Un regard rétrospectif sur le déclin progressif d’une grande puissance…
« Dans le livre de l’évêque Fulton J. Sheen […], Le Chemin du bonheur, il cite Lénine qui a dit un jour que ‘l’Amérique s’effondrerait en dépensant de l’argent jusqu’à sa mort’. A l’époque, la dette fédérale américaine s’élevait à près de 300 milliards de dollars, contre les 33 000 milliards de dollars que vous et vos collègues avez dénoncés (à juste titre) au cours des derniers mois. Sacré ‘chemin du bonheur’ ! » – De la part de l’un de nos chers lecteurs
Nous allons examiner la façon dont les choses ont changé, de la prospérité dynamique des Trente Glorieuses (1950-1980) – période à laquelle l’évêque Sheen a écrit son livre – à l’énorme boom (en grande partie factice) de la période 1980-2020. Les riches, comme Buffett et Munger, sont devenus très riches au cours de cette seconde phase. Mais tous les autres ont lutté pour conserver leur pouvoir d’achat. La dette a augmenté. Les prix ont augmenté. Les salaires réels n’ont pas augmenté.
Comme nous l’avons vu, le nouveau système monétaire de Milton Friedman n’a pas mis fin aux crises d’inflation et d’endettement ; il les a aggravées. Des prix justes, en particulier pour le crédit, indiquent le vrai nord pour ceux qui naviguent sur la vaste mer capitaliste. Il y a beaucoup d’eau. Et il n’est pas facile de se rendre à destination. Lorsque les erreurs politiques de la Fed faussent les prix, cela revient à déformer la boussole : alors beaucoup de marins échouent sur les rochers.
A la recherche d’une solution
Faut-il écrire tous les jours sur ce sujet ? Bien sûr que non. Mais les faits changent tous les jours. Et nous, qui essayons de les comprendre, ne pouvons pas nous permettre d’être à la traîne.
D’ailleurs, les informations nous parviennent par cycles de 24 heures. Nous lisons les rapports. Nous analysons les titres de l’actualité. Nous nous interrogeons. Puis, généralement vers 5 heures du matin, nous avons une idée.
Ce ne sont pas les mouvements de prix réels ou les nouvelles « données » qui complètent le tableau. Les deux sont bruyants et presque aléatoires.
C’est le tableau d’ensemble que nous voulons voir. L’homme a peu changé au cours des 200 000 dernières années. Il est assez prévisible. Lisez l’Histoire et vous parviendrez à identifier des patterns.
Les empires, par exemple, suivent un arc assez bien connu – de la croissance à l’expansion, puis à l’étirement excessif, à l’augmentation des coûts, à la corruption, à la décadence… et enfin à l’échec. Les Etats-Unis semblent se trouver au stade de l’augmentation des coûts et de la corruption.
Nous savons également que tout empire qui entre en scène doit se retirer tôt ou tard. Et nous ne pensons aussi bien à l’empire américain lui-même qu’à l’ensemble des 500 dernières années de domination européenne.
Historiens et pilleurs de tombes
Nous laisserons aux futurs historiens et pilleurs de tombes le soin de nous dire à quelle date le déclin a réellement commencé, quelles en sont les causes et depuis quand, nous, les Américains, sommes devenus les « méchants ». Nous ne le savons pas, bien sûr, mais nous imaginons que la période actuelle – dans laquelle l’Europe et les Etats-Unis sont complices d’Israël dans l’anéantissement de Gaza – figurera en bonne place dans leurs analyses.
En attendant, nous allons nous concentrer sur les grands changements qui se sont produits au cours des 70 dernières années.
« Qu’est-il arrivé aux Etats-Unis ? » a demandé un jour un ancien ambassadeur américain en Union soviétique. Jack Matlock a joué un rôle déterminant dans la collaboration entre Reagan et Gorbatchev lors de la « détente » des années 1980, qui a conduit à la fin de l’empire soviétique. Récemment, il a relu un discours qu’il avait prononcé en 1982. Il s’agissait d’un discours aux Tchèques, expliquant pourquoi les Etats-Unis étaient un si grand pays. En le relisant, il s’est demandé ce qui n’a pas fonctionné.
Soulignant les différences entre le système soviétique et le système américain, il avait déclaré, en 1982, qu’aux Etats-Unis…
« … Les Etats et les gouvernements sont créés par le peuple pour servir le peuple, et les citoyens doivent contrôler le gouvernement plutôt que d’être contrôlés par lui. En outre, nous pensons qu’il existe des domaines de la vie humaine, tels que l’expression d’opinions, la pratique et l’enseignement de croyances religieuses, et le droit des citoyens de quitter leur pays et d’y revenir comme ils le souhaitent, qu’aucun gouvernement n’a le droit de restreindre. »
La semaine dernière, Matlock se demandait si nous pouvions « dire que nos citoyens ‘contrôlent le gouvernement’ aujourd’hui ». Il remarquait : « A deux reprises au cours de ce siècle, nous avons élu des présidents qui ont reçu moins de votes populaires que leurs adversaires. »
Le navire d’Etat
Même si les citoyens obtiennent toujours les hommes politiques pour lesquels ils ont voté, ils n’obtiennent pas les politiques qu’ils souhaitent. Qui voudrait d’un déficit de 1 000 milliards de dollars ? Qui voudrait soutenir deux guerres à l’étranger, dont aucune n’est d’un intérêt national vital ? Qui voudrait payer pour les milliards gaspillés dans les programmes et les ministères, qui s’incrustent telles des bernacles sur le navire de l’Etat ?
Samedi soir, nous avons entendu les directeurs de deux de ces organisations parasites.
La scène ressemblait à une soirée d’ouverture de musée. Au centre de la scène se trouvaient le directeur de la National Endowment for the Humanities et celui d’une autre agence dont nous n’avons jamais entendu parler. Tous deux ont été applaudis pour un spectacle qu’aucun membre du Congrès et peu de membres du « public » ne verront jamais. Pourtant, le directeur du musée, les administrateurs, les membres du conseil d’administration, les collectionneurs et les historiens de l’art ont félicité chacun d’entre eux pour avoir dépensé l’argent des autres.
Matlock disait en 1982 :
« Tout au long de notre Histoire, nous avons été confrontés à de nombreux défis, mais nous avons été capables de les surmonter grâce à un processus de discussion ouvert, à la prise en compte d’intérêts divergents et, en fin de compte, à la préservation du droit absolu de nos citoyens à choisir leurs dirigeants et à déterminer les politiques qui affectent leur vie. »
En 2023, Matlock a émis des doutes :
« Depuis quand les travaux du Congrès américain ont-ils donné lieu à une discussion ouverte et à la prise en compte d’intérêts divergents ? Quand, au cours de ce siècle, y a-t-il eu un débat sur la politique étrangère ? Pourquoi le Congrès a-t-il autorisé à plusieurs reprises des actes de violence qui ne sont normalement légaux qu’en temps de guerre, sans voter une déclaration de guerre, comme l’exige la Constitution ? »
En 1982, il poursuivait :
« Nous sommes convaincus qu’aucun individu ni aucun groupe ne possède le monopole de la sagesse et que notre société ne peut réussir que si tous ont le droit d’exprimer librement leurs opinions, de faire des suggestions et d’organiser des groupes pour promouvoir leurs points de vue. »
En 2023, la situation est différente. Vous avez droit à la liberté d’expression… « Sauf si vous êtes un membre du Congrès qui s’exprime pour défendre les droits des Palestiniens à vivre en liberté sur leurs terres ancestrales, ou des étudiants de l’université de Columbia qui souhaitent faire de même. »
En 1982, il a proclamé que l’objectif de la politique étrangère des Etats-Unis était « d’oeuvrer pour un monde dans lequel la diversité humaine est non seulement tolérée mais protégée, un monde dans lequel la négociation et l’accommodement remplacent la force comme moyen de régler les différends ». Quarante et un ans plus tard, il se demande ce que nous faisions « en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Palestine… ou, d’ailleurs, en Iran, à Cuba ou au Venezuela ».
L’ambassadeur Matlock était optimiste en 1982. Sa cause était juste. Sa conscience est tranquille. Il avait le vent en poupe :
« Néanmoins, je m’adresse à vous aujourd’hui avec optimisme, car je sais que mon pays entre dans la 207e année de son indépendance avec la détermination non seulement de préserver les libertés dont nous disposons chez nous, mais aussi de consacrer nos énergies et nos ressources au maintien de la paix dans le monde. »
Et voilà que sa tête réapparaît, 41 ans plus tard et qu’il demande :
« OH, SEIGNEUR, QUE NOUS EST-IL ARRIVÉ ? »
Il aurait aussi pu ajouter : « Est-ce là le chemin du bonheur ? »
2 commentaires
Comme toujours, Bill Bonner nous livre un éclairage de haut niveau sur l’état de l’occident et du monde en nous donnant par la même occasion matière a reflexion. Un grand merci à lui.
A mon avis le déclin a commencé en 1971 quand la convertibilité du dollar a été supprimée et a permis ainsi l’irruption du financier hors sol et des dettes himalayennes (et donc des dépenses sans frein et sans bénéfices pour le citoyen) ….