▪ La démission de Steve Jobs fait la une non seulement de la presse anglo-saxonne, mais aussi de la presse mondiale. Vous n’échapperez pas à une déferlante d’articles et de reportages sur le sujet.
Ce que la communauté financière considère comme un tournant majeur sera commenté sous toutes les formes possibles dans toutes les langues. Cela rend par avance superflues les analyses à chaud que nous pourrions produire, y compris de pesantes considérations sur le caractère irremplaçable du co-fondateur d’Apple.
Nous lui souhaitons longue vie, en pensant surtout à ses proches plutôt qu’à l’inquiétude des actionnaires.
Ces derniers ont tout le loisir de se consacrer à la recherche de la future « business star » du Nasdaq. Si jamais ils parvenaient à l’identifier, nous espérons qu’ils ne manqueront pas de soutenir ses projets plutôt que d’attendre frileusement le bon moment — le décollage des bénéfices — pour voler au secours de son succès.
Mais la période actuelle ne plaide guère en faveur des paris osés et des prises de risques financiers. L’obsession actuelle consiste surtout à tout faire pour cesser de perdre d’argent en Bourse et de se positionner sur les placements refuge tels que l’or (l’once vient de rechuter de 200 $ en 72 heures, passant de 1 915 $ à 1 705 $), le franc suisse ou les bons du Trésor.
Les marchés actions, même après une correction de 30% en Europe en l’espace de trois mois (et des pertes annuelles qui dépassent les 20%), éprouvent beaucoup de difficultés à construire un rebond proportionnel aux pertes subies ces quatre dernières semaines.
▪ Le phénomène « d’élasticité » ne se manifeste que sporadiquement. L’effet boule de neige des rachats à bon compte ne s’enclenche pas, la conviction des investisseurs est sujette à de soudaines éclipses.
Un nouvel exemple l’a illustré à merveille ce jeudi. Wall Street était attendu en repli mais a rouvert en nette hausse suite à l’annonce d’un investissement de cinq milliards de dollars de Warren Buffett dans le capital de Bank of America.
Les haussiers avaient seulement battu en retraite l’espace de quelques heures sur les plates-formes d’échanges électroniques. Cependant, ils se montraient de nouveau bien présents à l’ouverture et entamaient une charge qui propulsait le Dow Jones au-delà des 10 400 points.
Et puis soudain, vers 16h00, sans qu’aucune cause immédiatement identifiable ne le justifie (pas de statistique, pas d’actualité économique, pas de déclaration), le DAX fut victime d’une chute libre de 4% en l’espace d’un quart d’heure.
La Bourse de Francfort a littéralement paniqué suite à la dissémination d’une rumeur (vite démentie) de perte de son Triple A par l’Allemagne. Un scénario qui peut sembler totalement absurde concernant le pays financièrement le plus solide d’Europe… Mais cela démontre à quel point les opérateurs sont désorientés et totalement perméables aux rumeurs les plus insensées.
C’est cette volatilité incoercible, pouvant ressurgir d’une minute à l’autre, qui entretient ce climat d’insécurité dissuasif pour bon nombre d’épargnants en actions.
Il ne faut que quelques secondes aux ordinateurs pour faire replonger l’ensemble des indices de part et d’autre de l’Atlantique. Personne n’a le temps de comprendre ce qui se passe et le réflexe éclipse alors toute réflexion.
Plus le prétexte du décalage des cours apparaît idiot, plus le sens critique des opérateurs semble se mettre aux abonnés absents.
▪ Autre illustration de la versatilité du marché : Wall Street se met soudain à douter de la mise en oeuvre de mesures de soutien à l’économie par la Fed, à la veille de la réunion de Jackson Hole.
Il n’est pas étonnant — dans l’absolu — de voir Wall Street consolider les 5% gagnés à l’issue des trois premières séances de la semaine ; mais la folle rumeur de Francfort semble avoir surgi à point nommé.
Si Ben Bernanke déçoit les marchés demain, les bénéfices auront été pris. Si au contraire son discours séduit les investisseurs, ils rachèteront d’autant plus volontiers que les cours apparaîtront plus attractifs.
Pour en revenir aux données économiques bien concrètes, les inscriptions hebdomadaires au chômage sont ressorties en hausse de 5 000 (à 417 000) la semaine passée aux Etats-Unis, alors que les analystes pronostiquaient une quasi-stabilité à 410 000 inscriptions.
La morosité du marché du travail pourrait inciter Ben Bernanke à juger qu’il est temps d’annoncer de nouvelles mesures de relance de l’économie, comme en août 2010 où il avait annoncé la mise en oeuvre du QE2. Mais il pourrait aussi décider de temporiser afin de ne pas transformer Jackson Hole en rendez-vous annuel ouvrant la saison des assouplissements quantitatifs.
▪ Le soudain repli de l’euro sous les 1,44 $ jeudi après-midi témoigne du degré de nervosité des cambistes — si prompts à retourner leur veste en faveur des devises refuge. Mais ce n’est rien en regard de la volatilité qui règne sur le marché des métaux précieux, comme en témoigne le rebond de 60 $ (+3%) de l’once d’or sur ses plus bas du jour (à 1 765 $).
Si même l’or perd le nord (le chemin de la hausse), le sentiment qui risque de s’instaurer est que quoi que l’on fasse, il n’y a que des mauvais coups à prendre… De quoi donner le goût de repartir en vacances et de débrancher son Smartphone, juste histoire de ne pas être tenté de passer un ordre et d’enchaîner les coups de Bourse aléatoires et potentiellement ruineux.