▪ La journée de jeudi avait débuté sous de bons auspices. Le gouvernement japonais, qui dévoilait sa dernière estimation du PIB 2011, a euphorisé Tokyo en publiant une contraction de l’activité « moins pire qu’attendue ».
Le Nikkei s’est envolé de 2%, revenant au contact de son zénith annuel du fait de ce seul prétexte qui devrait faire rire jaune les investisseurs nippons. Je sais… ce calembour est consternant, mais la réalité économique l’est tout autant au Pays du Soleil levant : un an après Fukushima, à une semaine près, le déficit commercial continue de se creuser.
En découvrant la performance de la Bourse japonaise jeudi matin, certains se sont pris à rêver que les places européennes pourraient en faire autant. Il aurait suffi que les nouvelles en provenance de la Grèce soient positives et que Mario Draghi confirme que la crise des dettes souveraines est « terminée, ce n’est plus d’actualité, on oublie… mais on a eu chaud » (comme l’avait affirmé M. Sarkozy la semaine passée).
L’Euro-Stoxx 50 a effectivement terminé la journée en hausse de 2,15%. Le CAC 40 s’est même envolé de 2,55%, ce qui efface en 48 heures près de 95% des pertes subies mardi : le cas de figure n’est pas si fréquent mais il y a tout de même un précédent.
Cela remonte à la période de 21 au 24 février 2011 : parti de 4 160 points, le CAC 40 avait chuté jusque vers 4 010 en quatre séances, avant de rebondir vers 4 125 en à peine 72 heures. La similitude ne s’arrête pas là puisque le CAC 40 venait de reprendre 16% en 11 semaines.
Cette fois-ci, le score s’établit à +18% mais le timing est exactement le même : la hausse avait démarré début décembre et s’était achevée le 18 février, soit un décalage de 15 jours par rapport à la version 2011/2012.
▪ Pourquoi un tel enthousiasme ?
La raison du rebond n’a pu vous échapper puisqu’elle fait les gros titres de tous les médias économiques. Il s’agit des rumeurs rassurantes qui circulent depuis 36 heures, contredisant les craintes d’un défaut désordonné de la Grèce qui avait soudain enflammé les esprits mardi.
Questionné jeudi après-midi au sujet du degré de succès de l’opération, Mario Draghi a déclaré que le marché semblait mieux informé que lui. Il manifestait également sa conviction que « tout va bien se passer » — sous-entendu « moi, Super Mario, j’ai fait tout ce que je pouvais pour qu’il en soit ainsi ».
Les marchés ont volontiers oublié ses prévisions plus que prudentes au sujet de la croissance en Europe, l’allusion à l’émergence d’un biais plus inflationniste et la confirmation que le taux directeur de la BCE est adéquat et ne serait pas abaissé sous le seuil des 1%.
S’agissant de la confiance retrouvée des investisseurs, un communiqué du gouvernement grec diffusé jeudi après-midi serait à l’origine de la dernière « poussée haussière » de la dernière heure. Ledit communiqué confirmait que 75% des créanciers privés auraient répondu favorablement à l’offre d’échange de dette concocté par la Troïka et le FMI.
C’est peut-être totalement faux — ce serait un joli coup de bluff — mais c’est de bonne guerre !
Le message implicite est le suivant : vous qui refusez d’apporter vos créances à l’échange, sachez que la partie est perdue, la Grèce ne fera pas défaut… donc joignez-vous avant qu’il ne soit trop tard à la cohorte des institutionnels qui participent à l’opération.
Il n’est pas certain, même au risque d’engager de lourds frais d’avocat, que les hedge funds vautours soient prêts à lâcher l’affaire et à inscrire une perte sèche de 20% ou 25%… Cela alors qu’ils détiennent parallèlement des CDS qu’une bidouille juridique permet de neutraliser.
Le taux de conversion de 90% était inatteignable — mais le marché redoutait une participation inférieure à 70%, ce qui aurait abouti au constat d’un défaut désordonné. Or les dernières rumeurs (invérifiables naturellement) faisaient état d’un taux de réponse positive de 75%.
▪ Quelqu’un vient troubler l’harmonie…
La question que le marché devrait se poser à la veille du week-end est la suivante : y aurait-il eu franchissement des 3 500 points à Paris — ou des 13 000 sur le Dow Jones — cette semaine si les investisseurs n’avaient jamais douté que l’opération de rollover de la Grèce se déroulerait aussi harmonieusement que la Neuvième symphonie de Beethoven (l’Hymne à la Joie devenu également celui de la communauté européenne) ?
A l’heure où j’écris ces lignes, le CAC 40 n’a plus qu’un minuscule effort de 0,65% à accomplir pour aligner une… douzième semaine positive.
Et il manque 1% à l’Euro-Stoxx 50 et au Nasdaq pour en faire autant… mais n’allez pas croire que tous les places occidentales sont à l’unisson !
S’il y a bien un indice qui ne partage pas l’optimisme béat des marchés en un avenir radieux cette année, c’est bien l’IBEX. Il affiche encore 3% de repli annuel, malgré un rebond de 1,7% ce 8 mars. Le DAX 30 enregistre symétriquement +16% cette année, soit un écart de performance qui flirte avec les 20%.
Mais alors que l’attention des opérateurs reste polarisée sur l’effacement d’un tiers de la dette grecque, personne ne semble se préoccuper de l’inquiétant signal que la Bourse de Madrid adresse à la communauté financière. Alors que les places européennes avaient repris 0,6% la veille, l’IBEX s’était effrité de 0,1% qui venaient s’ajouter aux 3,4% perdus mardi.
Madrid n’a donc pas encore repris la moitié du terrain perdu alors que le CAC 40 tutoie de nouveau ses sommets annuels. L’IBEX a bien enfoncé le 6 mars — puis confirmé le 7 — son plancher annuel des 8 280 points (des 6 et 9 janvier) en inscrivant deux clôtures à proximité des 8 160 points.
L’indice n’a pas davantage préservé le plancher des 8 180/8 200 points des 14, 15 et 16 décembre 2011. Si Madrid avait plus ou moins accompagné le rebond de l’Euro-Stoxx 50, le palier de résistance des 3 500 points (MM100 et ex-support du 18 janvier au 5 mars) aurait dû être retracé.
Il apparaît assez probable que l’IBEX s’en aille refermer le gap des 7 778 points du 25 novembre. Il ne serait alors plus très loin de re-tester le plancher des 7 640 points des 12 septembre et 25 novembre derniers. Il ne s’agit pas d’une prévision « fin-du-mondiste » : en effet, un an auparavant, c’est la Bourse d’Athènes qui se comportait exactement de la même façon et qui faisait cavalier seul à la baisse… Vous connaissez la suite !