En 2025, les Etats-Unis célèbrent le 50e anniversaire de la légalisation de l’or. Cet événement historique, initié par le président Gerald Ford en 1974, a marqué un tournant majeur pour les investisseurs et le marché des métaux précieux.
Cette année, les adeptes de l’or ont l’occasion de célébrer le 50e anniversaire d’une année « dorée », qui a marqué un tournant historique en matière de manipulation des marchés.
Il y a cinquante ans, le président Gerald R. Ford a légalisé la détention privée d’or, permettant aux Américains de recommencer à accumuler le roi des métaux précieux afin de protéger leur patrimoine contre les ravages de l’inflation et la dépréciation du dollar. Mais le négoce de contrats à terme sur l’or et les manipulations de marché ont également commencé aux Etats-Unis il y a un demi-siècle.
Le 31 décembre 1974, le président Ford a signé un ordre exécutif abrogeant le décret de 1933 du président Franklin D. Roosevelt, qui criminalisait la thésaurisation de l’or. Depuis Roosevelt, les citoyens américains avaient ainsi l’interdiction de posséder plus de 100 dollars (soit environ 5 onces à l’époque) de ce métal qui avait alors été démonétisé. Ford a signé cet ordre exécutif sans fanfare ni déclaration publique fracassante. Il s’est simplement contenté de diffuser un communiqué officiel rappelant l’autorité légale lui permettant de prendre cette mesure.
Bien qu’il n’y ait eu aucun lâcher de confettis et qu’aucune bouteille de champagne n’ait été sabrée à la Maison-Blanche pour marquer l’occasion, l’abrogation d’un décret vieux de 41 ans relança l’extraction aurifère, jusque-là largement à l’arrêt, et rétablit le négoce du métal jaune en tant que matière première.
L’or pouvait désormais être détenu par les citoyens en tant qu’investissement et s’échanger librement à l’intérieur du pays, sans risquer une amende de 10 000 dollars ou 10 ans de prison. Cependant, les pièces d’or n’étaient plus considérées à l’époque comme ayant cours légal aux États-Unis, et les lingots n’étaient plus utilisés pour les transactions internationales entre Etats depuis que le président Richard Nixon avait mis fin à la convertibilité du dollar en or en 1971.
Etant le seul vice-président et président de l’Histoire américaine à n’avoir jamais remporté une élection nationale, Ford ne disposait d’aucun mandat politique ou populaire pour légaliser l’or. Il n’était pas atteint de la « fièvre de l’or » et n’était pas non plus un grand partisan de l’étalon-or. Le 38e président américain s’est simplement aligné sur une mesure bipartisane adoptée par le Congrès, quatre mois plus tôt. Cette loi, alors passée inaperçue (Public Law 93-373), autorisait « les citoyens des Etats-Unis à acheter, détenir, vendre ou négocier de l’or, aux Etats-Unis ou à l’étranger ».
Présenté par le sénateur James Fulbright (D-Ark.), le projet de loi fut approuvé par une coalition de démocrates et de républicains à la suite d’un mouvement populaire mené par James U. Blanchard III, fondateur du Comité national pour la légalisation de l’or. L’adoption de la mesure a été rendue possible grâce au soutien des partisans de la libéralisation du marché de l’or et au fait qu’elle était rattachée à un programme d’aide à l’étranger promu par Nixon. Ford a promulgué la loi le 14 août 1974, six jours après avoir prêté serment pour un mandat partiel, son investiture faisant suite à la démission de Nixon dans le cadre du scandale du Watergate.
La légalisation de l’or ne s’est pas faite sans contestations.
La décision a suscité des inquiétudes au sein du département du Trésor américain et de la Réserve fédérale, en particulier après que le cours de l’or a atteint un record, dépassant 195 dollars l’once le 30 décembre 1974. A l’époque, le prix légal de l’or était fixé à 44,22 dollars l’once, et les réserves d’or du pays faisaient l’objet d’un audit très médiatisé, entamé le 23 septembre 1974, par une inspection en présence de membres du Congrès et de journalistes dans l’une des chambres fortes du dépôt de lingots de Fort Knox (Kentucky), soulevant de nombreuses interrogations.
Le Trésor américain et le FMI ont vendu de l’or afin de limiter la hausse des cours
Les responsables du Trésor américain craignaient qu’une forte demande du grand public pour l’or ne fasse grimper les prix, n’aggrave le déficit commercial du pays en raison de la hausse des importations d’or pour répondre à la demande et ne fragilise davantage le dollar américain, dont la valeur avait déjà commencé à se déprécier, étant donné qu’il n’était plus adossé à l’or et que la Réserve fédérale pouvait par conséquent en imprimer sans limite.
Ces craintes étaient légitimes dans un contexte de spirale inflationniste déclenchée par la suspension de l’étalon-or international par Nixon, l’embargo pétrolier arabe de 1973 et les déficits budgétaires persistants du gouvernement fédéral, entraînant un alourdissement de la dette nationale.
Pour limiter la hausse des cours de l’or, le Trésor annonça son intention de vendre 2 millions d’onces d’or sous forme de lingots. La première vente aux enchères eut lieu le 6 janvier 1975, moins d’une semaine après que la légalisation de la possession privée d’or. Le 30 juin, 1,25 million d’onces supplémentaire furent vendues entre 153 $ à 185 $ l’once. En 1976, le Fonds monétaire international (FMI) mit en vente de 25 millions d’onces d’or. Et en 1978, le Trésor procéda à la vente de 15,8 millions d’onces pour enrayer la hausse des cours et la dévaluation du dollar.
Le président de la Réserve fédérale, Arthur Burns, qualifia de « malvenue » la décision du Congrès de lever l’interdiction sur la détention privée d’or et plaida pour un report de la mesure. Il craignait que les investisseurs ne retirent leurs fonds de leurs comptes d’épargne et vendent leurs actions afin d’acheter de l’or, provoquant une volatilité accrue des prix, une bulle spéculative sur l’or et des perturbations sur les marchés financiers.
Il s’inquiétait également du fait que les ventes d’or du Trésor américain, visant à contrôler les prix à court terme, conduisent à de nouvelles interventions à l’avenir. « Une fois que le Trésor aura commencé à vendre de l’or, il risque d’être difficile de résister aux pressions pour de nouvelles interventions dans le futur, que ce soit pour soutenir le prix de l’or, ou au contraire pour l’empêcher de grimper », écrivit Burns dans une lettre datée du 13 novembre 1974 adressée au secrétaire au Trésor, William Simon.
Quelques mois plus tard, Burns négocia un accord visant à limiter les achats officiels d’or et à contenir son prix. Une lettre déclassifiée, datée du 3 juin 1975, confirme que Burns a cherché à intervenir dans le plus grand secret. Il écrivit à Ford, qui semblait soutenir cet accord confidentiel, aucun élément ne permettant d’affirmer le contraire.
Un marché à terme conçu pour accroître la volatilité et réduire la demande
Diverses formes de manipulation du marché et de contrôle des prix ont été mises en oeuvre depuis l’ouverture, le 31 décembre 1974, du marché à terme de l’or sur le COMEX de New York et sur quatre autres Bourses de matières premières basées aux Etats-Unis, date qui coïncide avec l’ordre exécutif de Ford annulant l’interdiction de la détention privée d’or.
Un télégramme envoyé au secrétaire d’Etat des Etats-Unis par l’ambassade américaine à Londres, le 10 décembre 1974, révèle l’importance des ventes d’or et du marché à terme. Ce télégramme, vraisemblablement rédigé par le chef adjoint de l’ambassade, Ronald Speirs, indique que les courtiers en métaux précieux basés à Londres saluent l’annonce de la vente de deux millions d’onces d’or par les Etats-Unis et prédisent que la déréglementation, ainsi que la volatilité accrue sur le marché à terme, réduiraient la demande d’or physique.
« Les courtiers étaient convaincus que le marché à terme prendrait une ampleur significative et que le volume des échanges physiques serait minime en comparaison », indique le télégramme diffusé par WikiLeaks. Une autre idée faisant consensus est que des opérations de grande envergure sur le marché à terme entraineraient une plus forte volatilité des cours, ce qui réduirait la demande d’or physique et découragerait très probablement la thésaurisation à long terme par les citoyens américains. »
Malgré les craintes, les contestations et les interventions sur le marché, la liberté pour les Américains de posséder de l’or physique a relancé son commerce aux Etats-Unis, bien au-delà de la demande pour le secteur dentaire, la joaillerie et les pièces de collection, qui étaient déjà exemptés du décret prohibitif de Roosevelt de 1933.
En anticipation de la légalisation de la détention privée d’or, des pièces datant d’avant 1933 ont été rapatriées de l’étranger. Les négociants en lingots ont construit ou loué des chambres fortes pour stocker l’or de leurs clients. Des fonderies privées ont vu le jour et développé leurs opérations afin de produire toutes sortes de médailles, de lingotins et de pièces en or. Partout dans le pays, des boutiques numismatiques ont ouvert leurs portes pour répondre à la demande latente du grand public, désireux de se protéger contre la dépréciation monétaire et l’inflation des prix.
Le secteur aurifère, endormi depuis quatre décennies, s’est réveillé par un simple trait de plume du président Ford, le soir du Nouvel An. Cet événement marquant mérite que l’on porte un toast pour célébrer les 50 ans de la légalisation de l’or aux Etats-Unis.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.
2 commentaires
Il est toujours, et de plus en plus, fascinant de voir comment les administrations gouvernementales des pays » démocratiques », volent, spolient, aliènent, mettent sous carcan, leurs populations.
Au moins, avec les dictatures, c’est exactement pareil, mais on n’est pas surpris.
J’ai encore un petit catalogue édité par Norman Stack en janvier 1976 : il rachetait les pièces de 20$ les moins cotées pour environ 180$.