Les perspectives de croissance de la Zone euro sont révisées à la baisse et la France, élève médiocre, glisse doucement à la périphérie.
L’équilibre financier des Etats et du secteur bancaire de la Zone euro est porté à bout de bras par la BCE, laquelle a absolument besoin de croissance économique pour continuer d’espérer pour normaliser, un jour, sa politique monétaire. Malheureusement, les derniers chiffres laissent à penser que ce ne sera pas demain la veille.
La Commission continue de revoir la croissance de la Zone euro à la baisse
Le 7 février, on apprenait que la Commission européenne revoyait à nouveau son estimation de croissance pour l’Eurozone en 2018 à seulement 1,9% (contre 2,1% auparavant).
Lors de sa réunion du 7 mars, la BCE annonçait qu’elle ne tablait plus que sur une croissance de 1,1% en 2019 (contre 1,7% précédemment), et de 1,6% en 2020 (contre 1,7% auparavant). Les perspectives de croissance étant maintenues à 1,5% pour 2021.
Concernant l’inflation, toutes les prévisions sont également réduites puisqu’on serait désormais autour de 1,7% en 2018, 1,2% en 2019, 1,5% en 2020 et 1,6% en 2021.
Certaines banques, comme Morgan Stanley, avaient déjà abaissé dès début février leurs estimations de croissance de la Zone euro à 1% pour 2019.
Un graphique de Nordea illustre ces projections au rythme trimestriel.
Mais en Zone euro, lorsque l’on parle de croissance, les révisions à la baisse sont la coutume. Il s’agit même d’une quasi-constante depuis 2008.
Comme indiqué en commentaire à ce graphique d’Oxford Economics :
« Les prévisions du PIB, tant réel que potentiel, ont été systématiquement révisées à la baisse après 2008, ce qui indique que la crise a entraîné une perte de production permanente. Ce phénomène est également observé dans les autres économies avancées, mais la Zone euro en a particulièrement souffert avec sa récession à double creux. »
Autant dire que vous pouvez sans trop de risques vous attendre à de nouvelles révisions à la baisse.
La France oscille entre mauvais et médiocre
La France, l’un des mauvais élèves qui faisait baisser la croissance moyenne de la Zone euro depuis 2015, devrait améliorer son score en 2019, devenant au passage un simple élève médiocre. La Commission prévoit en effet que le PIB français augmentera de 1,3% cette année (contre 1,5% en 2018 et 2,2% en 2017), ce qui correspond aux projections de l’INSEE.
Si l’on lève quelques instants le nez du guidon pour s’intéresser aux analyses prospectives de PricewaterhouseCoopers à horizon 2050 (publiées en février 2017), on constate que dans 30 ans, la France ne devrait plus faire partie des dix plus grandes économies mondiales.
Voici quelle était la situation en 2018, selon le FMI.
Cette dégringolade dans le classement économique de la planète ne veut bien sûr pas dire que notre pouvoir d’achat aura diminué d’ici-là (nos voisins suisses n’ont pas besoin de figurer dans ce classement pour avoir un niveau de vie beaucoup plus élevé que le nôtre !).
Cela signifiera avant tout que des pays émergents beaucoup plus peuplés auront continué de se développer et à rattraper leur retard sur notre niveau de vie.
Vous devez toujours prendre avec circonspection ces « agrégats statistiques » qu’aiment tant manier les économistes mais qui oublient les individus.
Voici comment les choses pourraient évoluer en termes de PIB réel par habitant en parité de pouvoir d’achat (ppa), c’est-à-dire le niveau de vie de chacun de nous.
Pour mieux cerner l’amélioration anticipée du pouvoir d’achat du Français moyen et l’effet de rattrapage au sein des pays émergents, je vous propose enfin ce graphique, qui représente l’évolution du PIB par habitant en ppa pour les économies du G7 et pour les économies du E7 (« E » comme « émergentes ») entre 2016 et 2050.
Vous noterez que la France (67 millions d’habitants) n’est pas partie pour rattraper des pays pourtant comparables au nôtre en termes de population, comme par exemple le Royaume-Uni (66 millions d’habitants). Pourtant, de nombreux observateurs nous prédisent pour ce pays une Bérézina économique suite au Brexit.
A ce sujet, les auteurs de l’étude PwC – qui ne sont pas des politiques – écrivent que « la croissance du Royaume-Uni pourrait dépasser le taux [de croissance] moyen de l’UE27 après l’impact transitoire du Brexit, bien que nous prévoyions que la grande économie de l’UE qui connaîtra la croissance la plus rapide sera la Pologne. »
Voici comment les choses pourraient se dérouler en termes de taux de croissance réelle moyenne annuelle du PIB, entre 2016 et 2050. Je précise que les auteurs excluent toute crise économique ou financière d’ampleur dans les années à venir, ce qui nous place dans le scénario « miraculeux » évoqué par Nassim Taleb.
En France, nous connaîtrions en moyenne 1,3% de croissance réelle du PIB (comme aux Etats-Unis), contre 1,5% au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas mais également en Espagne, et 2,5% en Pologne. Seule l’Italie fait pire que la France au sein des pays de la zone euro considérés dans cette étude.
De là à dire que la France devient un pays « périphérique » de la Zone euro, il n’y a qu’un pas, que Natixis avait déjà franchi au mois d’octobre 2018. Si l’on n’assiste à aucun changement politique d’envergure, « l’avenir » de notre économie est « dans son rétroviseur », pour reprendre la formule de Bruno Bertez.
Je doute que cela soit suffisant pour vous consoler, cher lecteur, mais sachez tout de même que la Chine ne serait plus quant à elle qu’à 3,1% de moyenne annuelle d’ici 2050, et que le Vietnam enregistrerait la meilleure performance avec « seulement » 4,5% de croissance réelle par habitant et par an.
Quel sera notre avenir bien plus immédiat ? Rendez-vous mercredi.