L’Eurosystème et ses banques centrales absorbent annuellement 10 Mds€, soit 0,09% du PIB de l’Eurozone. Un système monétaire adossé à l’or serait plus économique.
L’argument traditionnellement utilisé par les partisans d’un système monétaire basé sur des billets de banque convertibles, ou d’une monnaie purement fiduciaire adossée à aucun actif réel, est celui du coût de production.
D’après eux, l’instauration d’un système de monnaie fiduciaire permet d’économiser les ressources qui auraient été utilisées pour le minage et la frappe des pièces dans le cadre d’un système monétaire basé sur les métaux précieux.
Les ressources ainsi économisées peuvent donc être utilisées pour des objectifs plus productifs, bénéficiant à toute la société. Le sujet était déjà débattu par de grands économistes tels qu’Adam Smith et David Ricardo.
Plus récemment, Milton Friedman a remis cette idée au goût du jour et elle est maintenant présente dans tous les manuels d’économie. Cependant, une étude récente publiée dans la revue économique universitaire Economics Bulletin démontre que cet argument, au moins dans le cas de la Zone euro, est en fait largement inexact.
En réalité, le coût annuel total de l’Eurosystème est plus de trois fois supérieur à celui d’un système de réserve fractionnaire adossé à l’or, d’après l’estimation réalisée par Lawrence White. En prenant comme hypothèse un ratio de réserve de 2%, White a calculé à l’aide d’une version dynamique de l’équation des échanges que le coût annuel d’un tel système s’élèverait à environ 0,025% du PIB (3).
Coût de fonctionnement annuel des 12 banques centrales membres fondatrices de l’Eurosystème
Il s’avère que le coût de fonctionnement annuel de l’Eurosystème au cours des dernières années s’est élevé à près de 0,09% du PIB de la Zone euro, soit environ 10 Mds€.
Maintenant, nous devons admettre que l’estimation réalisée par White est peut-être biaisée. En effet, un ratio de réserve de 2% pourrait être considéré comme excessivement faible, même si, historiquement, ce type de situation a pu être observé. On peut citer par exemple le cas de l’Écosse durant la première moitié du XIXème siècle, lorsque le pays fonctionnait avec un système de banque libre, sans banque centrale.
Comme je l’ai montré dans “How cost efficient is the eurosystem?” (4), même en prenant comme hypothèse un ratio de réserve beaucoup plus élevé, le coût d’un système monétaire adossé à l’or reste similaire à celui de l’Eurosystème. Avec un ratio de réserve de 25%, le coût des deux systèmes serait quasiment identique. Si le ratio de réserve était porté à 100%, un étalon-or ne couterait que 0,375% du PIB. C’est à peine quatre fois le coût de l’Eurosystème actuel.
Il est important de souligner que ce calcul ne tient pas compte de l’argument essentiel soulevé par Garrison (5), à savoir que le taux d’inflation dans un système de banque libre basé sur un étalon-or serait négatif, ce qui réduirait encore davantage le coût de cet étalon (6).
Contrairement à une croyance populaire, un taux d’inflation négatif (c’est-à-dire un phénomène de déflation), ne représente pas un frein à la croissance économique et à la prospérité (comme le montrent Bagus dans « In Defense of Deflation » ainsi que Borio & Filardo dans « Back to the future? Assessing the deflation record »).
Les économies générées par le système de monnaie fiduciaire pur, dans le cas de l’euro, sont donc beaucoup plus faibles que ce à quoi on pourrait s’attendre. L’euro dément l’argument traditionnel en faveur de billets de banque convertibles ou d’une monnaie purement fiduciaire.
Si le maintien de l’eurosystème est si coûteux, nous pourrions aussi bien nous tourner vers l’or, et ainsi bénéficier de la stabilité économique et financière qu’il garantit, ainsi que d’une réduction de l’aléa moral qui résulte du contrôle centralisé de la monnaie.
Est-ce réellement une surprise que le coût de l’Eurosystème soit aussi élevé ? Pas nécessairement (7). Les banques centrales membres de la Zone euro ne sont pas soumises à la concurrence. Elles peuvent simplement financer leurs dépenses grâce aux bénéfices qu’elles réalisent au travers de leur droit de seigneuriage (les taux d’intérêt qu’elles perçoivent sur les crédits accordés avec de la monnaie créée ex nihilo).
Elles sont, au sens le plus pur du terme, indépendantes financièrement. La théorie des choix publics suggère que de telles institutions ont nécessairement tendance à devenir de plus en plus dépensières, dans les limites fixées par leurs organes de direction.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute.
(1) http://www.accessecon.com/Pubs/EB/2019/Volume39/EB-19-V39-I1-P13.pdf
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_quantitative_de_la_monnaie#Définition
(3) The Theory of Monetary Institutions , 1999, p42-48
(4) Economics Bulletin, 39, p115–126
(5) The Gold Standard: An Austrian Perspective p61-79)
(6) Friedman et White ont tous deux réalisé leurs calculs en supposant que dans un système monétaire basé sur l’or, les réserves d’or auraient progressé en moyenne à un rythme assurant la stabilité des prix. Mais en réalité un système monétaire libre sans banque centrale permettrait à l’inflation d’évoluer en territoire négatif, ce qui implique que les réserves d’or augmenteraient moins rapidement que la hausse requise pour maintenir les prix au même niveau. Par conséquent, le coût global de l’étalon-or serait forcément inférieur à leurs estimations.
(7) https://mises.org/wire/ecb-creates-jobs-central-bankers-instead-safeguarding-financial-stability
Références
Bagus, P. (2015). In Defense of Deflation. Springer International Publishing Switzerland.
Borio, C., & Filardo, A. J. (2004). Back to the future? Assessing the deflation record. BIS Working Papers No 152.
Garrison, R. W. (1985). The Costs of a Gold Standard. In L. H. Rockwell (Ed.), The Gold Standard: An Austrian Perspective (pp. 61–79). Lexington, MA: D. C. Heath and Co.
Israel, K.-F. (2019). How cost efficient is the eurosystem? Economics Bulletin, 39(1), 115–126.
White, L. H. (1999). The Theory of Monetary Institutions. Massachusetts and Oxford: Blackwell Publishing Ltd
Karl-Friedrich Israel est diplômé d’un doctorat en économie de l’université d’Angers et travaille actuellement en tant que directeur de recherche à l’université de Leipzig, en Allemagne.