Le scénario Boucle d’or pourrait être remis en question par de nombreux facteurs, et l’économie pourrait connaître une évolution moins positive que ne le prévoient les autorités.
Nous avons vu hier deux scénarios qui, selon l’économiste Nouriel Roubini, pourraient se mettre en place dans les mois qui viennent. Nous en examinons aujourd’hui deux autres.
Un troisième scénario est la stagflation continue, avec une inflation élevée et une croissance beaucoup plus lente à moyen terme. Dans ce cas, l’inflation continuerait d’être alimentée par des politiques monétaires, de crédit et budgétaires accommodantes.
Les banques centrales, prises au piège de la dette par des ratios d’endettement publics et privés élevés, auraient du mal à normaliser les taux sans déclencher un krach des marchés financiers.
De plus, une multitude de chocs d’offre négatifs persistants à moyen terme pourraient freiner la croissance au fil du temps et faire grimper les coûts de production, ce qui accroîtrait la pression inflationniste.
De tels chocs pourraient provenir de la démondialisation et de la montée du protectionnisme, de la balkanisation des chaînes d’approvisionnement mondiales, du vieillissement démographique dans les économies en développement et émergentes, des restrictions migratoires, du « découplage » sino-américain, des effets du changement climatique sur les prix des matières premières, des pandémies, de la cyberguerre et de la réaction contre les inégalités de revenus et de richesse.
Dans ce scénario, les rendements obligataires nominaux augmenteraient beaucoup plus à mesure que les anticipations d’inflation perdraient leur ancrage. Les rendements réels seraient également plus élevés (même si les banques centrales restaient en retard), car une croissance rapide et volatile des prix augmenterait les primes de risque sur les obligations à long terme.
Dans ces conditions, les marchés boursiers seraient prêts pour une forte correction, potentiellement en territoire baissier (reflétant une baisse d’au moins 20% par rapport à leur dernier sommet).
Ralentissement et affaiblissement
Le dernier scénario serait celui d’un ralentissement de la croissance. L’affaiblissement de la demande globale s’avérerait non seulement transitoire, mais un signe avant-coureur de la nouvelle normalité, en particulier si les mesures de relance monétaire et budgétaire sont retirées trop tôt.
Dans ce cas, une demande globale plus faible et une croissance plus lente entraîneraient une baisse de l’inflation, les actions corrigeraient pour refléter les perspectives de croissance plus faibles et les rendements obligataires continueraient de baisser (car les rendements réels et les anticipations d’inflation seraient plus faibles).
Lequel de ces quatre scénarios est le plus probable ? Alors que la plupart des analystes de marché et des décideurs politiques ont poussé le scénario Boucle d’or, je crains que le scénario de surchauffe ne soit plus saillant.
Compte tenu des politiques monétaires, fiscales et de crédit laxistes d’aujourd’hui, du variant Delta et des goulots d’étranglement de l’offre qui y sont associés, il y aura surchauffe ; les banques centrales seront coincées entre le marteau et l’enclume.
Confrontées à un piège de la dette et à une inflation constamment supérieure à l’objectif, elles vont prendre du retard, et les politiques budgétaires vont rester très souples.
A moyen terme, alors que divers chocs d’offre négatifs persistants frappent l’économie mondiale, nous pourrions nous retrouver avec une stagflation et/ou une surchauffe bien pire qu’une légère stagflation : une stagflation totale avec une croissance beaucoup plus faible et une inflation plus élevée.
La tentation de réduire la valeur réelle des ratios d’endettement nominaux à taux fixe conduira les banques centrales à s’adapter à l’inflation, plutôt qu’à la combattre et risquer un krach économique et surtout boursier.
Les ratios d’endettement (tant privés que publics) d’aujourd’hui sont nettement plus élevés qu’ils ne l’étaient dans les années 1970, en cette période de stagflation.
Les agents publics et privés ont beaucoup trop de dettes et des revenus beaucoup trop faibles ; ils seront confrontés à l’insolvabilité dès que les primes de risque d’inflation auront poussé les taux d’intérêt réels à la hausse. Cela ouvrira la voie pour des crises de la dette très déflationnistes.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]