Si l’économie peut s’ajuster sans intervention, les politiques monétaires qui seront appliquées risquent d’amplifier le mouvement, causant encore plus d’inflation…
Hier, nous avons vu que la réponse à la grande crise financière (GCF) de 2008 nécessitait une redécouverte du keynésianisme, et que l’après-pandémie pourrait en revanche apporter une appréciation renouvelée du monétarisme.
En effet, que se passe-t-il lorsqu’il y a un bond brutal et spectaculaire de la masse monétaire ?
Réponse : une amélioration de la valeur, de la situation nette des ménages dans leur ensemble. Comme Tobin l’a expliqué il y a un demi-siècle : « Si l’économie et la masse monétaire ne s’ajustent pas, c’est l’économie qui doit s’ajuster. »
Mais que se passe-t-il ensuite ? Il est utile de dissiper d’abord le mythe selon lequel l’épargne pandémique sera « dépensée ». Cela peut être vrai pour l’individu ou le ménage, mais, pour l’ensemble de la communauté, au niveau macroéconomique, cette épargne (à moins, par exemple, qu’elle soit utilisée pour rembourser l’encours de crédit bancaire dans son ensemble) restera en circulation. Elle sera uniquement transmise d’un individu à un autre.
Où ira la monnaie épargnée durant la pandémie ?
Tout ce qui est émis doit toujours être détenu, c’est vrai pour la monnaie comme pour les titres. Je vous le répète souvent pour vous faire comprendre l’imbécillité de ceux qui disent qu’il y a de l’argent en attente : tous les titres émis doivent être détenus par quelqu’un, et toute la monnaie émise aussi.
C’est-à-dire que, lorsque certaines banques centrales parlent d’épargne « dépensée » une fois la pandémie terminée, ce qu’elles veulent dire en réalité est : l’acte d’épargner durant la pandémie se passera entre les acteurs du secteur privé.
Cela ne veut par contre pas dire que l’augmentation de la masse monétaire s’inversera à cause des dépenses. L’argent créé va tourner. Cependant, ce stock accru soutiendra un plus grand volume et une plus grande variété de flux économiques sous-jacents.
Des flux qui peuvent avoir un impact sur les prix…
Puis, au fur et à mesure que ces dépenses sont déclenchées, le prix des biens et services actuellement produits, ainsi que les prix des actifs, s’ajusteront à la hausse pour refléter cette nouvelle masse monétaire gonflée. C’est ce qui est en train d’arriver : tout augmente, les prix des maisons, des tableaux, des actions, de la nourriture, des matières premières, des cryptos, etc.
La pression supplémentaire sur les prix, créée par « l’épargne pandémique » est une disproportion temporaire. Elle ne trouvera qu’une expression partielle dans les biens de consommation et, plus probablement, ce seront les biens en capital qui feront « s’équilibrer » les soldes monétaires.
L’ajustement de l’économie à une augmentation ponctuelle de la masse monétaire est nécessaire et obligatoire, mais elle n’est pas permanente.
En d’autres termes, puisqu’il s’agit de monnaie exogène, l’économie devra s’adapter à des bilans des ménages plus solides. La hausse des prix, à la fois ceux des actifs (la Bourse) et ceux des biens et service (le CPI), est le processus par lequel se rétablit la relation antérieure entre le secteur monétaire et le secteur économique. Cependant, une fois que ce sera fait, il n’y aura plus de mécanisme pour entretenir la hausse.
C’est une sorte d’ajustement qui déflate l’excès de la masse monétaire injecté dans le système, pour au final laisser les avoirs en monnaie réelle inchangés.
On peut imaginer que les prix des actifs (prix des logements, voitures d’occasion, cryptos, etc.) bondissent également pour dégonfler l’augmentation du stock nominal de monnaie. La déflation de la masse monétaire – inflatée brutalement en mars 2020 – peut se faire soit par les prix des biens de consommation soit par les prix des actifs, ce que nous observons maintenant.
Une nouvelle erreur de politique monétaire
Avec cela, le décor est planté pour une erreur de politique monétaire post-pandémique, tout comme l’après-GFC a révélé des échecs de politique budgétaire.
L’erreur cette fois pourrait être de ne pas reconnaître que l’ajustement à une masse monétaire plus élevée est une nécessité certes, mais une nécessité temporaire. Ce pourrait être de ne pas penser que les choses retourneront à la situation antérieure d’avant la pandémie.
Il n’y a aucune raison d’anticiper un changement permanent du taux de croissance de la masse monétaire. Cela nécessiterait un changement fondamental dans la disposition des intermédiaires financiers monétaires et non monétaires. Bien que cela puisse se produire, rien n’indique que ce sera le cas, et il n’y a aucune présomption que cela se produira dans le cadre des arrangements institutionnels existants.
En fait, l’inflation était jusqu’à présent sur une trajectoire descendante séculaire, probablement pour des raisons totalement inconnues des décideurs. A ce stade, il n’y a rien qui prouve que la situation a changé… Mais ce n’est pas pour cela qu’elle ne changera pas !
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