Alors que l’euro semble de plus en plus fragilisé, notamment face au dollar, doit-on espérer le retour au franc pour résoudre nos problèmes monétaires ?
Comme nous l’avons vu au début de ce mois d’août, l’euro a récemment vu son cours chuter face au dollar, jusqu’à passer légèrement sous la parité en juillet. Après une brève remontée, ce niveau a été de nouveau touché ce matin.
Cette chute est due à plusieurs facteurs, mais, pour nous, cela ne signifie pas que nous pourrions bientôt assister au retour du franc. Et cela, malgré les risques qui existent dans plusieurs pays de la zone euro, dont la France.
Les démons de 1981 ressurgiront-ils un jour ?
La France est toujours tiraillée entre son passé économique catastrophique avec l’arrivée au pouvoir des socialistes en 1981, et la nécessité de faire les réformes de structure que beaucoup de pays de l’OCDE ont mis en œuvre depuis trois décennies. Il y a un peu plus de 40 ans, la France s’engageait dans une politique économique aussi incohérente que stupide pour des raisons purement idéologiques : hausse du salaire minimum, hausse des dépenses publiques et déficit public important.
Malheureusement, encore aujourd’hui, peu de responsables politiques ont le courage d’expliquer que cette politique prétendument sociale a été totalement contreproductive, en affaiblissant les entreprises et en institutionnalisant le chômage de masse et la pauvreté.
D’ailleurs, un rapport de l’Insee sur la situation sociale française datant de 2018 est particulièrement révélateur. Et naturellement, il est toujours d’actualité :
« Le constat est cruel. Alors que la France célèbre les 30 ans de la création du Revenu minimum d’insertion (RMI) et les 10 ans de celle du Revenu de solidarité active (RSA), le pays n’a jamais compté autant de pauvres.
Avec 714,5 Mds€ de prestations sociales versées en 2016, la France est pourtant le pays européen qui dépense le plus en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, de logement, d’emploi, de famille, mais aussi de santé et de retraites. Ce montant représente 32,1% du PIB, contre une moyenne de 27,5% pour l’Europe des vingt-huit, selon les chiffres du ministère des Solidarités. L’aide et l’action sociales représentent 10% de ce montant, soit 70 Mds€. »
Le résultat de cette situation est une pression fiscale sur les entreprises qui reste relativement plus forte que celle de nos voisins. Une élection présidentielle « normale » aurait dû être l’occasion d’un vrai débat sur la stratégie de gestion des deniers publics avec pragmatisme et bon sens. Mais je rêve, parce que non seulement il n’y a pas eu de débat, mais, quand bien même il y aurait eu débat, il n’aurait pas eu le sérieux exigé, compte tenu de la démagogie et des préjugés idéologiques de trop de candidats, très éloignés des réalités et contraintes économiques.
En tout cas, les sujets restent posés :
- réduire les dépenses publiques élevées qui n’ont pas comme contrepartie une qualité élevée du service public dispensé ;
- réduire les dépenses publiques qui ne créent pas une dégradation importante de la situation économique ;
- mettre un terme à une politique systématique de chèques distribués ici ou là, et qui au final seront financés par une pression fiscale toujours plus forte. Bon sur ce point, c’est effectivement tout l’inverse qui se produit aujourd’hui.
Ce n’est pas de l’insolence ni de la provocation que de dire cela. Relisons ces deux propos.
D’abord « Il vaut mieux apprendre à pêcher à quelqu’un qui a faim que de lui donner un poisson ». Ce proverbe dont on attribue l’origine à la Chine, peut être certes tempéré en se disant que l’on peut continuer à donner du poisson à celui qui a faim tout en continuant à lui apprendre à pêcher (après tout, il est humainement, socialement et économiquement plus efficace de procéder ainsi). Ensuite « La France est un paradis peuplé de gens qui croient vivre en enfer » (Sylvain Tesson).
Le risque de remise en cause des institutions européennes
Notre dette publique reste toujours détenue à hauteur de 50% par des investisseurs étrangers (soit autour de 1 100 Mds€ en retenant la partie négociable des titres de dette publique, environs 2 200 Mds€ au 31/05/2022).
La question est de savoir si un Frexit a encore des partisans. Ceux-ci savent qu’un remplacement de l’euro par un nouveau franc provoquerait une forte baisse (20% à 30% voire plus) de notre nouvelle monnaie vis-à-vis de l’euro ce qui reviendrait :
- à constater des charges de la dette libellée en euro insupportables ;
- et, puisque ces charges seraient insupportables, la situation d’insolvabilité de l’Etat apparaîtrait au grand jour.
Cela conduirait l’Etat français à faire défaut sur la dette libellée en euro détenue par les investisseurs non-résidents.
Si cela ne les dérange pas de faire défaut sur la partie détenue par les investisseurs non-résidents et donc de se couper de toute source de refinancement sur les marchés de capitaux, il est en outre mis en avant avec fierté le principe de la lex monetae. Ce principe juridique international stipule que la dette d’un pays est toujours libellée dans la monnaie qui a cours légal dans ce pays.
Par conséquent, tout changement de monnaie a pour effet que les dettes sont redénominées dans la nouvelle monnaie. Les porteurs français de dette publique française auraient donc le choix entre être payés en monnaie nationale ou ne pas être payés du tout.
Un krach de l’assurance vie
Cette crise de l’épargne domestique française serait illustrée par un krach autrement plus violent qu’un krach classique sur les marchés financiers : celui de l’assurance vie en euros (investie pour l’essentiel en titres d’Etat) avec activation de la loi Sapin.
L’objet de l’article 49 de cette loi consiste à étendre au secteur de l’assurance les pouvoirs prudentiels du haut conseil de stabilité financière (HCSF) applicables au secteur bancaire. Les prérogatives attribuées au HCSF visent essentiellement à parer aux risques qui résulteraient d’une décollecte massive des fonds placés dans le cadre de contrats d’assurance-vie (essentiellement les fonds en euros).
Ainsi, sur proposition du gouverneur de la banque de France, le HCSF peut désormais décider de « moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices pour l’ensemble ou un sous-ensemble de sociétés d’assurances ». En d’autres termes, le HCSF pourrait contraindre des compagnies à réduire les rendements de leurs fonds euros afin de les mettre en réserve et les reverser plus tard aux assurés.
Il parait donc assez invraisemblable que le risque soit pris d’enclencher un Frexit (par voie parlementaire ou par voie référendaire). En effet, l’adhésion de la France à l’UE est inscrite dans la Constitution, si bien qu’une sortie de l’UE ne peut se faire que par révision de la Constitution. Mais ce que l’on peut craindre et ce que l’on doit craindre (même dans un scénario d’impossibilité de sortie de l’UE et de la zone euro), ce serait une instabilité institutionnelle et une politique économique étatiste rendant de plus en plus insoutenable la dette publique française.
Nous verrons dans un prochain article le dernier risque qui pèse sur l’euro en France, avant d’en chercher d’autres dans le reste de la zone euro…
3 commentaires
Vous écrivez « l’adhésion de la France est inscrite dans la constitution et de ce fait, difficile d’en sortir sans modifier la constitution ». Mais de quelle constitution, faites vous allusions ? Si c’est de la constitution Européenne, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas en sortir ! Et dans ce cas, il faudrait modifier la constitution en rayant la France de la liste, rien de plus facile ! Lorsque l’on ne prend pas acte après referendum du choix de son peuple pour une décision importante, avec autant de facilité, on peut aisément faire le contraire, sans difficulté. Sortir de L’UE, ne serait pas un gros obstacle, en revanche, ce serait l’effet boule de neige qui fait craindre le pire, aux hauts fonctionnaires, parasites corrompus de cette institution.
Vous écrivez « un remplacement de l’euro par un nouveau franc provoquerait une forte baisse (20% à 30% voire plus) de notre nouvelle monnaie vis-à-vis de l’euro ce qui reviendrait :
– à constater des charges de la dette libellée en euro insupportables ;
– et, puisque ces charges seraient insupportables, la situation d’insolvabilité de l’Etat apparaîtrait au grand jour.
Cela conduirait l’Etat français à faire défaut sur la dette libellée en euro ».
C’est faux.
La lex monetae dit que chaque Etat est souverain pour définir sa propre monnaie, la changer et déterminer ses taux de conversion entre l’ancienne et la nouvelle monnaie.
Ainsi, sa dette, qui est libellée dans l’ancienne monnaie (€), devient convertible en la nouvelle monnaie (nfr) au taux fixé par la loi.
Bonjour, il me semble que votre hypothèse d’un remboursement de la dette en euro n’ai pas vraiment de réalité. En effet, l’intérêt de retrouver le franc serait aussi de rendre la dette plus acceptable, en remboursant en franc, car l’inflation est effectivement à attendre. Mais si c’est l’option choisie, elle ira certainement de pair avec la souscription des nouvelles dettes par la banque de France (tant pis pour les prêteurs privés, mais ce serait cohérent), ce qui correspondrait bien mieux à l’ambition de reprendre les commandes de la politique monétaire (adapter cours de la devise à la balance du commerce extérieur) et à éviter toute montée des taux d’emprunt.