▪ Dernièrement, dans un article de Bloomberg, un banquier de Crédit Suisse racontait qu’il courait dans tous les sens pour rencontrer ses clients : « nous n’avons jamais vu autant de clients qui ne comprennent pas ce qui se passe et qui ont engrangé plein de liquidités ».
Les gens liquident actuellement leurs investissements parce qu’ils préfèrent attendre jusqu’à ce que les choses « se clarifient » (ce qui est bizarre, vu que le marché n’est qu’à quelques points de son plus haut absolu. Voilà un marché haussier étrange où beaucoup de gens vendent à des niveaux élevés. Normalement, les gens se précipitent pour vendre lorsque le marché a déjà bien baissé.)
Comme le remarquait l’article de Bloomberg, la liste des inquiétudes et des questions irrésolues est longue :
– Que va-t-il arriver à l’économie chinoise ?
– Qu’en est-il du ralentissement de la croissance économique mondiale ?
– Qu’en est-il des banques centrales et de l’assouplissement quantitatif ?
Etc.
Ceux qui attendent plus de certitudes peuvent attendre encore longtemps. La certitude n’est pas de ce monde |
Ceux qui attendent plus de certitudes peuvent attendre encore longtemps. La certitude n’est pas de ce monde.
Ce week-end, je me suis plongé dans The Devil’s Financial Dictionary de Jason Zweig. Voici ce qu’il écrit à propos de l’incertitude :
« Certitude, n. Etat de clarté et de prévisibilité dans les affaires économiques et géopolitiques qui est, selon tous les investisseurs, indispensable — même s’il n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais… Lorsque les troubles ou les turbulences deviennent évidents, les experts déclarent une énième fois que ‘les investisseurs détestent l’incertitude’… L’incertitude est la caractéristique la plus fondamentale des marchés financiers… détester l’inconnu est une perte de temps et d’énergie. Autant détester la gravité ou protester contre le temps qui passe ».
J’ai beaucoup aimé le livre de Zweig, même si je possède un exemplaire défectueux où manquent les 28 dernières pages. Zweig a écrit son livre dans l’esprit du classique d’Ambrose Bierce, Le Dictionnaire du Diable. J’aime bien Bierce, et je souhaite vous le faire connaître un peu mieux.
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▪ D’un cynique à un autre
Ambrose Bierce (1842-1914) écrivit certains des meilleurs essais et nouvelles sur la Guerre de Sécession. Il a combattu à Shiloh, à Chickamauga, à Missionary Ridge et dans d’autres lieux — du côté de l’Union.
La bataille de Shiloh fut particulièrement horrible. C’est la plus sanglante de l’histoire des Etats-Unis. Des années plus tard, Bierce écrivit l’un de ses plus célèbres essais à ce propos, « Ce que j’ai vu de Shiloh ». A la bataille de Kennesaw Mountain (1881), Bierce eut la tête « brisée comme une noix » et fut démobilisé.
Après avoir vécu cela, on peut comprendre pourquoi Bierce pouvait perdre patience face à la stupidité de ses confrères humains. Bierce était un grand ennemi de l’euphémisme, de l’hypocrisie et des mots doucereux utilisés pour couvrir les pensées mollassonnes.
L’une des définitions de son dictionnaire décrit probablement le mieux Bierce lui-même :
« Cynique, n. Fripouille dont la vision erronée voit les choses comme elles sont et non comme elles devraient être ».
En tant que journaliste, il mit à mal de nombreuses réputations, souvent en faisant usage d’invectives acérées. Cela lui valut d’être surnommé « Bierce Amer ». Lorsque les gens se plaignaient, il leur conseillait : « continuez à vendre des chaussures, des galettes ou à vous vendre vous-mêmes. Quant à moi, je vends des insultes ».
Un jour de 1913, Bierce partit pour le Mexique et on ne le revit jamais plus. Pas mal comme façon de tirer sa révérence. A ce jour, personne ne sait ce qui lui est arrivé.
Pour en savoir plus, je vous recommande la biographie Ambrose Bierce: Alone in Bad Company [« Ambrose Bierce : seul en mauvaise compagnie », ndlr.] de Roy Morris Jr. La Library of America propose un beau recueil en un volume de ses meilleures oeuvres — y compris le célèbre Dictionnaire du Diable.
« Négociateur entre deux parties qui trouve le moyen de tromper les deux » |
Zweig s’inspire donc de Bierce pour embrocher Wall Street, comme dans la définition de la certitude citée ci-dessus. Parfois il travaille sur d’autres hommes d’esprit, comme la définition par Samuel Johnson d’un courtier : « négociateur entre deux parties qui trouve le moyen de tromper les deux ».
Parfois les définitions sont courtes :
« Day-trader, n. voir IDIOT ».
Il déniche également des mots obscurs décrivant particulièrement bien une réalité :
« Paréidolie, n. Tendance humaine compulsive à voir des schémas ou des tendances significatives dans des événements et des images aléatoires ».
Beaucoup de gens souffrent de paréidolie.
L’un des thèmes essentiels, c’est que la chance et la surprise sont deux facteurs permanents et importants à l’origine d’événements et de résultats sur les marchés. Ce sont des forces que tout le monde ou presque essaie fortement de nier.
Un autre thème est que les mots fantaisistes sont une dissimulation. Ils cachent des vols, des mensonges, des arnaques et des arrière-pensées. Parlez clairement et cherchez ceux qui vous parlent clairement.
Comme l’observe Zweig : « peu importe à quel point vous êtes cynique à propos de Wall Street, vous ne l’êtes pas assez ». Ce livre vous aidera à voir un peu plus clair à travers le voile verbeux qui enveloppe Wall Street. Bierce approuverait.