Pour être victime d’un crime de haine, il suffit d’incarner l’ennemi dont l’industrie de la guerre a besoin.
« 26 des 32 amiraux et généraux qui ont pris leur retraite entre juin 2018 et juillet 2023 ont ensuite occupé des postes de direction, de conseiller, de membre du conseil d’administration ou de lobbyiste pour des entreprises ayant une activité importante dans le domaine de la défense. » – The Quincy Institute.
La bataille en Israël fait la une de tous les journaux. Il s’agit d’un véritable combat entre David et Goliath, les Etats-Unis s’empressant d’apporter à Goliath toute l’aide et le réconfort possibles. Voici ce que nous dit le New York Times :
« Des responsables de la Maison-Blanche ont déclaré que le président Biden avait confirmé à M. Netanyahu, lors d’un appel téléphonique dimanche, qu’une aide militaire était en cours d’acheminement vers Israël, et que d’autres suivraient dans les jours à venir. »
Le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken avait pourtant envoyé un message encourageant un cessez-le-feu. Ce message a été rapidement effacé. Apparemment, la guerre fait gagner des voix et de l’argent. La paix, non. Pas en Israël. Ni aux Etats-Unis.
« Dieu m’emporte »
Lorsque Dwight Eisenhower a quitté Washington en 1961, il a mis en garde la nation contre la dangereuse croissance de l’industrie qu’il connaissait le mieux – l’industrie de la guerre. Puis, après avoir servi son pays et accompli son devoir, il s’est retiré dans sa ferme familiale en Pennsylvanie. Aucun chèque de consultant ne lui est parvenu. Pas d’honoraires de la part de fabricants d’armes. Pas de sinécures, ni de missions de lobbying.
De temps en temps, lorsque le téléphone sonnait, il décrochait pour avoir JFK au bout du fil… ou plus tard, Lyndon Johnson ou Richard Nixon. Il pouvait donner des conseils lorsqu’on le lui demandait, mais s’occupait de ses propres affaires, qui consistaient à peindre, à élever du bétail angus et à passer du temps avec sa femme, Mamie.
Nous l’avons rencontré à cette époque. Nous nous étions rendus à l’hôpital Walter Reed avec notre père pour rendre visite à l’un de ses camarades de la seconde guerre mondiale. En marchant dans le hall, nous avons aperçu un homme en fauteuil roulant qui venait vers nous. Notre père n’avait plus porté l’uniforme depuis au moins dix ans, mais lorsqu’il l’a vu s’avancer vers lui, il s’est tenu droit, dos au mur, et l’a salué.
« C’est le général Eisenhower », a-t-il chuchoté, omettant les deux mandats d’Eisenhower en tant que président des Etats-Unis d’Amérique.
Lorsqu’il fut prêt, en 1969, I’ex-président demanda à ce que les stores soient tirés. Tenant la main de Mamie, il prononça une prière. « Je veux partir, que Dieu me prenne. » Quelques instants plus tard, il était mort.
Plus d’un demi-siècle plus tard, les généraux à la retraite quittent désormais rarement Washington. Au lieu de cela, ils rejoignent les rangs de groupes de réflexion, ou de General Dynamics. La croissance cancéreuse contre laquelle Eisenhower avait mis en garde s’est métastasée, et est probablement en phase terminale. Les Etats-Unis ne peuvent éviter une fin macabre qu’en réduisant leurs dépenses militaires/empires. Mais c’est peu probable ; la haine et la guerre sont trop alléchantes.
Hot-dogs allemands
Le crime de haine est une nouveauté dans la jurisprudence. Les dix commandements, révélés à Moïse sur le mont Sinaï et présentés aux Israélites sur deux tablettes de pierre, ne mentionnent pas la haine. De toutes les choses terribles que l’être humain peut faire, la « haine » ne figure pas parmi les dix premières.
Essayer d’éliminer la haine revient à essayer d’abolir le péché en tant que tel ; il y a peu de chances que ce soit fructueux. Et si le gouvernement américain punit les crimes de haine, il encourage également la haine à grande échelle.
Pendant la guerre entre les Etats, les Nordistes étaient persuadés que presque tous les hommes blancs au sud du Potomac étaient aux ordres du diable. L’armée de Lincoln a envahi la Virginie dans le but de tuer tous les Sudistes qui résistaient à l’autorité yankee. Ils ont continué jusqu’à ce qu’un Sudiste blanc sur quatre soit mort.
En 1917, le gouvernement américain avait attisé une telle haine à l’égard des Américains d’origine allemande que des gens ont brûlé des teckels et changé leur nom pour effacer leur héritage teutonique. Dans le Midwest, un a été assassiné parce qu’on l’avait pris pour un Hun. Des affiches distribuées par l’armée américaine décrivaient les Allemands comme des gorilles enragés et assoiffés de sang. L’administration Wilson a envoyé 10 000 hommes armés en Europe, chaque jour à partir de 1917, avec l’ordre de les tuer.
Les lois modernes sur les crimes de haine ont vu le jour avec l’adoption de la loi sur les droits civils en 1968. Des groupes ont voulu être inclus dans une catégorie de « victimes » afin de bénéficier d’une sorte de traitement préférentiel. Plus récemment, les « activistes asiatiques » de Californie ont cherché à obtenir le statut de victime pour les Indiens de basse caste. La législature californienne a accepté, mais le gouverneur Newsom a opposé son veto. NBCNews :
« Un projet de loi qui aurait fait de la Californie le premier État à interdire explicitement la discrimination fondée sur la caste a été rejeté samedi par le gouverneur Gavin Newsom. Après une année de plaidoyer et une grève de la faim d’un mois, les groupes progressistes sud-asiatiques sont déçus, mais ont déclaré que le mouvement pour l’équité des castes ne faisait que commencer. »
La haine au menu
Une fois qu’un groupe est auréolé, quiconque le conteste est par définition « raciste », « sexiste » ou autre. En 2017, par exemple, à Charlottesville, en Virginie, une confrontation a eu lieu entre des personnes qui voulaient retirer les monuments confédérés et d’autres qui voulaient les conserver. Elle s’est soldée par un mort. Donald Trump a déclaré qu’« il y avait des gens bien des deux côtés », mais il était devenu presque obligatoire de haïr le groupe adverse. Après tout, il s’agissait de « suprémacistes blancs ».
Alors que des groupes américains cherchent à se victimiser, le Deep State cherche à faire des victimes.
Plus récemment, il a convaincu de nombreux Américains que les Russes étaient de mauvaises personnes, et qu’il était sain de les haïr. Les Chinois… les Iraniens… les Nord-Coréens – les politiciens et la presse complice ont attisé la haine à leur égard.
La haine se manifeste de manière absurde et a des conséquences mortelles. Rappelez-vous que lors de l’invasion de l’Irak, les Américains ont cessé de manger des frites [NDLR : appelées french fries en anglais, soit « frites françaises »]. Ils étaient censés haïr les Français parce qu’ils avaient sagement refusé de rejoindre la « Coalition des volontaires » des Etats-Unis. Les bâtonnets de pommes de terre graisseux sont devenus les « freedom fries » [NDLR : frites de la liberté]. Aujourd’hui, les frites sont de retour sur la table. C’est la vinaigrette russe qui a disparu du menu.
Le World Socialist Website a publié un article, plus tôt cette année :
« L’orchestre philharmonique de New York ne jouera pas la Symphonie de Leningrad de Chostakovitch
L’orchestre philharmonique de New York a discrètement annoncé un changement complet de programme… Le chef d’orchestre russe Tugan Sokhiev devait initialement diriger la célèbre Symphonie de Leningrad de Dmitri Chostakovitch. La symphonie ne sera pas jouée, et Sokhiev ne sera pas sur le podium. Il sera remplacé par James Gaffigan, dans un programme comprenant une œuvre du compositeur ukrainien Valentin Silvestrov… »
Qu’a fait Chostakovitch ? Il est mort en 1975. Et la frite ? Quel a été son crime ?
Mais il n’est pas nécessaire de faire quoi que ce soit pour être victime d’un crime de haine. Il suffit d’incarner l’ennemi dont l’industrie de la guerre a besoin.
1 commentaire
Merci pour cet article très lucide et factuel qui permet de bien comprendre les mécanismes qui engendrent les tensions et les guerres