▪ « Je m’arrête juste un instant pour vérifier que le moteur n’a pas pris feu », m’a déclaré Brad en se garant sur le bas-côté.
Mon ami Brad Farquhar est cofondateur et vice-président d’Assiniboia Capital, une société qui investit dans les terres arables. Nous roulions à travers une exploitation de colza, à quelques kilomètres de la ville de Regina, dans la Saskatchewan. Apparemment, le produit de la récolte de colza peut être aspiré par le moteur de la voiture et provoquer un incendie.
Inquiets à propos d’une odeur de brûlé, nous sommes sortis de la voiture pour vérifier. Heureusement, tout allait bien.
Lorsque je suis arrivée en Saskatchewan, les prairies étaient couvertes des fleurs jaunes du colza. Du jaune à perte de vue sous un ciel bleu d’azur. Les prix du colza sont élevés. « Cela devrait se traduire par un rendement net aux investisseurs d’environ 20% à 25% pour cette année », m’a affirmé Brad. « Nous ne connaîtrons pas les chiffres finaux jusqu’à ce que la production soit entièrement récoltée et expédiée, mais environ 80% des variables sont à présent connues. Les résultats pourraient même être un peu supérieurs à ce qu’on attend car ces données se combinent avec quelques champs apparemment à fort rendement ».
L’année dernière a été difficile, une sorte de scénario catastrophe. Des pluies excessives ont détrempé les prairies. Cela a mis à l’épreuve le business model d’Assiniboia, dont l’objectif est de maintenir les risques faibles en utilisant les assurances sur les récoltes pour couvrir les chutes des cours. La société est cependant rentrée dans ses fonds, un exploit dans ces conditions. Dans le meilleur des scénarios, la société pourrait doubler son investissement en une saison. Pas mal !
▪ J’aime ce genre d’investissement, et pas seulement pour ce qu’ils rapportent. Quoi qu’il arrive en Europe ou sur les marchés de la dette, l’utilité intrinsèque des terres arables et des cultures vivrières semble offrir un abri relativement sûr — avec une bonne possibilité de gagner beaucoup d’argent par la même occasion.
Toutefois, il existe une autre raison pour favoriser de tels actifs : l’ERPEI, ce qui signifie « énergie rendue par énergie investie ». Cet acronyme exprime l’idée qu’il faut de l’énergie pour créer de l’énergie.
Chez Agcapita, Stephen Johnston a lui aussi le même type d’activité. Je le connais bien et sa lettre mensuelle gratuite est très intéressante. Dans sa lettre de septembre, Stephen parle du délabrement de l’ERPEI.
« J’en suis certain : l’ERPEI est un acronyme sur lequel on se penchera plus fréquemment au cours des 10 prochaines années », écrit-il. « Pourquoi ? Parce que nous sommes dans un processus de transition : nous passons de sources d’énergie hydrocarbure à ERPEI élevées à des sources à ERPEI faibles — pensez à l’Arabie Saoudite avec les sables bitumeux de l’Alberta ».
Stephen souligne que, de plus en plus, notre énergie provient de sources qui nécessitent plus d’énergie pour l’extraction. Pour preuve, voici quelques ratios ERPEI approximatifs pour diverses sources d’énergie :
Découvertes de gisements de gaz et de pétrole, dans les années 1970 : 30 à 1
Découvertes de gisements de gaz et de pétrole conventionnels, actuellement : 20 à 1
Sables bitumeux : 5 à 1
Nucléaire : 4 à 1
Photovoltaïque : 4 à 1
Bio carburant : 2 à 1.
Actuellement, le monde produit environ 86 millions de barils de pétrole par jour. Mais 86 millions à partir de sources ERPEI élevées, c’est très différent de 86 millions en provenance de sources moins efficientes. « En effet », continue Stephen, « l’énergie nette qui reste pour conduire la croissance économique est beaucoup plus faible dans le dernier scénario ».
Pourquoi est-ce important ? Grosso modo, une combinaison de sources ERPEI plus faibles signifie des prix plus élevés pour beaucoup de matières premières parce qu’il faut plus d’énergie pour les produire. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que les producteurs de matières premières en sortent gagnants, parce que les gens peuvent ajuster leur comportement.
Par exemple, lorsque le prix de l’essence devient trop élevé, on prend moins sa voiture et on trouve un moyen d’économiser l’essence. Les économistes appellent cela « l’élasticité de la demande ». Cela signifie que la demande peut se contracter comme se détendre, comme un élastique, limitant ainsi la hausse des prix.
Mais toutes les matières premières ne sont aussi pas aussi facilement élastiques. La nourriture par exemple. L’ERPEI prévoit une hausse des prix alimentaires, parce que l’agriculture moderne dépend fortement des combustibles fossiles pour ce qui concerne l’irrigation, les engrais, les herbicides, le stockage et le transport.
Stephen donne des exemples. Le plus frappant est celui concernant l’irrigation. « L’irrigation représente environ 20% des besoins énergétiques des exploitations agricoles américaines », écrit-il. Dans des régions où l’eau est rare, comme l’Inde, plus de la moitié de la consommation énergétique dans les exploitations agricoles est utilisée pour faire fonctionner les pompes d’irrigation.
Par conséquent, dans un monde où l’ERPEI est en déclin, ces actifs avec une intensité énergétique plus faible offriront un avantage par rapport à des concurrents moins efficients. Les plaines arables canadiennes, qui ne nécessitent pas d’irrigation et ont des besoins faibles en engrais, pourraient-elles se développer dans un tel monde ?
Je le pense. C’est une des raisons pour lesquelles j’incite les lecteurs de ma lettre Mayer’s Special Situations à investir en Saskatchewan. La plupart de mes notes sur cette province se trouvent dans cette lettre parce que nous possédons deux entreprises basées là-bas.
L’un d’entre elles s’appelle Viterra. C’est l’une de mes entreprises agroalimentaires long terme préférées. Viterra s’occupe des céréales : elle les achemine de l’exploitation agricole jusqu’aux marchés dans le monde entier et elle les stocke dans un réseau de silos et de hangars.
L’entreprise vend également des graines, des engrais et des équipements pour les agriculteurs. Elle transforme les matières premières en nourriture pour animaux et ingrédients alimentaires. L’action est inférieure à mon prix d’achat, à 11 $ canadiens, et s’échange à environ 12 fois les bénéfices.
Le siège de Viterra se trouve à Regina. En fait, son principal immeuble ne se situait qu’à quelques pâtés de maison de mon hôtel. Mais l’entreprise bénéficie d’une présence mondiale grâce à ses centres d’échanges commerciaux, ses terminaux et ses entreprises de transformation en Asie, en Australie et en Europe.
Viterra joue un rôle majeur pour les récoltes abondantes de la Saskatchewan, et c’est ce qui me plaît. Les malheurs récents du marché ont mis l’action à la vente.