Réserve fédérale a tranquillement publié les minutes de sa réunion du mois de décembre…… et que révélaient-elles ?
Selon Wall Street on Parade :
« Les minutes de la réunion de la Fed… reconnaissent que les dernières mesures prises se sont élevées à ‘environ 215 Mds$ par jour’, à destination des maisons de courtage de Wall Street. 29 jours ouvrés séparaient la dernière réunion du FOMC et les dernières minutes de la Fed : un cumul d’environ 6 230 Mds$ a donc été prêté aux brokers de Wall Street sur cette courte période. »
Récapitulons : la Réserve fédérale a prêté 6 230 Mds$ en 29 jours. Soit 215 Mds$ par jour.
Si les choses se poursuivent sur cette lancée… d’ici le mois de juin, le plan de sauvegarde du marché des repos aura coûté plus de 29 000 Mds$.
C’est-à-dire que sa taille dépassera celle du plan de renflouage financier de 2007-2010 d’ici le mois de juin… croyez-le ou non.
Vous y croyez ? Non ?
Un silence assourdissant
Les choses vont-elles se poursuivre au même rythme ? Peut-être pas. Mais (selon ses propres dires) la Réserve fédérale va soutenir le marché des repos jusqu’au mois d’avril.
Nous sommes prêt à parier qu’elle ne retirera pas son appui en avril. Ni en juin… ni en août… ni en octobre.
Lorsqu’elle finira par le faire, quelle que soit la date…
… Nous sommes d’avis que la taille de la présente opération dépassera même celle des grands plans de renflouage liés à la crise financière.
Pourtant, dans la presse traditionnelle… pas un bruit.
Une question reste cependant en suspens : que se passera-t-il lorsque la Réserve fédérale retirera ses béquilles au marché… et qu’il devra se tenir debout sans aide ?
Nous avons trouvé un indice. Observons un peu ce qui s’est passé avant le bug de l’an 2000, entre 1999 et 2000…
Un exemple parallèle
Comme je l’évoquais hier, à l’époque, la Réserve fédérale est venue en aide au marché des repos pour parer à un éventuel bug des ordinateurs du monde entier, qui risquaient d’« oublier l’heure ».
Entre octobre 1999 et avril 2000, près de 120 Mds$ ont été déboursés par la Fed, en préparation du jour fatidique.
Quelle a été initialement la réaction de la Bourse ?
Selon Jim Bianco, analyste chez Bianco Research :
« Le Nasdaq a connu une progression comme nous n’en avions que rarement vues dans l’histoire de la finance aux Etats-Unis, une progression qui a littéralement commencé le jour où la Fed a ouvert sa facilité de prêts liée au bug de l’an 2000. »
Rappelons que les principaux indices ont commencé à s’affoler en octobre – soit au moment exact où la Réserve fédérale a annoncé qu’elle allait commencer à effectuer des achats mensuels de bons du Trésor US :
« La Fed a annoncé son intention de commencer à acheter des bons du Trésor le 11 octobre 2019. Les cours ont bondi depuis… 9% de la progression de la Bourse [en 2019] ont été enregistrés après le 11 octobre, lorsque la Fed a annoncé son problème d’achat de T-Bonds. Une bonne partie des 30% de progression enregistrés par la Bourse cette année a donc directement suivi des mesures de la Fed, tout comme le déclin de 20% enregistré l’an dernier correspondait à un discours agressif de sa part. »
Revenons-en à l’an 2000. En avril, la Réserve fédérale annonça la fin de ces activités… et s’éloigna.
Le Nasdaq a-t-il alors progressé, M. Bianco ?
« Il s’est effondré, perdant 25% la semaine où la facilité a pris fin (entre le 7 et le 14 avril 2000). »
C’est notre exemple : un parallèle presque parfait avec ce que l’on constate aujourd’hui. Nous nous attendons à une déculottée du même acabit lorsque la Réserve fédérale retirera le soutien apporté actuellement.
Et souvenez-vous que l’opération d’aujourd’hui dépasse largement celle de 1999. La chute devrait donc faire d’autant plus de bruit.
Attraper le tigre par la queue
Jerome Powell a donc attrapé un tigre par la queue…
Il peut lâcher prise dès maintenant, et laisser la bête se faire les griffes sur le marché des repos… avant, sans doute, de s’attaquer à la Bourse.
M. Powell peut aussi choisir de le tenir fermement jusqu’à ce que le marché des repos soit capable de voler de ses propres ailes.
Mais la bulle risquerait alors d’atteindre des proportions parfaitement obscènes.
Comment pourrait-il alors lâcher prise ?