Certains dirigeants d’entreprises se distinguent par leur capacité à être plus que de « simples patrons ». C’est le cas de Larry Fink, PDG de BlackRock et grand gourou du système.
Nous avons commencé hier à parler de BlackRock, le plus grand des géants financiers. Un gestionnaire d’actif contrôlant 10 000 Mds$ d’actifs directement, et plus de 21 000 Mds$ grâce à son logiciel Aladdin.
Ce géant n’est pas né par hasard, mais parce qu’il avait plusieurs raisons de le faire.
Précédemment, la financiarisation des années 1970-1980 avait entraîné la création des banques telles que nous les connaissons.
L’âge d’or des hedge funds…
L’étape suivante de cette financiarisation a nécessité la création de nouvelles institutions : le shadow banking, les assureurs, les contreparties sur les dérivés, etc. Puis, face à la montée des risques, elle a nécessité les interventions et l’activisme, le put des banques centrales et celui des gouvernements. Il a fallu piloter le système, le socialiser, et manipuler la macroéconomie.
Cela a donné naissance à une fonction qui consistait à deviner et à jouer sur les marchés en fonction de ces manipulations macroéconomiques, à faire des paris sur ces orientations et ce fut le temps des hedge funds. Ils ont été le complément organisationnel/fonctionnel de cette phase de la financiarisation. L’emblème de cette période est bien sûr George Soros et son Soros Fund Management, fondé en 1970 mais qui devint célèbre lors de son gros coup de 1992 contre la livre sterling.
Puis le système a de nouveau muté sous la pression du surendettement : il a fallu faire absorber une création de dettes accrue et une surévaluation générale des papiers financiers.
Il a fallu que les banques centrales prennent le contrôle des Bourses ; créer un lien direct entre d’un côté le niveau des indices boursiers et obligataires et les taux d’intérêt des banques centrales.
Les nouvelles politiques monétaires dites non conventionnelles ont créé de nouveaux outils et de nouvelles fonctions. Ces nouvelles fonctions consistent à transmettre les politiques des banques centrales aux marchés financiers sans s’interroger sur les valorisations.
… Puis celui de la gestion passive…
Elles consistent à transmettre sans questionner les niveaux atteints. Pas de sélectivité, pas de jugement, surtout pas d’intelligence, mais de la mécanique et des algos. Ce fut le rôle de la gestion passive.
Celle-ci a émergé parce que la politique monétaire non conventionnelle implique que le niveau des Bourses soit sous le contrôle des banques centrales et des gouvernements c’est-à-dire que la politique monétaire non conventionnelle implique que le niveau des taux et le volume des masses monétaires déterminent les cours de Bourse. On ne doit jamais contester la Fed, par exemple.
La fonction systémique objective de la gestion passive est de transmettre, de faire en sorte que les marchés soient dominés par des intervenants insensibles aux niveaux des prix atteints par les valeurs mobilières. Il faut que la question du prix des actifs soit évacuée pour que le système nouveau, non conventionnel, fonctionne. C’est la fonction de BlackRock et de ses suiveurs.
Sa masse de 10 000 milliards est suffisante pour accomplir la fonction de transmission dont le système a besoin parce que BlackRock a des multiplicateurs, des amplificateurs, des imitateurs, des suiveurs – dont tous ceux qui utilisent son logiciel de gestion de portefeuille. Sa masse est démultipliée par les suiveurs humains, mais surtout par les algos, lesquels ont intégré ce mode de fonctionnement et ainsi multiplient les prophéties autoréalisatrices, qui se réalisent d’être crues.
Le système actuel, comme celui des hedge funds, a son emblème. Avant, il y avait Soros, maintenant, il y a Fink.
Larry Fink colle au système à tous les niveaux, et en particulier au niveau de sa gouvernance, qu’il transmet, ainsi qu’au niveau de ses objectifs – comme le sanitaire ou le climatique –, qu’il impose. Mais aussi au niveau du grand reset, dont il est partie prenante, stakeholder.
Fink fait de la politique au plus haut niveau, de la grande politique, même au-dessus des gouvernements et des Etats. C’est ce que vous devez comprendre, car il dispose de l’arme absolue, le pognon, et de l’arme encore plus absolue, le réseau de relations et d’obligés. Dont Macron, avec qui il avait pu commencer à discuter en longueur dès 2017 – bien avant la réforme des retraites, qui a refait surgir le nom de BlackRock. Un « dialogue » qui ne s’est jamais arrêté depuis, notamment pendant le Covid.
… Et demain, l’âge d’or des monnaies numériques des banques centrales ?
C’est pour cela que Fink montre à nouveau le bout de l’oreille, ces derniers temps.
Il dit que la guerre en Ukraine va accélérer l’adoption des monnaies numérique des banques centrales. Mais il n’en sait rien ! Ce qu’il émet, ce n’est pas une prévision, mais un souhait.
Pourquoi la finance au plus haut niveau veut-elle l’adoption rapide voire accélérée de ces monnaies numériques ?
Parce que c’est une course contre la montre contre la grande crise de réconciliation, le grand run !
La grande crise de réconciliation, c’est la crise provoquée par l’écart colossal entre le prix des contreparties du capital – les cours de Bourse – et les prix de marchandises et des services.
C’est soit la forte accélération des prix des biens et des services, soit l’effondrement des cours des Bourses.
Et, dans le cadre de cette crise de réconciliation quelle qu’elle soit, inflation ou chute des Bourses, le chaos ne peut être évité que si une autre forme de monnaie, de la monnaie-jeton, déconnectée de tout et entièrement contrôlée par les Etats et l’élite, est mise en place.
La monnaie numérique des banques centrales, c’est le parachute de la grande crise. Mais attention, pas n’importe quelle monnaie numérique : la monnaie numérique serve, celle qui ne confèrera plus de liberté, mais au contraire favorisera tous les contrôles…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
2 commentaires
Quel bonheur de comprendre les méandres de ce système financier grâce à vos connaissances d’insider..
c’est du « grand Bertez »
Merci
La grande crise de réconciliation définie dans cet article s’apparenterait-elle au petit garçon qui ose dire la vérité en s’écriant « le roi est nu » dans le conte intitulé Les Habits neufs de l’empereur de l’écrivain danois Hans Christian Andersen (1837)? Dans ce conte, l’empereur se laisse convaincre par deux escrocs prétendant pouvoir tisser une étoffe que seules les personnes sottes ou incompétentes ne pouvaient pas voir. Flairant ainsi une bonne affaire qui lui permettrait de repérer les personnes intelligentes de son royaume, il demande aux deux escrocs de lui confectionner un tel « habit ». À la réception du dit habit, l’empereur ne vit rien car il n’y avait rien. Afin que personne ne le prenne pour un sot, il cacha soigneusement son désarroi en n’en parlant à personne. Pour la même raison, ses ministres mandatés par lui pour inspecter cet habit n’osèrent pas non plus avouer l’invisibilité de l’étoffe « miracle ». Une fois « vêtu » de cet habit, l’empereur se présenta à son peuple, qui lui aussi, feignit d’admirer ses vêtements.
Dans ce conte, l’empereur berné est la classe politique en quête perpétuelle de moyens de financement des programmes aptes à contenter les zombies et les compères du régime. Tandis que les deux escrocs sont les banques centrales et les ministères des finances avec leur création de monnaie factice et le roulement des dettes.