Quelles sont les solutions pour améliorer la culture financière des jeunes ?
Dans notre article précédent, nous avons vu que les jeunes Français n’ont pas un niveau de culture économique et financière très élevé. Pourtant, il est primordial pour eux d’acquérir des compétences dans le domaine, sous peine de perdre plus de 2 000 euros d’épargne par an.
Comment améliorer la culture financière des jeunes ?
Toujours selon l’étude de la Banque de France, 81% des Français considèrent qu’une éducation financière est nécessaire dès l’école. Celle-ci existe d’ailleurs à travers le passeport EDUCFI : depuis la rentrée de septembre 2023, tous les élèves de 4e bénéficient d’une séance de deux heures de sensibilisation financière et budgétaire. Ce passeport a trois objectifs : savoir gérer son argent et prévenir le surendettement, savoir planifier et épargner et enfin, savoir se protéger contre les arnaques financières ou les pratiques commerciales trompeuses.
Cette initiative part d’un bon sentiment, mais elle laisse tout de même perplexe. Comme l’écrit France FinTech, une association qui regroupe plus de 300 entreprises innovantes de l’industrie des services financiers : « Deux heures d’initiation à la culture financière dans une scolarité ne permettent pas de fournir aux élèves un bagage suffisant à la compréhension des notions essentielles. » L’association prône, au contraire, « l’instauration de séquences d’éducation financière ludiques, courtes et régulières », afin de permettre des progrès conséquents.
Dans une lettre au Premier ministre, France FinTech lui demande d’intégrer plus fortement l’éducation financière dans les programmes scolaires. Et pour convaincre Gabriel Attal, elle met en avant la création accrue de richesses par la stimulation de l’investissement que permettrait une telle initiative. L’association illustrait son propos avec une étude réalisée au Royaume-Uni montant que si tous les adultes recevaient une éducation financière à l’école, 76 400 entreprises supplémentaires pourraient être créés chaque année, ce qui représenterait 123 000 emplois directs par an.
Mais est-ce vraiment à l’école de dispenser de tels enseignements ? Aujourd’hui, on lui demande de former au tri des déchets et à l’empathie. Il y a peu de temps, Olivia Grégoire, ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, suggérait des cours de cuisine à l’école afin de lutter contre l’inflation !
Peut-être faudrait-il déjà enseigner correctement les mathématiques.
Dans le dernier classement Pisa (Programme pour le suivi des acquis des élèves), publié en décembre 2023 (portant sur l’année 2022), les élèves français de 15 ans ont obtenu le score de 474 points en mathématiques. C’est au-dessus de la moyenne qui est à 472 points, mais c’est 21 points de moins que dans le classement précédent portant sur l’année 2018. En compréhension écrite, ce n’est guère mieux : ils perdent 19 points, obtenant 474 points, alors que la moyenne est à 476.
Une étude de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale, datant de 2019 (portant sur l’année 2017), révélait que 55% des élèves de CM2 maîtrisaient la soustraction et 37% seulement la division.
Avouons qu’un cours de culture financière dispensé à des élèves qui ne pipent rien en calcul ne sert pas à grand-chose, si ce n’est à se donner bonne conscience.
Interrogeons-nous aussi sur l’optimisme de la Banque de France : n’exagère-t-elle pas l’amélioration des connaissances financières de jeunes Français dans le but de valoriser le passeport EDUCFI dont elle est l’opérateur ?
Peut-être existe-t-il d’autres moyens que ce passeport pour améliorer la culture financière des Français, et singulièrement celle des jeunes.
Dans un article récent (décembre 2023), nous recommandions incidemment aux parents et aux grands-parents d’offrir des produits d’épargne à leurs enfants et petits-enfants pour contribuer à leur éducation financière et économique. Le jeu peut aussi être une solution, comme Angle, un jeu de table qui se présente sous la forme d’un quizz avec plusieurs niveaux de difficulté. Elaboré au niveau européen dans le cadre du programme « Erasmus + » de l’Union européenne, Angle a été développé en français par des enseignants et des étudiants de l’université de Paris Dauphine.
Le gouvernement n’aide pas à faire les bons choix
Comme nous l’avons écrit dans ces colonnes (voir nos articles de janvier 2023), il est à craindre que, quoi que l’on fasse, les Français ne soient jamais de bons épargnants du fait des politiques publiques.
L’absence de retraite collective par capitalisation, la surtaxation de l’immobilier, la taxation toujours élevée des revenus de l’épargne financière, le haut niveau des droits de succession, les déficits publics abyssaux, l’importance de la dette… Tout est fait, dans notre pays, pour que les épargnants ne fassent pas les meilleurs choix mais cherchent, coûte que coûte, les placements les moins exposés et les moins imposés – quitte à ce que ce soit ceux qui rapportent le moins !
A cet égard, il est frappant d’apprendre qu’un nombre de plus en plus important de jeunes actifs ouvre un plan d’épargne retraite (PER). Un sondage Ifop pour Altaprofits, publié en août 2023, nous révélait que 60% des moins de 35 ans avaient l’intention de souscrire un PER (+ 20 points en trois ans).
Si l’on peut se réjouir que les jeunes veuillent mettre de l’argent de côté pour leurs vieux jours – une étude de BPCE indique que 37% des 18-24 ans et 46% des 25-34 ans anticipent leur retraite en cotisant régulièrement – on peut se demander si le choix du PER est pertinent.
En effet, ce véhicule est particulièrement contraignant. Rappelons que l’épargne accumulée dans le PER est bloquée jusqu’à la retraite. Certes, il existe des cas de déblocage anticipé de l’épargne, mais ils sont limités et peuvent avoir des conséquences fiscales non négligeables.
Par ailleurs, l’un des principaux attraits du PER – la possibilité de déduire les sommes versées du revenu imposable – n’a pas un grand intérêt pour les contribuables qui se situent dans les premières tranches d’imposition ou qui sont non imposables. Or nombre de jeunes actifs sont dans ce cas.
Il peut être, par conséquent, plus pertinent pour des jeunes souhaitant épargner de le faire sur les supports plus souples que le PER, comme l’assurance-vie (qui permet des avances et des rachats), le PEA (plan d’épargne en actions) ou le compte-titres. Quitte, plus tard, quand ils auront une meilleure visibilité à la fois sur leur carrière professionnelle, leurs besoins financiers, leur perspective de retraite, la fiscalité en vigueur, etc., à basculer une partie de l’épargne accumulée sur un PER. Ou sur un autre support qui pourrait voir le jour d’ici là.
Alors, oui, finalement, il pourrait être judicieux d’améliorer les connaissances économiques et financières des jeunes. Mais si cela doit se faire à l’école, encore faut-il des enseignants compétents. Et un emploi du temps qui le permette. Or l’allongement du temps scolaire ne semble pas être à l’ordre du jour !