Quelles stratégies adopter face à la dévaluation du dollar ?
Quelques mois seulement après le feu vert de la SEC à la cotation d’ETFs adossés au Bitcoin, le montant total des actifs sous gestion de ces nouveaux fonds atteint déjà près de 59 milliards de dollars d’après le site spécialisé btcetffundflow.com. Au même moment, l’ETF GLD (adossé à l’or), mal aimé et dédaigné par les investisseurs, ne détient que 54 milliards de dollars d’actifs sous gestion, en dépit de l’histoire millénaire de l’or.
Peter Schiff, détracteur invétéré des cryptomonnaies qui ne jure que par l’or, a débattu pendant presque trois heures sur la chaîne Real Vision avec Raoul Pal, fervent défenseur des cryptomonnaies, sans qu’aucun des deux n’accepte la moindre concession. D’un calme légendaire, Raoul Pal a cofondé Real Vision après avoir fait carrière chez Goldman Sachs et n’hésite pas à déclarer qu’il « investit des sommes irresponsables » sur le Bitcoin et d’autres cryptomonnaies. Le dogmatique Peter Schiff a, quant à lui, fait de nombreuses apparitions dans les médias financiers après le krach de 2008 et il est le fils d’Irwin Schiff, célèbre militant contre l’impôt sur le revenu.
Tous les deux s’accordent à dire que le gouvernement américain s’est endetté de manière désastreuse et que face à cette situation, la seule porte de sortie réside dans une dévaluation du dollar. Pal estime cette dévaluation à 15% par an et affirme que par conséquent, si vos revenus et vos actifs n’augmentent pas au moins au même rythme, vous êtes en réalité en train de vous appauvrir. Schiff ne donne pas d’estimation précise du rythme de dépréciation du dollar, mais il est globalement d’accord sur ce point.
Là où leurs visions divergent, c’est sur la stratégie à adopter pour se protéger face à cette situation.
Selon Schiff : « Abandonner le dollar ou l’euro pour acheter du Bitcoin, comme le font certains investisseurs, c’est comme sauter d’une poêle à frire pour se jeter dans le feu […]. Je veux dire, il n’est pas nécessaire de réinventer la roue si vous voulez sortir des monnaies fiduciaires, vous pouvez tout simplement posséder de l’or ou d’autres actifs réels qui constituent une protection solide contre l’inflation. »
Prenant le parti du Bitcoin, Pal lui répondit : « Nous avons créé une monnaie valant plus de mille milliards de dollars grâce au phénomène du mème. Nous l’avons mémifiée. C’est juste une invention humaine. Mais devinez quoi ? Il en va de même pour l’or. Il en va de même pour tout ce que nous faisons, y compris la religion. Tout n’est qu’un mème. Donc la mémétique régie la manière dont les humains comprennent le monde qui les entoure. »
Le terme de mème a été introduit par le biologiste évolutionniste britannique Richard Dawkins dans son ouvrage publié en 1976, Le Gène égoïste. Il est dérivé du grec mimēma qui signifie « ce qui est imité ». Ainsi, le même désigne un élément d’une culture ou d’un système comportemental transmis d’un individu à un autre par imitation ou par d’autres moyens non génétiques.
Alors que Schiff plaide en faveur de la détention d’or, car il s’agit selon ses termes d’un actif « réel », Pal considère l’or (comme tout le reste, apparemment) comme le produit d’une simple croyance culturelle.
Oubliez que le métal jaune porte le numéro atomique 79 dans la classification périodique des éléments. Oubliez qu’un dollar américain représentait autrefois 1,60 g (24,75 grains) d’or. Oubliez que, comme l’a écrit Martin Zweig dans le Wall Street Journal, « ajusté de l’inflation, une once d’or a à peu près le même pouvoir d’achat aujourd’hui qu’elle avait dans la Rome antique il y a 2 000 ans ».
Il affirme que l’or n’a de la valeur que parce que les humains pensent qu’il en a. Nos ancêtres pensaient qu’il avait de la valeur et cette croyance nous a été transmise. Pal semble croire que les 14 années d’existence du Bitcoin lui confèrent les mêmes qualités et qu’il ne succombera pas à ce que l’économiste Joseph Schumpeter appelait « le tourbillon perpétuel de la destruction créatrice ».
Schiff répliqua que le Bitcoin a un prix, mais aucune valeur intrinsèque. Le fait qu’un Bitcoin soit passé de moins d’un dollar à 70 000 dollars confirme qu’il s’agit d’un phénomène comparable à la bulle sur les bulbes de tulipes à Amsterdam au XVIIe siècle ou sur les peluches Beanie Babies au milieu des années 1990. Le Bitcoin n’est rien d’autre qu’un véhicule spéculatif.
L’affirmation de Schiff selon laquelle les acheteurs de Bitcoin sont « stupides » et que son prix va nécessairement retomber à zéro semble avoir profondément agacé Pal. En retour, l’assertion de Pal selon laquelle le Bitcoin est l’actif financier ayant généré le meilleur rendement de tous les temps pour les investisseurs a beaucoup irrité Schiff.
« Peter, cela fait environ 14 ans que le Bitcoin existe, a répondu Pal, visiblement exaspéré. Nous avons déjà traversé quatre cycles au cours desquels il a chuté de près de 90% et malgré cela, il reste finalement l’actif le plus performant. Donc ton scénario catastrophiste selon lequel le Bitcoin risque de chuter de 90% n’est en fait pas si grave, j’ai déjà moi-même traversé ce type de corrections à trois reprises. »
L’ancien gestionnaire de fonds spéculatifs, qui a pris sa retraite à 36 ans, fait comme si 14 ans était une éternité. Mais pour les gens de mon âge, 14 ans, c’est comme hier. L’entêtement de Pal à ce sujet a finalement rendu l’argument de Schiff encore plus persuasif.
« De toute évidence, nous n’avons pas besoin de ces ETFs. Ce sont juste leurs créateurs qui essaient de stimuler la demande. Mais effectivement, il est plus facile de stocker des Bitcoin que de l’or ; la différence, c’est que lorsque vous stockez de l’or, vous stockez réellement quelque chose. Et comme vous détenez quelque chose de réel, cela demande un certain effort pour le stocker », a ajouté Schiff.
« Alors que quand vous stockez du Bitcoin, vous ne stockez rien de réel. En quoi est-ce un avantage qu’il soit facile de le stocker si ce n’est que du vent ? Effectivement, vous avez un portefeuille virtuel parfaitement sécurisé et bien sûr vos Bitcoins continueront d’avoir un prix tant que les gens penseront qu’il va encore augmenter, tant qu’ils partageront cette illusion et que davantage de gens voudront en acheter. Et si suffisamment de détenteurs de Bitcoins décident de les conserver, alors certains peuvent vendre les leurs sans faire s’effondrer le cours, n’est-ce pas ? »
Pal rétorqua qu’il en va de même pour tout investissement. Ce à quoi Schiff réagit en s’écriant : « Non, ce n’est pas le cas. L’or est une véritable matière première avec de nombreuses usages. »
Pal tourna en dérision cet argument, arguant qu’une petite fraction seulement de l’or est réellement utilisée et balayant sous le tapis l’utilisation de l’or en bijouterie. Ce à quoi Schiff rétorqua : « Mais personne ne porte de Bitcoins autour du cou. » Schiff a également mentionné l’utilisation de l’or dans les circuits électriques et semble avoir quelque peu capté l’attention de Pal en ajoutant que « l’or est aussi utilisé dans l’assemblage des microprocesseurs et des cartes mères des ordinateurs ».
Schiff a ensuite enchaîné avec une nouvelle attaque : « Mais l’illusion finira par se dissiper. Les gens finissent toujours par cesser de croire aux contes de fées. Vous savez, vous parlez de tous ces jeunes qui pensent avoir réinventé la roue et qui croient en savoir plus que leurs parents ou leurs grands-parents. Vous savez, c’est comme les jeunes enfants, ils croient en toutes sortes de choses. Ils croient à la petite souris. Ils croient au lapin de Pâques et au Père Noël, mais ils ne croient pas à ces choses toute leur vie. En grandissant, ils commencent à voir la vérité. Et je pense que la même chose va se produire avec le Bitcoin. Les gens vont mûrir et apprendre des erreurs de leur jeunesse. »
La création d’une commission sur le rôle de l’or dans le système monétaire a été approuvée à la fin de la présidence de Jimmy Carter, et celle-ci a été constituée au début de l’administration Reagan. La commission était composée majoritairement de personnes opposées à l’or, mais avec Ron Paul pour porter le flambeau de la minorité favorable à l’or. Paul a alors demandé à l’économiste Murray Rothbard de rédiger en secret pour lui un contre-rapport, sur lequel Ron Paul apposa sa signature, ainsi que l’homme d’affaires Lew Lehrman.
Dans sa nouvelle autobiographie, The Sum of It All, Lew Lehrman prend ses distances vis-à-vis de ce rapport. Cependant, il écrit : « Il s’agit probablement du plus grand secret de l’histoire de la politique monétaire moderne. » Après la publication du rapport, la Fed, alors sous la présidence de Paul Volcker « a suivi pendant quelque temps une politique de stabilisation du dollar par rapport à l’or ». « C’est cette politique qui, plus que toute autre chose, a permis de mettre un terme à la terrible période de stagflation des douze années précédentes et de donner l’impulsion au grand boom économique des années 1980 et 1990. »
Ron Paul a mentionné dans de nombreux discours sa visite au bureau de Paul Volcker, relatant que le président de la Fed suivait constamment l’évolution du prix de l’or. A ce sujet, Lew Lehrman écrit que : « Les hauts responsables de la Fed n’ont cessé de surveiller le prix de l’or d’un œil de faucon pendant près de deux décennies. »
Nous ne savons pas si le président de la Fed, Jerome Powell, surveille le prix de l’or ou du Bitcoin. Ce que nous savons en revanche, c’est que la valeur du dollar américain continue de décliner.
Le regretté Burt Blumert m’a dit un jour : « Prenez toujours possession physiquement de votre or. » Ce conseil demeure pertinent aujourd’hui.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.
3 commentaires
Le verbe conjuguée « régie » est mal conjugué car il prend un t à la troisième personne du singulier (régir).
J’ai fait une faute d’orthographe à « conjugué » qui ne prend pas de e.
Le fossoyeur est tombé dans la « fosse »!