Le traitement pourrait finir par tuer le patient…
« Les banques que nous réglementons sont soumises à de nombreuses obligations qui leur confèrent une bonne protection contre les bank runs ».
~ Michael Barr, directeur de la surveillance bancaire pour la Fed, le 9 mars 2023
La deuxième et la troisième plus grandes faillites bancaires de l’histoire des Etats-Unis, Silicon Valley Bank et Signature Bank, continuent à faire les gros titres de l’actualité financière.
De notre point de vue, les faillites étaient prévisibles. Nous nous attendions à ce que quelque chose se brise… C’est désormais le cas. Peu importe comment, où, quand et qui… les pertes sont inévitables.
Qui paiera l’ardoise ? C’est le sujet de la chronique du jour.
A qui le tour ?
« Aucune perte ne sera imputée aux contribuables », a déclaré Joe Biden, la semaine dernière, après l’annonce du plan des autorités. Où se trouvaient les « vérificateurs », chercheurs de vérité, prêts à dénoncer la désinformation et les mensonges ? Ils avaient sûrement pris un jour de congé. Car une chose est sûre : tôt ou tard, les contribuables finiront par payer les pertes, probablement sous la forme de plus d’inflation. Alors que les faillites bancaires se multiplient, la Fed devra renflouer ces établissements et, tôt ou tard, mettre un terme à ses hausses de taux. Les prix à la consommation augmenteront ; les ménages paieront.
Qui d’autre pourrait supporter ces pertes ?
Qui finit toujours par payer ? La crise des caisses d’épargne américaines (Savings and Loans), durant laquelle cinq membres du Congrès (les « Keating Five ») ont joué un rôle majeur, a coûté 124 Mds$ aux contribuables.
Le plan de renflouement des banques élaboré par Henry Paulson (le « Troubled Asset Relief Program » ou TARP) en 2008 a coûté 500 Mds$. Le journaliste d’investigation Jim Bovard a relevé que plus de 4 000 salariés d’établissements bancaires avaient perçu des bonus de plus de 1 M$ de ce fait.
La politique de taux nuls de la Fed mise en œuvre après 2008 a coûté 4 000 Mds$ aux ménages américains.
Et grâce aux réformes de Barney Frank et Elizabeth Warren adoptées en 2010, dont la raison d’être était d’éviter une autre crise bancaire, les banques se retrouvent avec 600 Mds$ de pertes latentes au sein de leurs portefeuilles de titres de dette publique ou de titres de dette garantis par l’État. Ce ne sont pas des pertes « sur papier ». Il s’agit de pertes réelles. Quelqu’un devra payer.
L’élixir magique
Généralement, il vous faut payer pour emprunter de l’argent, ce qui vous oblige à réfléchir minutieusement à la façon dont vous allez le dépenser. Si le taux d’intérêt (après inflation) est de 4%, il vous faut trouver un investissement dont le taux de rendement minimal acceptable est supérieur à 4%. Sinon, vous perdrez de l’argent et vous entacherez votre réputation et votre crédibilité auprès de vos amis, de vos proches et de vos rivaux.
En règle générale, les investissements rémunérateurs sont rares pour la simple et bonne raison que, dès lors que ces opportunités se présentent, les gens empruntent pour pouvoir les suivre, ce qui fait monter le taux de rendement minimum acceptable. Normalement, le système se régule de lui-même, ce qui empêche la spéculation à outrance et l’accumulation de la dette.
Mais c’est là qu’intervient la Fed avec son élixir magique : des taux d’intérêt inférieurs au taux d’inflation. D’un coup d’un seul, le taux minimum disparaît. Le moindre pari (cryptomonnaies, NFT, nouvelles technologies, bons du Trésor) peut se révéler payant.
C’est ainsi qu’entre 2009 et 2022, les gens ont emprunté sans raison. Ils ont investi de manière inconsidérée. Et ils ont perdu des sommes prodigieuses.
Sans que cela ne pose le moindre problème. Mais qu’en est-il désormais ? Responsables de cette folie de l’endettement, les décideurs décideront-ils de payer les pots cassés ? Barney Frank, Elizabeth Warren, Joe Biden, Janet Yellen ? Non, dans leur grande sagesse, ils décideront que c’est à quelqu’un d’autre de payer.
C’est la nature même de ce monde riche en réglementations, pauvre en responsabilités et libre de tout jugement. Nul ne saurait assumer les coûts de ses problèmes de santé, fussent-ils de son propre fait, de ses mauvaises décisions, de son incompétence, de sa perte d’emploi ou des faillites bancaires. Les personnes « sans logement » qui ont été expulsées pour ne pas avoir payé le loyer, estiment que quelqu’un devrait leur fournir un logement décent. Les mères célibataires attendent du gouvernement qu’il paie les frais de garderie. Quel que soit le besoin, le coup du sort ou le manquement, quelqu’un d’autre doit payer. La société d’assurance, le gouvernement, les riches… quelqu’un devrait vous renflouer !
D’où vient le capital ?
Dans le cas qui nous intéresse, le gouvernement central affirme que les actionnaires fortunés de la banque perdront de l’argent, mais pas les épargnants fortunés. A l’heure actuelle, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) garantit les dépôts à hauteur de 250 000 $. Mais 97% des dépôts réalisés auprès de Signature étaient supérieurs à ce montant. Il s’agit de comptes de hegde funds, d’entreprises et de spéculateurs, mais pas d’épargnants bons pères de famille.
La banque elle-même n’a plus l’argent pour rembourser intégralement ces épargnants. Alors, d’où viendra l’argent ? Des décideurs qui étaient censés faire en sorte que la banque soit sûre ? Des arnaqueurs de Wall Street qui ont utilisé l’argent bon marché de la Fed pour empocher des milliards, voire des milliers de milliards, ces 12 dernières années ? Ou des gouverneurs de la Fed, dont les taux d’intérêt ultra bas ont créé la bulle qui est en train de se dégonfler ?
Joe Biden affirme que les contribuables ne paieront pas un centime. Super ! Les pertes se sont évaporées.
Que va-t-il se passer ensuite ? Ray Dalio imagine un scénario. Markets Insider :
« Dans sa lettre d’information de ce mardi [14 mars], le fondateur de Bridgewater Associates décrit la tourmente bancaire comme un ‘événement très classique faisant partie de la phase très classique d’éclatement d’une bulle dans le cycle d’endettement de court terme’.
Ce cycle dure environ sept ans, explique Ray Dalio. Dans la phase actuelle, l’inflation et la faible croissance du crédit catalysent une contraction de la dette, selon Dalio, et cela engendre une contagion, jusqu’à ce que la Réserve fédérale revienne à une politique d’argent facile. »
Selon le scénario le plus probable, nous assisterons à quelques autres faillites bancaires avant que les fédéraux décident de faire un pas de géant de plus vers un monde sans risque. Ils feront mainmise sur la totalité du système bancaire, y compris sur les 9 000 Mds$ de dépôts non garantis.
Mais n’oubliez pas. Les autorités ne peuvent pas faire disparaître les pertes. Ils peuvent uniquement les faire passer des mains de ceux qui les méritent aux mains de ceux qui ne les méritent pas.