▪ Soft ou hard landing ? Corrélation ou décorrélation ? Lutte contre l’inflation ou relance ?
Tel est le débat qui a opposé les experts dès septembre à propos de la Chine. Avec l’accélération de la crise de la dette européenne, les risques de contagion vers nos partenaires commerciaux sont devenus de plus en plus prégnants.
Les Etats-Unis ont longtemps lévité, avant que le S&P 500 ne commence à décrocher en novembre. Et encore, le S&P 500 n’accuse qu’une modeste perte de 3% depuis le 1er août.
▪ Qu’en est-il de la Chine ?
Seul moteur réellement en marche dans l’économie mondiale, un arrêt brusque de son économie nous ferait basculer dans le grand bain de la récession. Pour l’instant, la Chine semble être tiraillée elle-même sur l’ampleur de la crise et la réponse à y apporter.
Pourtant, que la crise soit forte ou modérée, Pékin n’aura pas le choix. Le parti communiste chinois (PCC) ne laissera jamais la croissance du pays plonger. C’est une question de survie politique. Il faut donc s’attendre à un plus grand activisme de la Banque centrale en 2012.
▪ La politique chinoise façonnera votre portefeuille en 2012
Traiter de la Chine pour parler des matières premières est devenu un exercice obligé, tant Pékin règne en maître sur les matières premières. Si la Chine a fait décoller les prix des denrées agricoles depuis 10 ans, Pékin règne également en maître sur le secteur des métaux. Car rappelez-vous, la Chine, c’est 40% du cuivre, du zinc, du plomb…
Ainsi, tout signe de ralentissement ou de rebond de l’activité chinoise aura un impact immédiat sur les matières et les producteurs/transformateurs de matières. Cette idée doit vous guider dans la gestion de votre portefeuille en 2012. Or quelles sont les prévisions pour la Chine en 2012 ?
▪ Hard landing, quel hard landing ?
C’est le débat qui glace tout le monde. Pékin va-t-il se crasher ? En octobre, l’abaissement des prévisions de croissance pour 2011, passant de 9,3 à 9,1%, a déclenché une vague d’interrogations sur la solidité de la Chine.
En novembre, est venu s’ajouter le passage en dessous des 50 points de l’indice PMI d’HSBC. Ce passage en dessous des 50 points indique que l’industrie chinoise recule. Désormais, le doute n’est plus permis : la Chine ralentit.
Mais au-delà de la baisse de l’activité industrielle chinoise, ce sont ses répercutions sur le système financier chinois qui ont inquiété. Avec plus de 10 700 milliards de yuans de dettes (1 660 milliards de dollars), certaines banques locales ont été fragilisées par le ralentissement. Des villes comme Wenzhou ont notamment concentré l’inquiétude, alors que des risques de faillite de banques locales sont apparus. Pourtant, l’importance de ces dettes doit être relativisée.
▪ La dette publique reste cependant limitée
D’abord, la dette publique totale, Etat et régions, représente moins de 50% du PIB. D’autre part, il est probable que l’Etat autorise bientôt les régions à davantage emprunter dans les mois à venir, ce qui leur permettra de réduire la pression de la dette.
Enfin, la Chine vit actuellement le début d’une crise de liquidité, pas de solvabilité. La Chine, à l’inverse de l’Europe, n’a pas de problèmes de croissance. Si le gouvernement chinois a montré des signes d’agacement et d’inquiétude devant la contagion européenne, c’est qu’au fond, le ralentissement de l’activité intervient au plus mauvais moment pour Pékin.
▪ Une transition économique…
Hu Jintao et Wen Jiabao, respectivement président et Premier ministre chinois, ont abordé cette année avec l’ambition de faire évoluer le modèle économique chinois. Encore sous le choc du ralentissement violent de 2008, le binôme aux commandes voulait réorienter la croissance chinoise vers la consommation intérieure pour réduire l’exposition à la conjoncture internationale.
Ralentissement du secteur immobilier, réduction des inégalités, tout devait converger vers un accroissement de la consommation. D’ailleurs, depuis 2007, la contribution du commerce extérieur à la croissance du PIB était en baisse. L’excédent commercial chinois est passé de 8,8% du PIB en 2007 à 3,9% en 2010.
▪ … contestée…
La politique du binôme était concentrée notamment sur un point : la lutte contre l’inflation. Depuis le début d’année, Pékin a essayé de contrôler l’inflation, stimulée notamment par son immense plan de relance de 2009. Pour rappel, il s’agissait d’un plan de relance de 4 000 milliards de yuans (586 milliards de dollars).
Mais en réussissant à contenir l’inflation, passée de 6,5% en juillet à 5,5% en novembre, Pékin a également provoqué des craintes sur la croissance. La chute de l’indice composite de Shanghai de 23% depuis avril le prouve.
Puis le grand décrochage des indices européens pendant l’été est venu exacerber ces inquiétudes. Car croissance rime avec stabilité politique à Pékin. C’est alors que les choses ont commencé à se gâter… et que les dirigeants chinois ont commencé à mener entre eux une guerre d’influence, entre faucons et colombes.
▪ Guerre d’influence, entre faucons et colombes
De nouvelles voix se sont fait entendre dans les médias. Ce fut le cas notamment de la Banque centrale. Au son de la croissance avant tout, les faucons de la croissance sont venus tirer la sonnette d’alarme.
Ca a notamment été le cas de Wang Qishan, vice-Premier ministre chargé de la supervision du système financier. Celui-ci s’alarmait mi-novembre de la situation internationale, expliquant s’attendre à une récession de long terme. Cette lutte à mots couverts a fini par cesser… avec la consécration de la Banque centrale la semaine dernière.
▪ La relance : Acte I
La Banque centrale chinoise a annoncé l’abaissement de 0,5% des réserves obligatoires des banques. Or un abaissement de seulement 1% des réserves obligatoires correspondrait selon certains analystes à la libération de 770 milliards de yuans. Avec la hausse des dépôts qui s’en suivront, les capacités potentielles de prêts de banques pourraient s’approcher des 4 000 milliards de yuans, soit un montant proche des volumes du plan de relance de 2009.
Cette priorité donnée à la croissance, cumulée à un arrêt probable de la revalorisation du yuan, va dans le sens d’une priorité donnée aux investissements. D’ailleurs, cette stratégie devrait être encouragée par la nouvelle équipe dirigeante, davantage libérale. Appelée à prendre les rênes de l’Etat en 2012, la politique continuera de privilégier une croissance forte.
▪ Mon conseil pour 2012
Si la montée en puissance de la consommation intérieure chinoise est inéluctable à long terme, la politique chinoise pour les mois à venir va favoriser l’investissement. Ainsi les matières premières seront favorisées. Les premiers signes de reprise pendant l’année 2012 vous donneront le signal pour vous positionner.
Première parution dans l’Edito Matières Premières & Devises du 01/12/2011.