A chaque période de grande tension économique surgissent des idées aussi séduisantes qu’erronées.
« Chaque fois qu’il y a de grandes tensions ou de grands changements dans le système économique, cela tend à générer des théories farfelues. » – David Stockman
Une fois encore, nous assistons à une bataille épique – digne de celle menée par David Stockman au début des années 1980. C’est le choc de deux forces contraires : l’économie contre la politique. L’économie réclame une monnaie stable, des taux d’intérêt justes, des budgets équilibrés et un Etat fédéral allégé. La politique poursuit toujours les mêmes objectifs : plus d’argent et plus de pouvoir.
Le Triomphe de la politique est le titre que Stockman a donné à son mémoire sur le sujet. Il nous dit tout ce qu’il faut savoir.
Les politiciens trouvent des moyens d’expliquer leurs erreurs… et de nouvelles théories pour en justifier d’autres. Au début des années 1980, ils invoquaient la nécessité de lutter contre le communisme. Aujourd’hui, la lutte porte sur la drogue, la Russie, l’Iran, les terroristes, les immigrants… et les politiques commerciales déloyales.
Au début de l’Union soviétique, la collectivisation de l’agriculture a été un échec prévisible. Les gens ne travaillaient tout simplement pas aussi dur pour le « paradis des travailleurs » que pour eux-mêmes. Les savoirs précieux accumulés par des générations de paysans (quoi planter, quand le faire, comment cultiver…) ont été ignorés ou perdus, sacrifiés aux dogmes des bureaucrates et planificateurs centraux de Moscou. Résultat : des millions de personnes ont souffert de la faim.
C’est dans ce contexte sombre qu’un jeune agronome charismatique est entré en scène.
Timofeï Lyssenko affirmait pouvoir révolutionner l’agriculture selon les principes du modèle soviétique. A l’en croire, plutôt que de rivaliser pour l’eau, les nutriments et la lumière, les graines coopéreraient et parviendraient même à offrir des récoltes généreuses, jusque pendant l’hiver.
La théorie de Lyssenko paraissait farfelue. Mais au début des années 1930, Staline était prêt à s’accrocher à la moindre bouée, et Lyssenko lui en tendait une. Et qui aurait osé dire à Staline qu’il se trompait ? Nikolaï Vavilov, botaniste de renom et défenseur de la science classique, a eu ce courage. Il a osé dire la vérité. Mais il a été envoyé au goulag et exécuté.
Le « lysenkisme » a triomphé et est devenu la politique officielle de l’Union soviétique. Les fermes collectives l’ont appliqué consciencieusement. Les rendements agricoles se sont effondrés encore plus. On estime que dix millions de personnes sont mortes de faim.
La politique soviétique a profondément influencé les autres régimes communistes. Il n’a pas fallu longtemps pour que Mao adopte le lysenkisme. Ce choix, reconnu plus tard comme l’une des plus grandes erreurs de Mao, a contribué à une tragédie humaine : entre 1959 et 1961, 45 millions de personnes ont perdu la vie. Tous ces décès ne sont pas directement attribués au lysenkisme, mais à un cocktail toxique mêlant mauvaise gestion, science idéologique et chaos politique.
Les Grands Chefs sont souvent les premières victimes de grandes désillusions. Leurs courtisans rient à la moindre de leurs plaisanteries, ils applaudissent à chaque promesse grandiose. A force, le Grand Chef finit par croire lui-même à son génie : après tout, ses proches boivent ses paroles… il doit donc forcément savoir de quoi il parle !
Ce phénomène est bien connu. Dans la Rome antique, les généraux triomphants se voyaient souvent attribuer un esclave chargé de leur murmurer à l’oreille : « Memento homo » – « souviens-toi que tu n’es qu’un homme ». Un rappel salutaire, contre l’ivresse du pouvoir.
Donald Trump n’a pas cette chance. Au lieu de cela, il a mis en place une autre politique farfelue. Elle vous sera présentée le 2 avril.
Il s’agit de ses tarifs douaniers réciproques. Donald Trump affirme que, lorsqu’ils seront mis en oeuvre, ce sera le « jour de la libération ». Le jour de la libération ? Libération de quoi ? Les droits de douane sont appliqués dans le monde entier depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et il est rare qu’ils constituent un obstacle important pour les exportateurs américains.
Les Etats-Unis importent chaque année pour environ 3,4 billions de dollars de marchandises. Ces importations sont soumises à un droit de douane moyen pondéré de 1,6%. Ils exportent également vers le reste du monde, sur lequel nos exportateurs paient une moyenne d’environ 1,85%. La différence – un quart de pourcentage – est due en grande partie aux politiques protectionnistes de l’Inde.
Et qui dira la vérité à Donald Trump, à savoir que le concept de « réciprocité » est inapplicable et que les droits de douane américains sont, en réalité, plus élevés que ceux de bon nombre de nos principaux partenaires commerciaux ?
Les droits de douane du Japon ne s’élèvent en moyenne qu’à 1,45%. Les droits de douane de Taïwan n’atteignent même pas un seul point de pourcentage. Qu’en est-il des droits de douane américains sur les voitures électriques chinoises, qui s’élèvent à 100% ? Et que dire des 140 entreprises étrangères soumises au « contrôle des exportations » des Etats-Unis ?
Si la « réciprocité » n’était basée que sur les droits de douane, les Etats-Unis devraient abaisser leurs barrières dans de nombreux cas, simplement pour les rendre « équitables ». Ce n’est pas du tout ce que la Maison-Blanche a l’intention de faire.
En effet, les droits de douane relèvent de la politique et non de l’économie. Rien ne permet d’affirmer qu’ils permettraient d’assainir l’économie. Ils ne sont pas non plus « équitables »… à moins que l’équité ne signifie que si l’on donne un coup de bâton à Pierre, on doit aussi en donner un à Paul. Et s’ils se frappent les uns les autres, il faut se frapper soi-même pour rester sur un pied d’égalité.
Mais attendez, l’histoire ne s’arrête pas là, n’est-ce pas ? Le secrétaire d’Etat au Trésor, M. Bessent, est également censé prendre en compte les barrières non tarifaires dans sa recherche de réciprocité. Nous verrons comment tout cela affecte les calculs.
2 commentaires
Bonjour,
je recherche un article de Bill Bonner d’il y a quelques semaines ou il rconte son experience hospitaliere ou tous les intervenants lui réclament de donner son identité…
Pourriez vous me renvoyer cet article ?
Bien cordialement,
Dr M. Eymeri.
Bonjour monsieur,
Voici le lien de cet article de Bill Bonner : https://la-chronique-agora.com/absurdite-systeme-sante-americain/
Cordialement,
La Rédaction