Dans un contexte où la guerre succède à la paix, où le dollar s’affaiblit et où les politiciens jouent aux apprentis sorciers avec les taux d’intérêt, une certitude demeure : seul M. le Marché aura le dernier mot.
Aujourd’hui, nous allons revenir à la question : « Que faire de votre argent maintenant ? », en gardant à l’esprit que tout peut basculer du jour au lendemain.
Lundi dernier, nous étions en guerre. Mardi, c’était l’heure de la paix. Et désormais, les investisseurs retiennent leur souffle, suspendus au prochain flash d’information. Trump contre Powell, les Etats-Unis face à l’Iran, la grande et belle abomination budgétaire contre la rigueur fiscale… l’ICE contre les migrants « illégaux »… la Cour suprême contre le pouvoir présidentiel : à tout moment, les obus d’artillerie peuvent se remettre à tomber.
Les obligations apparaissent comme une cible évidente. Elles semblent être entrées dans une tendance baissière primaire de long terme. Et si l’histoire se répète, nous pourrions bien faire face à des taux d’intérêt plus élevés… jusqu’à la fin de nos jours.
Les cycles des taux d’intérêt ressemblent parfois au cycle de la vie humaine. Avant 2020, le dernier plancher des rendements remonte à peu près à notre naissance, juste après la Seconde Guerre mondiale. A la fin des années 1940, on pouvait encore emprunter pour un prêt immobilier à 4 %. Il a ensuite fallu patienter près de 70 ans pour retrouver un taux équivalent.
Le Marché tient les rênes des grands cycles obligataires. Mais l’équipe de Trump, elle, est persuadée d’en savoir davantage. Ils veulent que la Fed baisse les taux et les maintienne au plancher. Trump a déclaré :
« L’Europe a eu 10 baisses, nous aucune. Pas d’inflation, une économie formidable – nous devrions être au moins deux ou trois points plus bas. Cela ferait économiser plus de 800 Mds$ par an aux Etats-Unis. Quelle différence cela ferait-il ? »
Quelle différence, en effet ? L’une d’elles a été dévoilée dans les actualités du jour, via Bloomberg :
« Le dollar s’affaiblit alors que Trump envisage de désigner le prochain président de la Fed en début d’année. »
L’indice Bloomberg du billet vert est tombé à son plus bas niveau depuis trois ans.
Un dollar plus faible entraîne des conséquences : les importations deviennent plus coûteuses. Si l’on y ajoute des droits de douane, les hausses de prix peuvent être substantielles – et les consommateurs s’en trouvent appauvris.
Mais la pauvreté est parfois difficile à discerner. Les salaires moyens peuvent augmenter… même si la majorité des ménages disposent de moins d’argent et d’un pouvoir d’achat en berne. Le PIB peut croître, alors même qu’il devient toujours plus difficile de décrocher un emploi stable ou de se payer un logement convenable.
Rappelons que l’équipe Biden a peiné à convaincre les électeurs que l’économie était robuste. Les statistiques l’affirmaient. Mais la population n’y croyait pas.
Nous reviendrons sur ce sujet – la fausseté de nos « principales » statistiques – mais voici déjà un élément qui nous en fait douter.
Newsweek :
« Si le taux de chômage officiel reste stable, un nombre croissant d’Américains subissent ce qu’on appelle le ‘chômage fonctionnel’, un terme qui met en lumière les problèmes structurels du marché du travail américain. »
Selon le Ludwig Institute for Shared Economic Prosperity (LISEP), 24,3 % des Américains se trouvent aujourd’hui en situation de « chômage fonctionnel » – qui englobe donc les chômeurs officiels, plus ceux qui cherchent en vain un emploi à temps plein, et ceux qui occupent des postes si mal payés qu’ils ne couvrent pas leurs besoins essentiels.
Une baisse des taux serait-elle utile ? Entre 10 % et 0 %, il y a 1 000 points de base : la probabilité pour que Trump sache précisément de quel taux l’économie a besoin est infime. Le bon taux ne se décrète pas – ni par la Fed, ni par le président. Il est découvert par M. le Marché.
En pratique, les politiciens veulent toujours des taux plus bas. Les gens empruntent, dépensent, l’argent coule à flots… et eux sont réélus. Mais les taux d’intérêt sont avant tout un prix – le prix pour utiliser l’épargne de quelqu’un d’autre. Et comme n’importe quel prix, ils transmettent une information cruciale : combien d’épargne est disponible, quelle est l’appétence des emprunteurs, et ainsi de suite. Tout taux fixé artificiellement – par quiconque autre que M. le Marché – est presque toujours « faux ». Il envoie de mauvais signaux aux emprunteurs et aux prêteurs.
Des taux bas ne favorisent-ils pas l’emploi et la croissance ? Peut-être. Mais seulement si ces taux sont justes. Après la crise du crédit hypothécaire, les Etats-Unis ont connu plus d’une décennie de taux historiquement bas – négatifs en termes réels pendant la majeure partie de la période. Mais la seule chose qui ait vraiment changé, c’est le niveau de la dette américaine : elle s’élevait à 10 000 Mds$ en 2008, contre 27 000 Mds$ en 2020.
Des taux plus bas stimulent l’endettement – c’est le principe même de la politique monétaire. La dette enfle. Les dépenses augmentent. Le gouvernement « imprime » davantage pour financer ses déficits. Les prix montent encore.
Et quand l’inflation s’installe, les taux d’intérêt finissent par grimper à nouveau, car les prêteurs anticipent la perte de pouvoir d’achat. Les obligations chutent alors, à mesure que la confiance et le crédit du gouvernement américain s’effritent.
Rien de nouveau sous le soleil… Rien que nous ne sachions déjà. Le cycle est implacable, implacablement logique, empiriquement vérifié.
Les obligations montent. Puis elles chutent. Les politiciens peuvent brasser de l’air. Les banquiers centraux peuvent prétendre maîtriser la situation. Mais M. le Marché a le dernier mot.