Si l’on en croit des enquêtes réalisées récemment, les Français sont plutôt de bons épargnants. Est-ce que cela se confirme par leurs investissements ?
L’ICN Business School a invité, le 5 décembre 2022, dans ses locaux de la Défense, des universitaires, des professionnels de l’investissement, des responsables d’institutions d’épargne, des dirigeants de think tank, des start-upers, des assureurs, etc., à répondre à la question suivante : « Sommes-nous de bons épargnants ? »
Je pensais revenir de cette conférence avec une réponse claire. Je ne l’ai malheureusement pas eue. En revanche, en écoutant attentivement les orateurs, je suis revenu avec une conviction : nous ne serons jamais de bons épargnants. Voici pourquoi.
Qu’est-ce qu’un bon épargnant ?
Au préalable, il serait judicieux de définir ce qu’est un « bon épargnant ». Mais les orateurs présents ce soir-là, tous pourtant plus qualifiés les uns que les autres, n’ont pas cru bon de le faire. Un bon épargnant est-il celui qui met le plus d’argent possible de côté ? Celui qui trouve les meilleurs rendements ? Celui qui augmente son capital ? Celui qui maximise les déductions fiscales et autres crédits d’impôts ? Celui qui investit dans la transition écologique ? Celui qui rapporte le plus aux intermédiaires et à l’Etat ? Selon la position que l’on occupe, les définitions peuvent diverger du tout au tout.
Si l’on se place du point de vue de l’épargnant lui-même, on pourrait dire que le « bon épargnant » est celui qui place son épargne le mieux possible, en fonction du contexte économique et financier, afin d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés. Ainsi, la manière d’épargner différe-t-elle selon que l’on souhaite compléter ses revenus à la retraite ou transmettre un capital à ses enfants.
De ce point de vue, on peut affirmer que les Français sont plutôt de bons épargnants. D’abord, ils épargnent beaucoup relativement à d’autres peuples. Le taux d’épargne au deuxième trimestre était, en France, de 16%, selon l’Observatoire de l’épargne européenne (OEE). C’est bien plus élevé qu’au Royaume-Uni (8,9%), plus fort qu’en Espagne (11,3%) ou en Italie (12,7%), mais moins important qu’en Allemagne (22%).
En pleine crise de Covid, début 2021, le taux d’épargne des Français était monté à 21%, celui des Britanniques à 20%, celui des Italiens et des Espagnols à 18% et celui des Allemands tutoyait les 26%. Inflation aidant, les taux redescendent. Sans doute pour retrouver des niveaux plus conformes à ce qu’ils étaient avant la pandémie : de 18,5% à 19% en Allemagne ; de 13,5% à 14,5% en France ; autour de 10% en Italie ; entre 5% et 6% en Espagne ; environ 5% au Royaume-Uni.
Mais comment sont répartis les 14 500 Md€ d’épargne des Français ? D’abord en immobilier, pour 60%. Les 40% restants – soit près de 5 800 Md€ – sont investis essentiellement (aux deux tiers) en produits non risqués. Et qui dit produits non risqués, dit faible rémunération.
Les Français préfèrent donc ce qui est peu risqué et rapporte peu (livrets A, LDDS, comptes courants, placements en euros…) plutôt que la Bourse, qui est pourtant, sur le long terme, le placement le plus rentable.
Ce « mauvais » choix en termes de rentabilité est cependant censé si on se réfère aux motivations des épargnants.
D’abord une épargne de précaution
Si l’on en croit la dernière enquête du Cercle de l’épargne/Amphitéa, réalisée en partenariat avec AG2R La Mondiale, 42% des Français épargnent par précaution, par exemple pour faire face à des aléas de revenus liés à des problèmes de santé ou d’emploi. Ils ont raison, dans ce cas, de mettre leurs économies sur un livret A. D’autres motivations peuvent également expliquer la propension à se tourner vers des placements liquides : la réalisation d’un achat important, par exemple une voiture (23%), l’aide à la famille (16%) ou l’achat d’un logement (13%).
Néanmoins, 30% des Français disent épargner en vue d’améliorer leur niveau de vie à la retraite. De ce point de vue, il pourrait être tentant d’affirmer qu’une bonne partie de leurs placements pourrait être mieux allouée. Mais, quand on regarde les résultats de l’enquête dans le détail, on s’aperçoit que ce souci d’épargner pour la retraite ne concerne que 10% des 18-24 ans, 22% des 25-34 ans et 30% des 35-49 ans.
C’est la tranche d’âge 50-64 ans qui est finalement la plus concernée (45%), c’est-à-dire celle qui est la plus proche de la retraite. Dans ce cas, on comprend mieux que même la partie de l’épargne consacrée à la retraite soit liquide : elle ne va pas tarder à être dépensée !
L’enquête relève tout de même une contradiction. En effet, si seulement 30% des Français disent épargner pour améliorer leur niveau de vie à la retraite, ils sont 72% à estimer que leur pension sera insuffisante pour vivre correctement à la retraite. Et ce sont les jeunes actifs (25-34 ans) qui sont les plus inquiets pour leur future pension (78%), c’est-à-dire précisément ceux qui épargnent le moins en ce sens (10%) comme nous l’avons vu.
Les plus jeunes auraient donc intérêt à se tourner vers des placements de long terme. A moins qu’ils ne le fassent à travers l’achat d’un logement, puisque 43% des 18-24 ans déclarent épargner dans cet objectif. Pour eux, l’épargne en vue de la retraite consiste d’abord à devenir propriétaire. L’épargne en vue d’améliorer son niveau de vie à la retraite viendra plus tard… quand le logement sera payé.
Tout cela semble prouver que les Français sont d’assez bons épargnants. Pourtant j’ai écrit au début de cette chronique que ça ne serait jamais le cas. Pourquoi ? Nous verrons cela demain !