Wall Street Journal, Financial Times, Herald Tribune : les titres sur la tragédie grecque font la une. L’Agefi titrait il y a quelques jours : « une sortie de la Zone euro pour la Grèce devient un scénario possible ».
Selon Maria Damanaki (le commissaire européen à la pêche) : « le scénario d’un retrait de la Grèce de l’euro est sur la table. Je suis obligée de parler ouvertement. Nous avons la responsabilité politique de soupeser le dilemme : soit nous nous mettons d’accord avec nos emprunteurs sur un programme de sacrifices importants avec des résultats… soit nous revenons à la drachme ».
Dans ce cas, les créanciers seraient remboursés en néo-drachmes, une perspective peu réjouissante. La néo-drachme serait probablement dévaluée de 30% à 70%.
La dernière note de Natixis va même plus loin : « l’Espagne doit-elle quitter l’euro ? » s’y demande Patrick Artus qui préconise une dévaluation de 30% de la néo-peseta, calculant que celle-ci rapporterait 3,6% de croissance chaque année.
Moyennant quoi les prêteurs étrangers perdraient la bagatelle de 660 milliards d’euros (soit 132 Kerviel, sachant qu’en 2008, un Kerviel était censé mettre la finance mondiale en danger).
▪ La BCE pourrait faire faillite…
1 – La Banque centrale européenne a « pris en pension » des milliards d’euros de titres pour gager les prêts des pays périphériques : 2 010 milliards d’euros répartis entre :
– ABS (asset backed securities : titres adossés à des actifs) ;
– obligations du secteur public ;
– obligations bancaires ;
– obligations d’entreprise ;
– autres créances.
Selon Der Spiegel, une grande partie de ces actifs ont été surévalués ce qui a permis à certains pays d’emprunter bien au-delà à ce qu’ils peuvent prétendre.
2 – Toujours selon Der Spiegel, les banques centrales qui ont le plus de dettes auprès de la BCE sont :
– l’Irlande : 145 milliards d’euros ;
– la Grèce : 87 milliards d’euros ;
– le Portugal : 60 milliards d’euros ;
– l’Espagne : 51 milliards d’euros.
Admettons que la Grèce fasse faillite ou sorte de l’euro. Que se passerait-il ?
– Les banques grecques deviennent immédiatement insolvables.
– La néo-drachme est instaurée et vaut 50% de l’euro, ce qui revient à récuser 50% des dettes.
– Les Irlandais récusent leurs dettes au motif du « puisque d’autres le font »…
– Les Portugais aussi « puisque tout le monde le fait »…
– Les banques espagnoles, françaises et allemandes affichent des pertes telles qu’elles ne respectent plus la réglementation.
A ce stade, la BCE fait faillite et les pays d’Europe sont solidaires. La Banque centrale allemande, qui compte pour 27% du capital de la BCE, est redevable de plus d’un quart.
▪ La Crise 2 est bien plus grave que la Crise 1
Elle en reprend tous les ingrédients :
– risques systémiques pour parler le jargon financier ;
– produits dérivés contaminant au travers des CDS censés assurer les défaillances des obligations souveraines ;
– crises de solvabilité maquillées en crise de liquidité.
Le scénario le plus probable sera alors le recours intensif à la planche à billets par la BCE, avec ou sans l’Allemagne. Car le seul scénario que la presse anglo-saxonne n’examine pas est la sortie de l’Allemagne de l’euro. Auquel cas je ne vous en voudrais pas de vous jeter sur le néo-mark !
▪ En attendant, l’Europe fait oublier les Etats-Unis et le dollar
La croissance américaine anémique réalisée grâce à une impression monétaire massive est insuffisante pour rembourser les dettes. Chômage et immobilier continuent de peser très lourdement sur le pouvoir d’achat des Américains, laminés.
L’Europe fait aussi oublier la dépression japonaise et le yen menacé d’hyperinflation. Lorsque vous raconterez cette crise à vos descendants, vous leur direz : « je n’étais pas spécialement intelligent(e). Je ne comprenais rien à la finance. Simplement, lorsque les banques centrales imprimaient de l’argent et détruisaient les plus grandes monnaies fiduciaires mondiales, j’achetais de l’or ».
Première parution dans la Quotidienne de MoneyWeek le 30/05/2011.