Les marchés battent de nouveaux records, alors même que la situation économique réelle ne s’améliore pas particulièrement.
Le mois de juillet s’achève ce lundi, un peu en roue libre, avec un CAC 40 inchangé… mais quel mois de juillet !
Le S&P 500 et le Dow Jones engrangent conjointement 3% et le Nasdaq 4%, mais les scores sont très secondaires en regard du « comportement du marché ».
En pratique, depuis le 7 juillet dernier, les indices américains ont enchainé trois semaines de hausse. Cela reste évidemment banal, même si cette progression somnambulique détonne face au septième mois de repli consécutif des indicateurs avancés du Conference Board. Mais, ce qui l’est moins, c’est que le Dow Jones vient d’aligner 14 séances de hausse sur 15, dont une série de 13 gains consécutifs : c’est la plus longue depuis début 1987. Il ne manquait que celle de jeudi dernier, pour en faire un quatorzième gain, ce qui aurait été la première occurrence depuis juin 1897 (soit environ cinq générations d’investisseurs).
L’autre record qui laisse les analystes perplexes ne relève ni de la performance algébrique (avec une hausse de 44%, le Nasdaq 100 réalise son meilleur score en 144 séances depuis 1997), ni du caractère inexorable du rally haussier en cours (le S&P 500 aligne 9 semaines de hausse sur 11). Et ce n’est pas non plus le fait que le S&P 500, remonté au-delà des 4 600 points, revienne à 4% de son record absolu de début janvier 2022.
Une bonne raison de monter
Non, le cas de figure qui déjoue toutes les théories ainsi que tout ce qui a pu être observé en 126 ans de Bourse, c’est que le S&P 500 se retrouve 5% au-delà de ses niveaux d’avant la première des onze hausses de taux de la Fed. Et qui plus est, la vague de hausses la plus brutale jamais mise en œuvre depuis 1980, avec 550 points de base supplémentaires, pour revenir à un niveau de taux directeur plus vu depuis janvier 2001.
Un scénario surréaliste que les « ravis de la crèche » expliquent par un optimisme inoxydable du marché. Oui, les profits reculent… mais ça aurait pu être pire. Oui, il y a un ralentissement côté consommation… mais pas suffisant pour entraîner une récession. Et les taux vont bien finir par rebaisser, même s’il faut attendre le premier trimestre 2024.
Après tout, si les indices boursiers ont « tenu » jusqu’ici, malgré un objectif de loyer de l’argent largement dépassé depuis le mois de juin, ce ne sont pas quelques mois de plus à ce niveau qui vont faire dérailler le funiculaire haussier !
D’ailleurs, les statistiques sont formelles : dans 80% des cas depuis 1929, une année qui démarre par un rally de plus de 10% au premier semestre se termine par une hausse de 5% en moyenne au second.
En fait, chaque jour et chaque semaine qui passe voit ceux qui profitent de la hausse sans rien faire – ni anticiper quoi que ce soit – rajouter une couche de vernis rationalisant. Ou bien ils invoquent un ancien cas de figure similaire, mais totalement hors contexte, pour justifier ce qui défie l’imagination.
Pas de risque selon le VIX
Le moteur de ce rally sans précédent réside de façon très terre à terre dans le renforcement de l’exposition des gérants au risque (gestions investies à 101,4%), grâce à une détente totalement contre-intuitive du VIX (vers 13,3 ce 31 juillet, au plus bas depuis janvier 2020), et ce malgré une raréfaction historique de la liquidité, étant donné que la Fed poursuit son programme de réduction de 95 Mds$ par mois.
Les investisseurs qui avaient déserté le compartiment actions fin septembre 2022, dissuadés par de nombreuses hausses de taux à venir (rétrospectivement, 200 points de base), ont été systématiquement pris à contrepied par une hausse des indices qui a totalement démenti les anticipations de baisse des titres financiers du fait de la chute de la « prime de risque », le monétaire (les obligations d’Etat à court terme) rapportant désormais deux fois plus que les dividendes versés.
C’est un cas de figure sans précédent au XXIème siècle, et même depuis la fin des années 1980.
Le rôle du VIX, qui mesure l’évolution du rapport entre les options d’achat et de vente, a peut-être joué un rôle central, en reflétant une baisse – peut-être totalement artificielle – du « risque » perçu par Wall Street. Alors qu’il baisse, la récession future, le surendettement, la fragilité des banques régionales, la hausse des défauts sur tous types de dettes… tous ces risques pourtant bien réels semblent miraculeusement absents de l’horizon des investisseurs.
Seul compte à leurs yeux la contraction de l’inflation, la bonne tenue de la consommation et une confiance des ménages qui constitue un reflet inversé des prix des carburants, facteur décisif durant la « driving season » estivale.
En France, l’inflation s’avérer caniculaire dès ce mois d’août, avec la hausse de 10% de la facture d’électricité programmée pour demain. Rien ne va s’arranger en septembre avec la remontée du prix des carburants (une hausse de 18% du pétrole en juillet répercutée avec un petit temps de retard).
Pour sa part, Michel Edouard Leclerc écarte le scénario d’un « septembre vert » sur l’alimentaire, contrairement à ce que promettait Bruno Lemaire… qui risque une fois de plus de s’imposer comme la boussole qui indique le Sud.
En résumé, la Bourse est au plus haut… mais les taux et les prix en France le sont aussi !