Bitcoin est un cas à part dans l’univers des cryptomonnaies… et les investisseurs cryptos l’oublient à leurs risques et périls.
Enfants, nous apprenons tous que l’argent ne pousse pas sur les arbres. En tant que société, cependant, nous nous sommes habitués à penser que ceci est non seulement possible mais même que c’est une fonction normale, nécessaire, et productive de notre économie.
Avant Bitcoin, ce privilège était réservé aux banques centrales du monde.
Après Bitcoin, on a l’impression que chaque personne lambda croit pouvoir créer sa propre monnaie elle aussi. C’est même là l’audace, de fait, de chaque personne qui tente de créer une autre version de Bitcoin. Que ce soit en par le biais d’un hard fork du consensus (ex : Bitcoin Cash), ou en créant une copie (ex : Litecoin), ou en créant un nouveau protocole avec des aspects « meilleurs » (ex : Ethereum), chacune de ces tentatives cherche à créer une nouvelle forme de monnaie.
Si Bitcoin a pu le faire, pourquoi pas nous ?
Nous sommes en 2019, et nous voyons l’événement de la mise en circulation d’un bien économique (le bitcoin) sur le marché, pour la première fois depuis des milliers d’années (depuis la mise en circulation de l’or).
Au lieu de contempler le poids de cette réalité, ou de tenter de comprendre comment et pourquoi c’est possible, beaucoup de gens passent complètement à côté et se concentrent sur une autre monnaie dérivée, ou sur des solutions à des problèmes qui n’existent même pas de toute manière.
Tout le monde a envie de devenir riche rapidement. Et tant qu’il y a aura de l’argent, il y aura aussi des alchimistes. Ceux qui tentent de créer une autre version de Bitcoin sont les alchimistes de notre époque.
Ils nous disent que le bitcoin est trop lent, alors ils créent une version plus « rapide ». Ou encore, ils nous disent que le bitcoin n’a pas la capacité de gérer le nombre de transaction requis par l’économie mondiale, alors ils créent une version avec une échelle « plus grande ». Ensuite, ils nous affirment que le bitcoin est trop volatil pour pouvoir servir de monnaie, alors ils créent une version « plus stable ». Et ainsi de suite.
Ils nous disent aussi que le bitcoin est trop rigide, et qu’il faut que ce soit plus programmable, donc ils créent une version « plus flexible ». Ils nous disent même souvent que leurs créations ne sont pas des monnaies, mais, à la place, un véhicule pour « les paiements », ou « un outil », ou encore « un ordinateur mondial alimenté au gaz [de sa propre monnaie] ».
Ils veulent aussi nous convaincre qu’il est possible d’avoir des centaines, voire des milliers, de monnaies dans le monde. Détrompez-vous. Chacun de ces projets est une tentative de créer de l’argent.
La valeur du Bitcoin
Si l’intérêt primaire (ou même unique) d’un actif, c’est de servir de moyen d’échange pour d’autres biens et services, et s’il ne donne pas droit à une source de revenus issue d’un actif productif (telle qu’une action ou une obligation), alors il doit battre les autres formes de monnaies. Il ne servira à conserver de la valeur que s’il possède des qualités monétaires crédibles.
Quand le code de base du Bitcoin a été lancé, ce n’était pas de la monnaie. Même à ce jour, le code du Bitcoin n’est pas une monnaie.
Vous pouvez en effet copier ce code, créer une variante avec de nouvelles propriétés, mais aucune personne ne l’adoptera en tant que Bitcoin.
Le bitcoin est devenu monnaie sur la durée car le réseau Bitcoin a développé des propriétés émergentes qui n’existaient pas dès la création du bitcoin, et qui sont quasiment impossibles à recréer, maintenant qu’elles existent pour le bitcoin.
Ces propriétés ont émergé de manière organique et spontanée, car des acteurs économiques individuels partout autour du monde ont évalué le bitcoin et ont décidé d’y stocker une partie de leur richesse.
En même temps que la valeur du bitcoin grimpait et qu’il se décentralisait, il est devenu de plus en plus difficile de changer les règles de consensus du réseau, ou d’invalider, voire prévenir, des transactions jugées valides (une propriété qu’on nomme résistance à la censure).
Les systèmes monétaires tendent vers l’unité
Toutes les autres formes de monnaies fiduciaires, de monnaies physiques ou de crypto-monnaies sont en compétition pour la même niche que le Bitcoin, qu’ils le comprennent ou non. Or, les systèmes monétaires tendent vers l’unité, car leur utilité vient de leur liquidité et non de leur demande pour la consommation ou la production.
Il serait irrationnel de se servir d’un système monétaire plus petit, moins liquide et moins sûr, alors qu’il existe des systèmes plus gros, liquides et sécurisés, qu’on peut utiliser à la place pour conserver sa richesse.
Appliquez un test classique. Disons que vous travaillez deux semaines et que votre employeur propose de vous payer soit dans une forme de monnaie acceptée par un milliard de personnes partout dans le monde, soit dans une forme de monnaie acceptée par un million de personnes : laquelle des deux accepteriez-vous ?
La réalité pratique, c’est que la plupart des individus stockent leur richesse dans une seule forme de monnaie, non car il n’en existe pas d’autres mais plutôt car la forme choisie est la forme la plus liquide dans leur contexte économique.
N’importe quel habitant du Venezuela ou d’Argentine opterait pour un système en dollars s’il le pouvait. A l’inverse, n’importe quelle personne qui se place dans une copie de Bitcoin est en train de prendre la décision irrationnelle de se placer volontairement sur un réseau monétaire moins liquide, et moins sécurisé.
Pourquoi l’on ne peut pas copier le bitcoin
Beaucoup de gens qui créent des monnaies numériques refusent d’admettre que leur création doit devenir une monnaie afin de réussir ; d’autres perdent de vue le fait que les systèmes monétaires tendent vers l’unité.
Aucun d’entre eux n’a d’explication justifiant que leur monnaie numérique de choix va devenir plus décentralisée, plus résistante à la censure, ou aura plus de liquidité que le bitcoin.
Le bitcoin a de la valeur non parce qu’il possède une caractéristique particulière, mais parce qu’il a réussi à recréer une limitation physique dans un format numérique.
Cette finitude de Bitcoin est crédible car le réseau est décentralisé et résistant à la censure, ce qui a en fait assez peu à voir avec le code de base.
Dans l’ensemble, cela stimule l’adoption en tant que monnaie et la liquidité, ce qui renforce la valeur du réseau Bitcoin.
C’est fondamentalement pour cette raison que les propriétés émergentes du Bitcoin sont presque impossibles à répliquer. Et c’est pourquoi l’on ne peut pas reproduire le bitcoin. Le renforcement du réseau Bitcoin se fait aux dépens des autres réseaux moins utilisés.
Avant de spéculer, essayez de comprendre pourquoi le bitcoin fonctionne en tant que monnaie, et pourquoi il est unique.
Quand l’on vous dit, inévitablement, qu’il existe une meilleure forme de Bitcoin, avec des caractéristiques différenciées, rappelez-vous que le marché, qui a dans l’ensemble fait le tri en permanence depuis une décennie, a choisi le Bitcoin par-dessus le reste des choix possibles.
Le pouvoir de la minorité
Nassim Taleb écrit sur la capacité d’une petite minorité intransigeante à obliger la majorité à adopter ses préférences – ce qu’il appelle le règne de la minorité, selon lequel « c’est la minorité intolérante qui gagne toujours ».
Bitcoin et les systèmes monétaires en sont l’exemple parfait. Si une petite minorité de gens se bloque sur la croyance que le bitcoin possède des caractéristiques monétaires supérieures et n’accepte pas les autres formes de monnaie numérique (ou traditionnelle), alors qu’il existe des participants moins convaincus qui sont prêts à accepter les différentes formes, c’est la minorité intolérante qui gagne.
C’est exactement ce qui se produit dans la compétition pour le prochain système monétaire mondial.
Une petite minorité a déterminé que seul le bitcoin possède la capacité d’être viable, en rejetant les propriétés monétaires de toutes les autres monnaies numériques, bien que la majorité soit enclin à accepter toutes les formes possibles.
« Le Bitcoin est une prouesse cryptographique remarquable, et la capacité de créer quelque chose qui n’est pas reproductible dans le monde digital possède une valeur immense. »
– Eric Schmidt, ancien PDG de Google).
[NDLR : Cet article signé Parker Lewis est repris des Antagonistes, une lettre gratuite disponible ici. Vous pouvez le retrouver en intégralité et en version originale sur le blog d’Unchained Capital, en cliquant ici.]
1 commentaire
Excellent article. Merci.