Jadis au sommet de son rayonnement culturel et industriel, la France offre aujourd’hui l’image d’un pays ralenti, engorgé, fragilisé.
Bloomberg rapporte :
« Modi resserre ses liens avec la Russie et la Chine, défiant ainsi Trump. »
US News :
« Les tensions s’exacerbent entre les Etats-Unis et le Venezuela avec l’arrivée de navires de guerre américains dans le sud des Caraïbes. »
Forbes :
« Le jackpot du Powerball atteint 1,1 milliard de dollars pour le tirage de la fête du Travail. »
Tel des sans-abri en quête d’un sandwich à moitié entamé, nous parcourons aujourd’hui de longues distances. Dans chaque benne à ordures, nous trouvons un morceau d’empire en déclin, un fragment de magie conjugale ou l’annonce d’un effondrement boursier imminent.
« Vous n’êtes plus deux, a déclaré le prêtre de Saint-Jean-de-Malte après avoir célébré le sacrement du mariage. C’est là toute la magie du mariage : désormais, vous ne faites plus qu’un. »
La croix de Malte ornait les murs et les vitraux de l’église. Symbole que chérit aussi le secrétaire américain à la Défense – peut-être parce qu’il se pense défenseur de la chrétienté contre les infidèles… ou parce qu’il s’est réveillé un jour de permission, ivre mort, avec un tatouage sur la poitrine.
L’église, bâtie au XIIIe siècle par les chevaliers hospitaliers de l’ordre de Malte, respire l’histoire. Ces chevaliers étaient des combattants redoutables. En 1565, 500 d’entre eux ont repoussé une armée ottomane de 40 000 hommes envoyée par Soliman le Magnifique. Après quatre mois de siège et d’immenses pertes, les Turcs ont abandonné l’île et sont rentrés chez eux.
Parfois, la magie opère. Parfois non. Dans un mariage, elle s’installe par étapes. Les couples affrontent des épreuves qui, une fois surmontées, resserrent le lien. Comme le dirait Nassim Taleb, le mariage est d’abord « fragile », puis devient « anti-fragile » avec le temps.
Hier, à Aix-en-Provence, nous avons vu nombre de ces couples âgés et anti-fragiles : main dans la main, ou simplement déambulant ensemble dans les musées, sûrs que celui ou celle avec qui ils étaient entrés serait le même en ressortant.
La jeunesse, elle, est spontanément anti-fragile : elle n’a pas besoin de vaccin contre la COVID, blessures et rhumes glissent sur elle comme une lingette humide. Mais avec l’âge, l’être humain devient aussi fragile qu’une porcelaine fine : même sortir de la baignoire peut lui être fatal.
La fragilité est aussi cyclique. Quand la Bourse est à des niveaux bas, les mauvaises nouvelles pèsent peu. Mais au sommet, n’importe quel choc peut déclencher un krach – et il n’existe presque aucune « bonne nouvelle » capable de pousser les actions plus haut. Elles deviennent fragiles.
Et lorsque les autorités fédérales tentent de protéger un marché fragile – en baissant les taux d’intérêt, par exemple – elles ne font que l’affaiblir davantage. Les marchés, comme les mariages ou les enfants, ont besoin d’épreuves, de revers, d’adversité. Ce qui ne les tue pas, disait Nietzsche, les rend plus forts. Un marché n’est sain qu’après avoir purgé les actions de pacotilles, les canulars boursiers et les entreprises sans avenir.
Ces réflexions nous accompagnaient sur la route de Poitiers à Aix-en-Provence. Autrefois, un tel trajet aurait pris deux jours, ponctués d’arrêts dans les petites villes. C’était l’époque où l’on « traversait » encore la France par les routes secondaires, avant que le maillage autoroutier n’uniformise le pays.
Aujourd’hui, les autoroutes filent à travers des campagnes désertes. On roule à 110 km/h des heures durant sans croiser une maison, un hôtel, un véritable restaurant. Même les villes se réduisent à quelques toits ou piliers de béton. Dans les aires de repos – clones de celles de la New Jersey Turnpike – on ne trouve guère qu’un café tiède, des snacks et des plats industriels.
Notre ami Warren Trabant, photographe pour LIFE, avait vécu en France dans les années 1950 et 1960, à l’âge d’or du pays, avant qu’il ne soit recouvert de couches de règlements et d’asphalte. La France d’alors brillait : la Citroën DS figurait parmi les meilleures voitures du monde, ses restaurants (comme Maxim’s à Paris, où Brigitte Bardot avait fait scandale en entrant pieds nus) étaient sans rivaux, et le Minitel préfigurait déjà Internet, quinze ans avant son invention américaine.
Puis vint 1981. L’élection de François Mitterrand a introduit réglementations, subventions et contraintes sur le marché du travail, compliquant la vie des entreprises. Depuis, beaucoup d’innovateurs français brillants et ambitieux ont quitté le pays.
Les Français roulent aujourd’hui dans des voitures allemandes, japonaises ou chinoises. McDonald’s et KFC couvrent le territoire.
Le réseau autoroutier, lui, est moderne et efficace. Mais lors du dernier week-end d’août, la circulation s’est retrouvée paralysée. Entre Clermont-Ferrand et Aix, les voitures s’étiraient à l’arrêt sur près de cinquante kilomètres.
La France, peut-être comme l’Amérique, semble avoir vieilli. Et être devenue fragile.
1 commentaire
cocorico !
On parle de nous, et en mal en plus !! 🙂