C’est le ratio le plus important du capitalisme – celui sur lequel les intervenants appuient leurs décisions d’investissement… mais en France, on ne peut pas en parler !
Vous savez que j’attache une importance déterminante à la notion de profitabilité du capital.
C’est une notion centrale en système capitaliste puisque c’est le système dans lequel on produit pour le profit.
On ne produit pas pour le chiffre d’affaires ; même les Chinois ne le font plus. Si on le faisait, on ferait faillite, tout simplement.
On produit pour le profit à la fois pour rentabiliser le capital des actionnaires, pour payer les intérêts des dettes et pour s’autofinancer.
En France, la politique suivie par Emmanuel Macron est très cohérente sous cet aspect. Il cherche à remonter le taux de profitabilité du capital français pour que nous soyons plus compétitifs, pour que nous investissions ; c’est la condition de la réduction du chômage.
Mais il ne peut pas le dire dans un pays qui reste culturellement traumatisé par le communisme et l’anticapitalisme !
Toutes les mesures de Macron convergent vers ceci : réduire les coûts salariaux, baisser les charges, baisser les niveaux de vie, rogner les dépenses sociales, les retraites, donner des avantages fiscaux aux entreprises afin de faire remonter le taux de profitabilité du pays.
Le seul ratio qui intéresse le capitalisme
La profitabilité du capital mesure le ratio du profit divisé par le capital total engagé. C’est le seul ratio qui intéresse le capitaliste car il mesure ce que lui rapporte son capital. Si le capital ne lui rapporte pas assez, il cesse d’investir, retire ses billes, part à l’étranger, etc.
La profitabilité est différente de la marge bénéficiaire qui, elle, est le ratio du profit divisé par le chiffre d’affaires.
La marge bénéficiaire ne tient pas compte du fait que, pour réaliser un profit, on peut utiliser plus ou moins de capital. L’entreprise peut être plus ou moins « lourde » en capital.
Les économistes officiels ne veulent pas entendre parler de ce ratio de la profitabilité : s’ils en parlaient, on saurait que le système n’est pas un système de satisfaction des besoins mais un système d’accumulation de capital.
La comptabilité nationale se garde bien de publier les éléments pour calculer ce ratio !
Les critiques contre la Bourse et le CAC 40 tournent autour de cette question de besoin de profitabilité pour faire tourner l’économie.
Il faut savoir que la profitabilité du capital en France est très insuffisante. Elle est faible comparée à celle des USA et aussi celle des Allemands : cela explique beaucoup de choses.
Cependant, les économistes sont obligés d’en tenir compte implicitement sous la forme dérivée de la compétitivité et de l’attractivité d’un pays pour attirer les capitaux mondiaux.
En régime de libre circulation des capitaux, si on n’est pas assez profitable, les capitaux s’en vont !
Une crise qui vient de – très – loin
La crise économique actuelle vient de loin. Elle a pour origine la chute tendancielle de la profitabilité du capital depuis la fin de la guerre.
Le financiarisme, la financiarisation sont des artifices du système pour masquer et compenser la chute de la profitabilité du capital.
La baisse des taux d’intérêts qui encourage le recours aux dettes bon marché fait partie de ces artifices, la création de monnaie également. Les béquilles données au capital comme le CICE s’analysent de la même façon.
Des économistes alternatifs planchent sur ces questions ; ils retravaillent les données afin de faire apparaitre ce ratio de profitabilité du capital et en tirer des enseignements sur l’état de l’économie.
Voici une version de bonne qualité sur ces travaux. Vous constaterez que c’est une tendance entrecoupée de hauts et de bas – rien n’est linéaire !
En vérité, la profitabilité du capital US rechute depuis quatre ans, mais cela est masqué par les astuces comptables, les pratiques d’ingénierie financière comme les rachats d’actions et le leverage aggravé.
Ceci explique l’absolue nécessité de continuer à produire toujours plus de dette même si c’est dangereux pour la stabilité financière – et de « sécuriser » cette dette par la production de liquidités (les QE) et les taux bas (taux réels zéro).
Le besoin de compenser la tendance à la baisse de profitabilité du capital par le recours aux dettes explique ce que l’on ne vous dit surtout pas : pourquoi il faut une inflation minimum de 2% ! Il le faut pour alléger les dettes et faire tenir la bicyclette.
En voici une autre version, méthodologiquement différente, à mon sens théoriquement plus « pure », mais les enseignements sont les mêmes.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]