▪ Wall Street en était convaincu, la plupart des spécialistes des marchés obligataires également : le problème du shutdown aurait dû être résolu au cours du week-end.
L’occasion semblait belle d’offrir aux marchés le prétexte d’une entame de semaine en « boulet de canon ». Après tout, le début de la semaine précédente avait été plombé par la crainte — avérée — que le jusqu’auboutisme de certains ultra-libéraux de l’aile droite du clan républicain déboucherait sur la mise au chômage de près d’un million de fonctionnaires et de civils sous contrat avec le Pentagone.
Il s’agit de l’avis général d’une classique querelle politicienne où chacun cherche à coller à l’image qu’il renvoie à son électorat. Warren Buffett estime que le Congrès US ira au bout de l’idiotie mais ne franchira pas la ligne rouge de la situation de défaut… car personne ne le souhaite et personne n’y a intérêt.
Un pas de plus dans « l’idiotie » a donc été franchi depuis vendredi et le consensus optimiste semble démenti… Cependant, de nombreux fonctionnaires ont motif à se montrer satisfaits de la tournure prise par les évènements ces dernières 24 heures.
Certaines finesses des règles de fonctionnement de l’Etat américain autorisent en effet le président à ordonner la remise au travail — et donc le paiement — d’un certain nombre de salariés des administrations centrales (aucun ordre de grandeur n’est spécifié). Cela afin d’écarter tout risque de défaillances dans la sécurité du pays et dysfonctionnements économiques majeurs.
▪ Il y a défaut… et défaut
Les médias commencent à distiller certaines informations donnant à penser qu’il existe des « poches budgétaires » plus ou moins discrètes permettant d’adoucir les conséquences financières d’un shutdown. Ils sous-entendent également qu’un défaut partiel des Etats-Unis pourrait être « organisé » — de façon à ce que les créanciers non-résidents ainsi que les banques détentrices de T-Bonds ne soient pas touchées.
On comprend ainsi qu’il existe des marges de manoeuvre, des possibilités d’arrangements qui transformeraient certaines catégories de créanciers en « super-seniors » (prioritaires) tandis que d’autres seront priés d’attendre leur tour (fonds de retraites américains, collectivités locales…).
Délestés de ces petits soucis d’intendance en matière de paiement de la dette fédérale, les marchés vont pouvoir se concentrer sur les premières publications de résultats trimestriels.
Là, nous sommes à peu près certain que tout va bien se passer. Cela fait deux ou trois semaines que la plupart des entreprises du S&P 500 qui communiquent sur leur activité s’appliquent à mettre en garde les investisseurs contre des projections trop optimistes. Par ailleurs, elles révisent souvent à la baisse leurs estimations de chiffre d’affaire au troisième trimestre (Alcoa, Procter & Gamble, Unilever, Wal-Mart…).
▪ Wall Street reprend le refrain bien connu
Puisque les marchés sont prévenus et que plus personne ne s’attend à une hausse des bénéfices… attendons-nous à ce que les analystes et les médias nous jouent en boucle le grand air du « c’est moins pire que prévu ».
Ce genre d’anticipation entretient le sentiment d’invulnérabilité de Wall Street, des gérants et des suiveurs (acheteurs uniquement par opportunisme car convaincus que les cours n’ont guère de lien avec le contexte micro- ou macro-économique).
Grâce à cette confiance retrouvée vendredi, la tradition qui veut que les indices américains clôturent en hausse à la veille du week-end a enfin été respectée après une parenthèse de deux semaines.
Le Dow Jones a repris 0,5% sur les -0,9% perdus jeudi. Le S&P 500 en est à +0,75% sur 0,90% et le Nasdaq +0,9% après -1,10% — ce qui le replace à 0,25% de son meilleur niveau de clôture depuis 13 ans.
Comme Wall Street s’y attendait, aucun chiffre relatif à l’emploi n’a été publié du fait du chômage technique imposé à certains services chargés de les diffuser. Nous pouvons juste faire état d’une estimation de certains médias qui tourne autour de 158 000 nouveaux postes. Ce chiffre colle au plus près à l’estimation du cabinet ADP 48 heures auparavant : il anticipait 166 000 créations dans le secteur privé dont environ 40% dans la distribution… et ce n’est ni du plein temps, ni des emplois bien payés : pas de quoi pavoiser !
Mais la « modération salariale » (comprendre des embauches à temps partiel qui payent des clopinettes) fait également partie des signes positifs. Après tout, c’est bon pour les marges des entreprises et cela muselle l’inflation, d’où la poursuite ad vitam du QE3.