Donald Trump est revenu d’Argentine avec, dans son escarcelle, une « trêve » de 90 jours dans le conflit qui oppose les Etats-Unis et la Chine.
La guerre commerciale n’aura-t-elle pas lieu ?
Notre collègue David Stockman n’est pas d’accord avec nous sur les plans de Donald Trump dans les relations Etats-Unis/Chine. Selon David, les investisseurs qui parient sur une fin en bonne et due forme de l’escarmouche commerciale vont être déçus :
« Wall Street entretient la croyance complaisante que cette confrontation avec la Chine n’est jamais que le Donald abattant une carte particulièrement rude de son ‘art du deal’ : c’est complètement insensé. Le président américain n’est de loin pas prêt à faire des compromis sur ses guerres commerciales parce que, de la manière dont le Donald voit les choses, son arme de choix — les taxes douanières ciblées — sont essentiellement un outil bien utile et une fin acceptable en elle-même s’il n’obtient pas de vastes concessions impossibles à fournir de l’autre côté ».
Le point de vue de David s’est trouvé renforcé lorsqu’on a appris que le cinglé conseiller au Commerce de Trump, Peter Navarro, était avec lui à Buenos Aires pour la réunion avec Xi Jinping. Si quelqu’un peut faire rater un accord commercial, c’est bien Navarro.
Personnellement, nous nous en tenons à notre prédiction. Le Donald est plus intelligent qu’il en a l’air. Et plus rusé. Il sait que sa réputation de « faiseur de deal », son affirmation qu’il a créé une économie « en plein boom », « son » marché boursier et sa propre fortune personnelle dépendent tous d’une continuation de la bulle de dette.
Laquelle dépend à son tour de taux d’intérêt bas… qui dépendent de ce que les Chinois continuent à jouer leur rôle. Les Etats-Unis ont besoin de produits à prix bas pour garder l’inflation sous contrôle. Une augmentation des prix à la consommation fera grimper les taux d’intérêt — ce qui mettra fin à la fête.
Oui, nous sommes plus cynique que David. Nous pensons que M. Trump sait ce qu’il fait. Il sait aussi qu’il va devoir annoncer une grande « victoire » à son retour d’Amérique du Sud. Avec cette trêve, il affirmera qu’il a gagné et préservera le statu quo… tout comme il l’a fait avec l’ALENA.
Evidemment, tout cela n’est que du show-business.
Une bombe de dette
Dans le monde réel, on ne peut pas négocier la disparition du déséquilibre commercial avec la Chine.
La Chine fabrique des produits moins chers et plus compétitifs. Cela ne changerait pas même si les barrières commerciales — y compris les barrières non-tarifaires — étaient complètement éliminées.
Mais ce n’est pas parce qu’une nation a un déficit commercial qu’elle a forcément un problème ; un surplus commercial n’est pas non plus un signe de santé certaine.
Nourri par l’argent factice des Etats-Unis et trompés par les planificateurs centraux chinois eux-mêmes, les entreprises chinoises ont fait d’énormes erreurs de calcul. Elles sont en surcapacité dans quasiment tous les secteurs majeurs. Désormais, les vautours guettent.
Les cours des importations clé de la Chine — le pétrole et le minerai de fer — chutent tous deux. Cette tendance n’a peut-être pas de cause unique, mais il est probable que le principal client pour ces matières premières — la Chine — soit en train de réduire la voilure.
Les producteurs chinois ne sont pas certains de ce qui se passera demain, eux non plus. Si la guerre commerciale gagne en intensité, ils espèrent compenser les ventes perdues aux Etats-Unis par des ventes en Europe, en Afrique et en Amérique du Sud… ainsi que par une augmentation de la demande interne. Mais la transition prendra du temps. Et pendant ce temps, la bombe de dette de la Chine, à 40 000 milliards de dollars, pourrait exploser.
[NDLR : Cela entraînera-t-il l’explosion d’une autre bombe à retardement, mettant fin au système financier que nous connaissons ? Toutes les explications — et une stratégie de protection — en cliquant ici.]
Aux Etats-Unis, parallèlement, M. Trump affirme que l’économie est en plein boom. Son conseiller économique, Larry Kudlow, annonce que l’économie américaine est bien plus forte que sa concurrente chinoise.
Mais le tableau n’est de loin pas aussi sain qu’annoncé.
Les niveaux de dettes des ménages, des entreprises et du gouvernement fédéral battent tous des records — alors même que les taux d’intérêt grimpent.
La hausse des taux immobilier est déjà en train de tuer les ventes réelles. Bloomberg :
« Dans l’ancien, les promesses de vente ont connu une chute inattendue aux Etats-Unis, la plus importante depuis janvier, atteignant leur niveau le plus bas depuis la mi-2014, parmi des signes croissants que le marché de l’immobilier a du mal.
L’indice des promesses de vente de logements a chuté de 2,6% après un gain de 0,7% le mois précédent, selon des données publiées jeudi par l’Association nationale des agents immobiliers à Washington. On est loin de l’estimation médiane d’une étude de Bloomberg, qui prévoyait une augmentation de 0,5%. La jauge a chuté de 4,6% par rapport à l’année précédente sur une base non-ajustée, suivant un déclin de 3,3% ».
Il se fait également sentir une faiblesse surprenante sur le marché de l’emploi. Bloomberg à nouveau :
« Le nombre croissant d’Américains s’inscrivant aux allocations chômage commence à inquiéter certains économistes, même si ces dernières augmentations se sont produites durant des périodes de fêtes généralement associées à une volatilité des données.
Les inscriptions initiales ont grimpé de 10 000 la semaine dernière pour atteindre 234 000 personnes, la troisième augmentation consécutive et le plus haut niveau depuis mai, selon un rapport du département du Travail publié jeudi. L’estimation médiane d’une étude Bloomberg prévoyait un recul à 220 000. Ces deux dernières semaines comprenaient les jours fériés de Thanksgiving et des vétérans, et les chiffres tendent à enregistrer des évolutions plus larges autour de tels événements ».
Comment et quand ces tendances évolueront, nous devrons attendre pour le voir.
D’ici là, le spectacle a battu son plein au sud du Rio de la Plata. S’il y a bien une chose que le président T. sait mieux que quiconque, c’est comment plaire à la populace. Ils veulent que leur héros sorte du ring en faisant le V de la victoire.
C’est bien ce qu’il a fait.
1 commentaire
Je vais plus loin que Bill, ce qui est en jeu n’est pas la première place commerciale dans le monde mais la première puissance militaro-économique – c’est à dire, le droit de pillage – sur la planète.
En pleine transition écologique officielle, l’annonce d’un encouragement de la consommation interne chinoise sonne comme un rappel à l’ordre – 1200 millions de personnes, plus que les US et l’UE réunies. Pour ceux qui n’ont pas encore compris que si les changements climatiques sont réels, c’est à dire sourcés par des relevés scientifiques et comparés aux données antérieures, ceux qui tiennent les manettes n’en ont rien à faire. La démographie mondiale, véritable source des déséquilibres écologiques – est un sujet tabou, car trop difficile pour des politiciens dont le seul but est d’être élu et réélu, pour bénéficier des délices et prébendes qu’apportent le pouvoir.