Pour enrayer l’épidémie, les autorités ont coupé le moteur de l’économie… Pendant combien de temps va-t-elle pouvoir continuer à planer ?
Les autorités américaines ont peut-être réussi à « aplatir la courbe » du Covid-19. Ou pas.
En tout cas, elles ont réussi à aplatir l’économie. Aujourd’hui, nous raclons le trottoir pour voir ce qu’il en reste.
Yahoo! Finance annonçait vendredi que…
« Trois millions d’Américains supplémentaires se seraient inscrits au chômage lors du week-end se terminant le 2 mai, suivant 3,839 millions de demandes d’emploi initiales la semaine précédente. A ce jour, sur les six dernières semaines, plus de 30 millions d’Américains ont déposé des demandes d’allocations chômage. »
Pour l’instant, plus de gens ont perdu leur emploi qu’au cours de toutes les récessions depuis la Deuxième guerre mondiale – combinées.
Vous prenez souvent l’avion ?
A présent, la presse rapporte que ces pertes d’emploi « temporaires » seront en fait durables. Bloomberg explique :
« Bon nombre de licenciements qualifiés il y a un mois seulement de ‘temporaires’ sont désormais appelés ‘indéfinis’ ou ‘permanents’. Parallèlement aux annonces de licenciements de grande ampleur de la part d’employeurs majeurs comme Boeing Co. et US Steel Corp. et au rythme croissant de réductions de personnel dans les magasins, de telles annonces signalent qu’alors même que les entreprises continuent d’espérer une reprise rapide, elles commencent à se préparer à une reprise lente.
Les nouveaux licenciements permanents concernent une vaste part de l’économie, aussi bien du point de vue géographique que sectoriel. Mercredi [dernier], Uber technologies Inc. est devenue la dernière grande entreprise en date à annoncer des licenciements de long terme, déclarant qu’elle supprimerait 3 700 emplois, soit 14% de son personnel dans le monde. La veille, Airbnb Inc. annonçait qu’elle licenciait 25% de son personnel, soit environ 1 900 personnes dans le monde. »
Eteindre une économie ressemble un peu à éteindre le moteur d’un vol transatlantique. Pendant une longue période, l’avion reste en l’air. Tout est soudain très silencieux.
Les passagers ne savent pas quoi en penser. En classe affaires, les investisseurs réfléchissent à investir durant le creux… et s’attendent à ce que le pilote injecte du carburant et reprenne de l’altitude à tout moment.
En classe économie, cependant, les gens ne sont pas aussi assurés. Quelques-uns regardent par la fenêtre et voient que le sol se rapproche.
Plus de salaire
Même avant que le virus frappe, quelque 100 millions d’Américains arrivaient tout juste à joindre les deux bouts. Ils vivent « d’un salaire à l’autre », disait-on. Maintenant, les salaires n’arrivent plus. Que vont-ils faire ?
Plus de séances de shopping. Plus de dîner en famille au restau du coin. Plus de plein pour rendre visite à la famille ou aller au match du dimanche.
Ils n’achètent plus de voitures non plus ; les ventes ont chuté à des planchers de 50 ans. Leurs automobiles sont saisies. Les prix des voitures d’occasion se sont effondrés.
Ils ne vont nulle part ; la consommation de carburant est elle aussi de retour à des niveaux sans précédent depuis l’administration Nixon.
Le trafic aérien a chuté de 95%. Les réservations Airbnb ont chuté de 80% environ ces 90 derniers jours. Les gens n’achètent plus grand’chose ; les dépenses de consommation – le kérosène du PIB – n’ont jamais autant chuté de l’Histoire.
Selon le New York Times, un tiers des locataires américains n’ont pas payé leur loyer durant la première semaine d’avril. A ce stade, quatre millions d’Américains ne paient pas leur prêt immobilier. Plusieurs Etats ont déjà émis des moratoires sur les expulsions.
Peu de sociétés immobilières voudront saisir, de toute façon : après tout, que feraient-elles des propriétés ainsi récupérées ?
Encore plus effrayées qu’en 2008
Et dans le monde des affaires ? Quelques gros titres de Bloomberg :
« Des centaines de déclarations de résultats montrent que les entreprises sont plus effrayées qu’en 2008 »
« La morosité s’empare des PME américaines, dont 52% prévoient une faillite »
Holà ! Les autorités ont-elles acculé la moitié des petites entreprises américaines à la banqueroute ? Bloomberg continue :
« Le Covid-19 pourrait fermer la plupart des PME américaines.
Selon un nouveau sondage de la Société de gestion des ressources humaines, 52% d’entre elles s’attendent à devoir mettre la clé sous la porte d’ici six mois. Ce sondage concernant 375 entreprises a été mené entre le 15 et le 21 avril et ne tient pas compte de l’amélioration des conditions économiques à mesure que certains Etats US rouvrent ce mois-ci. »
L’économiste Gary Shilling remet cela en perspective :
« Cette pandémie sera probablement l’événement financier et social le plus perturbateur depuis la Deuxième guerre mondiale, avec des conséquences tout aussi durables. Nombre de gens réduiront sans doute leurs dépenses dans les années qui viennent pour reconstruire leur épargne, d’autant que la crise les a surpris à un moment où leurs dettes sont élevées et leurs réserves financières limitées.
Une étude de la Fed révèle que 40% d’entre eux n’ont pas assez de liquide à disposition pour couvrir une dépense inattendue de 400 $. Qui plus est, l’allocation de 600 $ qui vient se rajouter aux allocations chômage des Etats pourraient pousser certains à ne jamais revenir au travail, particulièrement dans la mesure où ces versements se prolongeront probablement jusqu’en 2021. »
Un atterrissage difficile
Quant au rebond boursier d’avril, M. Shilling a ajouté ceci :
« Ne vous laissez pas tromper par le récent rebond boursier ; le monde de l’investissement commence à ressembler au krach boursier de 1929 et à la Grande dépression du début des années 1930… Cela ressemble à un rally boursier similaire à celui de 1929-1930, avec 30% à 40% de chute supplémentaire des actions à venir, à mesure que la profonde récession mondiale se prolonge jusqu’en 2021… »
Pour l’instant, l’oiseau métallique plane encore… mais les passagers deviennent nerveux. Que se passera-t-il quand ils essaieront de faire atterrir cet engin ?
Nous n’allons pas tarder à le savoir.