Il n’y a aucun signe de bulle à la veille des « Quatre sorcières » : gare au cygne noir !
Depuis trois semaines, Apollo Global Management, une société de gestion « alternative » américaine (avec une approche très « technique » des marchés), met en garde ses clients – et de facto toute la communauté financière – que le niveau de surachat des marchés US dépasse les sommets observés lors de la bulle des dot.com.
La comparaison avec fin 1999/début 2000 agace beaucoup de « permabulls« , qui dégainent – tout comme début mars 2000 avant que tout bascule – le fameux « cette fois-ci, c’est différent ». Et ils ajoutent que nombre d’actions dot.com et de valeurs « de croissance » de l’époque ne gagnaient pas d’argent contrairement à Broadcom, AMD ou Nvidia.
Ces gens n’ont manifestement pas connu l’an 2000, sinon ils se souviendraient que personne à l’époque n’ignorait le faible niveau de bénéfices engrangés par leurs champions. Leur absence dans bien des cas n’était pas un frein, puisque les analystes extrapolaient des profits mirobolants à 2 ans, 3 ans, 5 ans, et soyons plus « prospectifs », 10 ans.
Exactement ce que font les analystes en mars 2024. Ils extrapolent des futurs gains stratosphériques, et prédisent 10 $ par titre dans 3 ans en partant de 0,1 $ en l’an 2000 ou 12 $ en 2027 en partant de 2 $ en 2024. Cela ne change rien à l’affaire, c’est toujours 10 $ de bénéfices hypothétique (et Tesla est justement en train de faire les frais de prévision « hyper-optimistic » liées à son « avance technologique », à sa position de leader, à son positionnement « premium », au génie de son fondateur, etc.).
Leurs facultés de discernement sont anesthésiées par l’ivresse des records qui s’enchaînent (comme ils l’ont vécu il y 2 ans sur Tesla). Tout ce qui avait pu constituer un paroxysme de surachat en l’an 2000 ou début 2022 est désormais jugé presque banal : 15 ans de soutien sans faille des banquiers centraux aux détenteurs d’actions ont engendré une génération d’investisseurs et d’analystes qui n’ont connu que des marchés sous stéroïde monétaire.
Ils n’imaginent pas que la fonction première des marchés ait pu un jour consisté à « deviner » le cours le plus pertinent d’un actif, partant d’une autre composante fondamentale : l’estimation du « risque », la combinaison des deux permettant de faire émerger une « valeur » qui fasse consensus.
Aujourd’hui, la « valeur » n’intéresse personne et le marché n’est plus qu’une succession de prix (des centaines de milliers de prix en une seule séance pour Nvidia ou Tesla, par exemple), dans un univers où la banque centrale impose une gestion soviétique du coût du risque et où les flux de liquidités (imprimés par ces mêmes banquiers centraux) deviennent les déterminants principaux de la tendance boursière.
La virtualisation radicale de la « valeur » ne semble pas connaître de limite, et la pièce est remplie de gaz à l’excès… mais plus personne ne le « sent ». Bank of America a publié une étude qui démontre (!) que Nvidia n’était vraiment pas chère et qu’il ne fallait pas hésiter à renforcer au moindre « pullback« .
UBS pense qu’il faut rester exposé massivement aux actions américaines (ce sont les mêmes qui anticipaient 8 à 10 baisses de taux de la Fed en 2024, c’est dire s’ils sont perspicaces) parce que selon leurs constatations, « il n’y a aucun signe de pic de marché à l’horizon ».
C’est à peu près la seule chose sur laquelle nous sommes d’accord : il n’y a aucun signe.
Mais comme la plupart des analystes d’UBS ont moins de 15 ans d’expérience des marchés, ils ne se rendent pas compte que l’absence du moindre « signe » durant 20 semaines démontre, de façon imparable, que le marché est complètement « truqué » et que de ce fait, il ne reflète pas davantage le passé qu’il n’anticipe le futur… Sinon, une séance des « Quatre sorcières » où il s’agit de tout « coller au zénith » pour maximiser les gains.
Mais ils devraient lever les yeux du S&P 500 et suivre ce qui se passe dans la salle de marché d’à côté…
Voici que les liquidités commencent à chercher une échappatoire, vers l’or et vers le Bitcoin, dont l’accès aux spéculateurs est facilité par les ETF – dont la capitalisation totale vient de dépasser celle de la totalité des stocks d’argent métal, servant de réserve et de support pour des produits dérivés.
4 commentaires
Concernant le bitcoin et autres crypto-bullshit-currencies : l’expérience nous a appris que la valeur actuelle d’un actif consiste en l’actualisation à aujourd’hui des flux futurs escomptés. Ceci est valable pour les actions, les obligations et tout autre actif financier. Que penser alors de la valeur ACTUALISÉE de… rien du tout, vu que toutes ces crypto-monnaies ne génèrent strictement AUCUN revenu ? C’est simple : la valeur actuelle de zéro est aussi égale à zéro.
Le modèle d’affaires de ces crypto-monnaies est d’une simplicité biblique : il consiste, pour un investisseur, pardon, spéculateur, à trouver un autre investisseur, pardon, idiot, prêt à payer plus que le spéculateur en question.
L’explosion du prix de ces crypto-monnaies révèle, entre autres, le degré d’ignorance crasse en matière financière, l’illusion de pouvoir devenir riche vite fait (“Get rich quick”), la malhonnêteté des entités financières qui cherchent à surfer sur la vague de l’ignorance des clients (grâce aux commissions d’achat et vente encaissées), mais aussi un indicateur de désespoir financier des gens qui y voient la seule façon de s’en sortir. Tout ceci ne peut, bien sûr, que mal finir…
Merci Philipe Béchade
Merci pour votre analyse
Si on suit toutes les alarmes de M.Béchade, on vend tout depuis 2 ans pour acheter ses nouveaux conseils miracles. Abonné des offres d’origine d’Agora ( j’avais rencontré en son temps M.Bonner dans un Actionnaria à Paris!) mes PEA ont été très profitables il y a 20 ans, et maintenant tout est négatif; voir les lettres où on continue d’acheter au même prix avec 80 % de perte. Et ce sont les conseils Agora hors PEA qui sont à la traine. Je serais intéressé par les résultats réels des offres multiples depuis 2 ans. Merci