** Avec une perte cumulée de 3% en quatre séances, la Bourse de Paris s’achemine vers une cinquième semaine de repli consécutif. Le CAC 40 n’a guère brillé jeudi, manquant de peu un retour à l’équilibre au cours de la dernière heure : il s’est contenté de préserver le support technique constitué par la MM100 (qui gravite vers 3 020 points) et termine à trois longueurs de son meilleur score du jour — il affichait un peu plus de 1,5% vers 15h.
Le CAC 40 n’engrange au final que 0,54% à 3 026 points. C’est bien médiocre, mais pas autant que les volumes d’échanges, carrément anecdotiques, et qui atteignaient à peine 1,9 milliard d’euros.
Aucune "chasse aux bonnes affaires" ne s’enclenche malgré un repli de 11% en six semaines. L’explication la plus fréquemment avancée, c’est que les gérants réduisent sensiblement leur exposition sur le marché avant de partir en congé, faute de visibilité sur la croissance et les profits.
Les spéculateurs qui ont assuré la majeure partie du travail dans la phase de rebond qui a couvert l’ensemble du second trimestre avaient commencé à engranger leurs gains dès le début du mois de juin ; ils poursuivent fidèlement leur campagne d’allègements bénéficiaires.
Nous partageons le sentiment de solitude de bon nombre d’opérateurs qui redoutent que les opportunités de sortie au-dessus des 3 100 points ne s’évanouissent et que le marché rouvre la trappe sous leurs pas, dans le cadre d’une réédition des mois de juillet 2007 et 2008.
** Le VIX, ou "baromètre de la peur", remonte vers les 33 — c’était jusqu’en 2007 un maximum historique. Cependant, si jamais les positions baissières redeviennent majoritaires, certaines "grosses mains" (pas forcément invisibles) ne manqueront pas de les prendre à contre-pied.
Gare aux rebonds "inexplicables" de 3% ou 4% avant la fin du mois ! Les plus malins ne manqueront pas de se remettre short à leur tour en prévision d’une rentrée placée sous le signe d’une chute de la consommation et des dépréciations d’actifs sur les dérivés de cartes de crédit et les créances immobilières adossées aux surfaces commerciales.
La principale thématique de ces tous prochains jours, ce seront les résultats du deuxième trimestre, avec déjà toute une série de profit warning émanant des géants de la distribution — avec des volumes de ventes chutant de 5% à 10% en moyenne au premier semestre 2009. Des données chiffrées plus précises seront rendues publiques un peu plus tard… mais le secteur à surveiller en priorité demeure celui des bancaires, le volume des crédits distribués étant l’indicateur avancé de l’activité réelle aux Etats-Unis.
A Wall Street, le rebond anticipé depuis la publication des trimestriels d’Alcoa (bien meilleurs que prévu mais sans le moindre signe de rebond du chiffre d’affaires) est loin de tenir toutes ses promesses : le Dow Jones (+0,1%) se maintenait à l’équilibre à la mi-séance tandis que le Nasdaq grappille 0,7% à 1 760 points.
Alcoa, qui avait gagné 6% dès l’ouverture (à 10,08 $), se repliait deux heures plus tard de 1% avant de reprendre 1% à l’heure du déjeuner… pour les reperdre à l’heure du café.
Pourvu que ces errements ne constituent pas l’échantillon — ou le précurseur — de ce qui attend les marchés tout au long de la période estivale. Certains estiment qu’un tel scénario serait un moindre mal, tant les risques de rechute de 10% ou plus semblent augmenter.
** La montée du chômage pourrait constituer la principale menace mais les inscriptions ont soudain ont chuté de 52 000 à l’issue de la première semaine de juillet aux Etats-Unis, à 565 000.
Cette embellie spectaculaire doit être relativisée dans la mesure où il s’agissait d’une semaine tronquée par le long pont du 4 juillet tandis que le nombre de licenciements attendus dans le secteur automobile s’est avéré étonnamment faible depuis la mi-juin. Il pourrait s’agir d’un des heureux effets du placement de Chrysler et General Motors sous la protection du "Chapitre 11" de la loi sur les faillites… mais les restructurations, même légèrement différées dans le temps, seront mises en oeuvre dès que ces groupes auront retrouvé leur autonomie de gestion.
Et le crédit continue de se faire rare, tandis que le marché de l’occasion continue de s’effondrer : les promos géantes destinées à écouler au plus vite les stocks de voitures neuves torpillent littéralement les ventes de véhicules de seconde main. Les parkings des concessionnaires connaissent un encombrement sans précédent, ceux des organismes de recouvrement de créances également, face à la cascade d’impayés du premier semestre 2009.
Si les files de chômeurs ont raccourci devant les agences gouvernementales ces dernières semaines, le nombre de personnes percevant régulièrement des indemnités — un indicateur de plus en plus suivi en cette période de récession — a fortement augmenté. Il a enregistré une hausse de 159 000 début juillet, pour atteindre 6,883 millions (+0,1% par rapport à fin juin)… et le chômage de longue durée (six mois et plus) explose.
** Mais ce n’est pas le phénomène le plus inquiétant : d’un point de vue mécanique, de nouvelles menaces pèsent sur la survie d’AIG. Elles pourraient faire voler en éclats l’illusion d’une stabilisation du système financier depuis le rachat de Washington Mutual, Wachovia et Merrill Lynch d’octobre à décembre 2008.
AIG s’est de nouveau effondré de 27,6% jeudi soir, soit -50% en quatre séances et une division par quatre depuis le 5 juin. La valeur a rechuté sous les 10 $, refermant le gap du 13 mars dernier ; le plancher historique des 7 $ du 5 au 9 mars n’est plus très loin.
Cette débâcle est peu commentée depuis début juillet. Pourtant, elle en dit long sur l’épée de Damoclès des dépréciations d’actifs et le risque de pertes abyssales associées aux portefeuilles de CDS détenus par de nombreuses banques… et pas seulement américaines : UBS, Fortis ou Natixis en savent quelque chose.
Philippe Béchade,
Paris