▪ Steven M. Davidoff, chroniqueur au New York Times, a récemment qualifié la Réserve fédérale de « hedge fund qui a le mieux performé au monde. »
Après avoir lu cet article, nous avons conclu que M. Davidoff est le journaliste financier le plus imaginatif de son époque. En tant que tel, il est l’apologiste parfait du « système » monétaire dysfonctionnant actuel. A n’en pas douter, il possède la souplesse cérébrale pour éviter les faits bruts, objectifs, qui pourraient l’empêcher d’écrire une bonne histoire.
« J’appelle la Fed un hedge fund, » explique avec enthousiasme Davidoff, « parce qu’elle fonctionne comme un hedge fund, usant d’effet de levier sur son bilan pour gagner de gros bénéfices. »
Nous aurions pu nous ranger à l’analyse de Davidoff si ce n’était un fait ennuyeux : la Fed n’a absolument rien à voir avec un hedge fund. Nous dirions plutôt que la Fed s’apparente à un syndicat du crime — un racketteur qui use de la force, de tromperie et de vol.
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France : perte du Triple A, crise et déclin
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Tout est expliqué ici : il y a urgence, alors n’attendez pas.
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Mais avant d’expliquer plus avant notre métaphore, revenons à la métaphore et à l’analyse de Davidoff. Voici ce qu’il dit :
« L’année dernière, la banque centrale a réalisé 76,9 milliards de dollars de bénéfices au profit du gouvernement fédéral, légèrement moins que les 79,3 milliards de dollars fournis en 2010.
La Fed a gagné cette somme avec les intérêts rapportés par un portefeuille de titres de près de 3 000 milliards de dollars. Cet énorme portefeuille s’est principalement construit à la suite de la crise financière, lorsque la Fed a acheté ces titres via deux programmes d’assouplissement quantitatif.
J’appelle la Fed un hedge fund parce qu’elle fonctionne comme un hedge fund usant d’effet de levier sur son bilan pour gagner de gros bénéfices. La principale différence entre un hedge fund et la Fed est que la Fed crée effectivement son propre argent ; elle n’a donc pas de coûts d’emprunt, ce qui signifie encore plus de profits.
Fait étonnant, les bénéfices de la Fed ne sont que ‘la cerise sur le gâteau’. La Fed essaie de stabiliser et de développer l’économie des Etats-Unis à la suite de la crise financière. Ses bénéfices sont un produit annexe non négligeable.
Toutefois, ces bénéfices ne sont pas comparables à ceux des autres hedge funds. »
Hmmm… par où commencer notre autopsie de cette analyse qui présente de sérieux défauts ?
Commençons par la fin avec ces bénéfices qui « ne sont pas comparables à ceux des autres hedge funds. »
Si Davidoff ne se réfère qu’aux « bénéfices » de 79,3 milliards de dollars de la Fed sans tenir aucun compte du dénominateur qui a produit ces bénéfices, il a tout à fait raison. Aucun autre hedge fund au monde n’a jamais approché un bénéfice de 79,3 milliards de dollars en 2011, principalement parce qu’aucun autre hedge fund au monde ne gère un portefeuille de 3 000 milliards de dollars. Mais, de toute évidence, ce chiffre ne nous dit rien du génie — ou de l’absence de génie — qui se cache derrière les activités d’investissement de la Fed.
Pour mieux vous en rendre compte, intégrons à présent un dénominateur et calculons un rendement. En se basant sur le portefeuille de 3 000 milliards de dollars que Davidoff cite dans son article, la Fed a généré un rendement de 2,6%. Ce genre de chiffre ne ferait sauter de joie aucun responsable de hedge fund. En réalité, le bilan de la Fed s’élève en moyenne à près de 2 750 milliards de dollars en 2011, et non 3000 milliards de dollars. Mais puisque Davidoff utilise ce chiffre, nous l’utiliserons également].
Mais peut-être Davidoff avait à l’esprit un calcul du rendement différent lorsqu’il a qualifié la Fed de « hedge fund qui a le mieux performé au monde. » Peut-être pensait-il que le dénominateur devrait être zéro au lieu de 3 000 milliards puisque, comme il l’observe, la Fed « crée effectivement son propre argent. » Dans ce scénario,les activités d’investissement de la Fed auraient dû produire un rendement « infini », ce qui est ahurissant.
Davidoff a totalement raison ; aucun hedge fund ne peut faire cela.
Ou peut-être Davidoff pensait-il à un dénominateur se situant quelque part entre zéro et 3 000 milliards. Peut-être avait-il 676 millions en tête — qui est le montant réel d’argent que la Fed a dépensé l’année dernière pour imprimer de nouveaux dollars. Dans ce scénario, le résultat de la Fed aurait été de 117,3%, spectaculaire ! Ce n’est pas tout à fait rendement infini mais ce n’est pas mal.
Malheureusement, il y a un autre problème avec l’analyse de Davidoff ; le numérateur est aussi mystérieux que le dénominateur. Autrement dit, le rendement théorique de la Fed de 79,3 milliards de dollars est un chiffre bidon puisqu’il ne tient pas compte de tous les titres de la Fed à valoriser sur le marché. Sans la valorisation du portefeuille de 3 000 milliards de dollars par rapport au marché, les résultats réels des activités d’investissement de la Fed ne peuvent être connus.
Le nombre incalculable de bons du Trésor de la Fed, de titres hypothécaires, de swaps monétaires et d’autres épaves financières ont peut-être augmenté en valeur en 2011 — auquel cas le rendement total aurait été supérieur à 2,6%. Ou peut-être que ces avoirs ont perdu de leur valeur, auquel cas le rendement total aurait été inférieur à 2,6% — voire même négatif.
Nul ne le sait. (Ou si quelqu’un le sait, il n’en dit rien).