Le système français, en bout de course, s’est mué en mal français – et les solutions proposées par Emmanuel Macron et ses conseillers ne mèneront à rien, au mieux… et, au pire, à un pays encore plus éclaté et divisé.
Il semble évident que la France a un problème de dépenses sociales, et ce n’est pas le seul problème puisque la dépense publique totale s’élève à 58% du PIB. La pression fiscale en France est de 48,4% et non de 46% comme on le dit.
La France n’est ni libérale ni néo-libérale, c’est un système bancal où la liberté du marché est réduite à un croupion. Les ajustements, bloqués par des rigidités largement enracinées, sont imposés à une seule partie de la société, ce qui rend les sacrifices trop lourds et disproportionnés.
La France a vécu sur et dans un système qu’elle n’a plus les moyens de se payer. Elle s’est interdit de poursuivre dans cette voie à deux niveaux :
– l’ouverture mondiale qui impose la compétitivité ;
– l’intégration européenne qui impose à la fois la stabilité du change, la stabilité des prix et le plafonnement des dettes.
Les frais généraux hypertrophiés de la nation, une administration pléthorique, le boulet du stock de dettes, une charge démesurée de répartition sociale… Tout cela concourt à peser sur le taux de profitabilité du capital, lequel taux est bien sûr très inférieur à celui des Etats-Unis, mais aussi à celui de l’Allemagne.
La faible profitabilité du capital est aggravée par la masse énorme de capital non productif, fictif, de poids mort qui plombe le pays ; il s’y ajoute un secteur des services parasitaire qui draine le surproduit.
Un pays et un système en bout de course
Dans ces conditions le capital voit peu d’occasion d’investir productivement ; nous sommes absents de tout ce qui marche. Le capital fait la grève, il se vend à l’étranger, il se loge dans les activités stériles – et le cercle du mal français devient vicieux.
Tous ces chiffres attestent d’un pays et d‘un système qui sont en bout de course. On a fait le tour aussi bien de ce système que des expédients pour le financer – puisqu’étant soumis aux contraintes de l’Union européenne, le recours à l’inflation et à la dette est maintenant difficile.
La France a choisi de se battre sur le ring mondial des poids lourds alors qu’elle n’est que poids moyen… et elle a choisi de s’arrimer à l’Allemagne sans en avoir la spécialisation économique.
Emmanuel Macron a certainement une conscience claire de tout cela – et si lui ne l’a pas, ses conseillers l’ont.
Le problème, c’est son biais idéologique et sa légitimité partielle. Macron « pense BlackRock » – et ce n’est pas une plaisanterie, c’est un mode de pensée. Très différent du mode de pensée rhénan, par exemple.
Alors que le diagnostic doit être un diagnostic global, un diagnostic « du tout », un diagnostic national, notre Macron ne voit que des solutions partielles, des solutions de classe.
Elles consistent à financiariser la France, à l’anglo-saxonniser, à hausser considérablement le taux d’exploitation de la main d’œuvre, à reprendre les avantages acquis, à laminer les gains sociaux et à standardiser/banaliser la société française.
Ce faisant, il fracasse le consensus social déjà fragilisé par des décennies de communo-socialisme. Il brise les solidarités, il pulvérise nos arrangements politiques et il révèle toute la pourriture cachée du système. Il s’installe dans le cynisme.
Les solutions qu’il impose en voulant « montrer qu’il en a » et qu’il ne cédera pas, ces solutions, même si elles passent, seront des victoires à la Pyrrhus : le pays sera ingouvernable, déchiré, éclaté, les impulsions ne seront pas transmises. Les déficits économiques et financiers seront remplacés par les déficits sociaux, par le populisme.
Macron creuse le déficit social
Les coûts imposés par les dysfonctionnements seront considérables. La France sera noyée par les dépenses de tentative de reproduction et de maintien « pacifique » de son système.
Il n’est de solution au mal français que du tout.
Pourquoi ? Parce qu’avec les solutions partielles, les solutions de classe, les gains que l’on fait d’un côté sont reperdus ailleurs. Tout système engendre à la fois des charges/dépenses pour tourner et des charges/dépenses pour se reproduire, pour se maintenir.
Macron réussira peut-être à faire mieux tourner le système, mais celui-ci ne pourra se reproduire, il se fissurera, il s’enfoncera dans le clivage. Les laissés-pour-compte le seront de plus en plus et ce que l’on gagnera en économie, on le perdra en politique et en social.
La seule solution adaptée et éthique est celle qui, fondée sur une approche globale, nationale, propose un nouveau pacte social, un pacte dans lequel les intérêts et la dignité de tous sont restaurés.
La France, un pays asphyxié, en bout de course.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]