▪ Quand une place financière ne remonte que grâce aux titres de sociétés au fond du gouffre, c’est mauvais signe. Lorsque les entreprises en question sont maintenues sous respiration artificielle par des fonds publics, la situation est pire encore.
Voilà ce qui s’est passé en 2009 : le rebond boursier, arrivé comme le messie, est largement dû à l’échange de titres financiers sauvés par Washington. Sans ces phénix (phoenix en anglais) qui ont du plomb dans l’aile, les volumes d’échanges auraient même reculé. Qui a dit que le rebond était viable ? Certainement pas moi.
▪ Marché haussier ou simple "rebond du chat mort" ?
Un marché haussier, c’est aussi et surtout une augmentation des volumes échangés. Normalement, une fois que les ventes ont été effectuées et que la baisse est arrivée à son terme, le nombre et l’importance des transactions bondissent littéralement, pendant au moins six mois. Ce qui se traduit historiquement par des gains de 20% à 25% durant ces six premiers mois. C’est ce qui distingue un marché haussier d’un "rebond du chat mort" dans un marché qui demeure orienté à la baisse.
Ce qui s’est passé l’an dernier sort véritablement de l’ordinaire ; et pas que pour des bonnes raisons, je vous avertis tout de suite. Premier point, la reprise a été extrêmement forte. Plus de 50% sur le S&P 500 entre mars (le point le plus bas) et septembre (six mois plus tard). Bien davantage que toute reprise depuis 1940 ! De quoi me plains-je alors, me direz-vous ? Des volumes de transactions, qui se sont contractés de manière continue de mars jusqu’à la fin de l’été, ce qui constitue notre second sujet d’étude.
▪ Tous les volumes ne sont pas bons à considérer…
Une reprise sans volume : pas bon, ça. Mais les plus perspicaces d’entre vous me feront remarquer — et ils auront raison — que les volumes se sont nettement repris au cours du mois de septembre sur le S&P 500. Certains en déduiront même que je me plains encore sans raison — et ils auront tort, à mon sens. Car la remontée des échanges repose sur une poignée de titres, comme le relève William Hester, analyste auprès des fonds de placement Hussman. Et des titres bien connus de nos services :Fannie Mae, Freddie Mac, Citigroup, AIG et Bank of America, pour ne citer que les plus illustres —ainsi que les plus pourris, mais je ne souhaite pas gâcher l’ambiance…
Pas exactement le profil type de l’entreprise cotée au meilleur de sa forme. Dans l’ordre, ces cinq-là ont essuyé des pertes 2009 de :
– 74 milliards de dollars pour Fannie Mae ;
– 22 milliards pour Freddie Mac — une embellie en comparaison des 50 milliards envolés en 2008 ;
– 2 milliards pour Citigroup — presque à l’équilibre, après une minuscule perte de 18 milliards en 2008 ;
– 11 milliards pour AIG — neuf fois moins que les 99 milliards de 2008. Ont-ils tenté d’entrer dans le livre Guinness des records ?
– et 2 milliards pour BoA.
Bref, c’est la pleine forme, puisque ces sociétés ne perdent plus que des milliards, voire des dizaines de milliards au lieu de centaines de milliards. Auparavant inondé de cafards au point d’en avoir jusqu’aux genoux, vous constatez désormais avec satisfaction que la marée de blattes qui infestent votre cuisine et votre salle de bains s’arrête à la cheville.
▪ … surtout quand ils concernent des valeurs en toc
Au-delà des chiffres, qu’est-ce qui unit cette belle brochette de vainqueurs ? Ce sont des titres financiers qui, dans une économie de marché libre, seraient morts et enterrés. Tel le professeur Frankenstein, le gouvernement américain a fait passer un courant de plus de vingt mille milliards de volts, pardon de dollars, pour faire bouger ces cadavres. Comme en cours de biologie, quand nous devions administrer des chocs électriques à une grenouille morte pour constater que cela fait bouger ses membres, vous vous souvenez ?
Depuis, les médias appellent ces zombies de la Bourse des phénix — comme cela semble approprié ! En mythologie en effet, le phénix, sentant sa fin venir, construisait un nid d’encens, y mettait le feu, s’y consumait avant de renaître des cendres de ce bûcher. Or, qu’a fait le patronat de ces entreprises, si ce n’est de couler leurs entreprises après avoir pompé tous les salaires, bonus et parachutes dorés, tout en encensant les foules pour qu’elles fassent l’acquisition des titres dont les initiés étaient vendeurs ?
C’est noté, merci.
Nous retrouvons ces capitaines de l’industrie Titanic à la tête de nouveaux vaisseaux : Stanley O’Neal, après avoir laissé mourir Merrill Lynch pendant qu’il améliorait son handicap au golf, a ressuscité tel l’oiseau flamboyant en devenant administrateur d’Alcoa — je n’aimerais pas être actionnaire d’Alcoa en ce moment.
L’atmosphère de casino qui sévit sur les marchés explique peut-être pourquoi les investisseurs achètent et revendent quinze fois plus d’AIG en septembre qu’un an auparavant, ou douze fois plus de Citigroup. Ces titres ont donc pris un poids plus important dans le volume total du marché, jusqu’à près de 20% en septembre. Un dollar échangé sur cinq concernait donc ces ectoplasmes, ça donne une idée de la qualité de la reprise ! D’autant plus que si on met ces emplâtres de côté, les volumes ont même reculé en 2009…
Et que se passera-t-il quand Washington arrêtera de soutenir ces phénix de pacotille, par dépit ou absence de moyens ? Les volumes d’échanges des titres concernés s’envoleront probablement à nouveau. Mais à la vente uniquement. Une dernière fois. Une sorte de chant du cygne pour phénix en toc. Vous je ne sais pas, mais moi, cela ne me donne pas envie d’être exposé aux caprices du marché. En tout cas, pas sur ces titres.
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