Les intentions des banquiers centraux réunis à Jackson Hole tiennent en haleine les investisseurs institutionnels qui sont dépendants de leurs largesses.
Du jeudi 23 août au samedi 25 août se tiendra la rentrée des banquiers centraux, traditionnel rendez-vous de Jackson Hole, durant lequel Jerome Powell et Mario Draghi, entre autres, distilleront leurs intentions de politique monétaire.
Leur jargon sera gravement analysé par les zinzins, les investisseurs institutionnels, et feront l’objet de commentaires tout aussi jargonneux. Les zinzins sont très attentifs à la macroéconomie. Ils gèrent de l’argent qui ne leur appartient pas et n’hésitent pas à souscrire à des emprunts d’Etat à 100 ans sachant qu’ils n’auront jamais à assumer un défaut de paiement dans 70 ans.
Du côté des banquiers centraux, tout sera fait pour prolonger la farce des fake rates, les taux d’intérêt anormalement bas, et faire croire que les mesures prises lors de la crise de 2008 sont un plein succès.
En réalité, il n’en est rien : on a soigné une crise de surendettement par plus de surendettement, les banques sont toujours trop grosses pour faire faillite. Le système monétaire et financier est plus instable que jamais.
Voici tout ce que vous ne lirez jamais à propos de Jackson Hole et ce qu’aucun banquier central ne vous expliquera jamais :
- La « monnaie » est administrée par les banquiers centraux dans le souci exclusif de protéger leur monopole et celui des banques.
- Les banquiers centraux sont totalement dépendant des Etats et inversement. Ils sont comme « cul et chemise » comme on dit sans langue de bois.
- Les gouvernements cautionnent le privilège de création monétaire par les banques parce que cela fait les arrange.
- Cela leur permet d’organiser un gigantesque transfert d’argent vers le pouvoir (politiciens, financiers et technocratie).
C’est pour cela que vous avez l’impression de travailler plus pour gagner moins.
Voici une courbe d’érosion du pouvoir d’achat du dollar depuis 1913, date de création de la Federal Reserve.
Si un Américain avait stocké 1 $ en 1913, le pouvoir d’achat de ce même dollar serait de cinq cents 90 ans plus tard.
Maintenant, considérez les gains de productivité réalisés entre 1913 et 2013 en raison du pétrole et de la généralisation du moteur à explosion, de la révolution industrielle, de l’automatisation…
Les Américains ont été volés de ces gains de productivité par l’administration du dollar de la Fed. L’abondance née de la productivité aurait dû donner lieu à une déflation, une augmentation du pouvoir d’achat et non une baisse de pouvoir d’achat due à une inflation du dollar.
Nous parlons ici de la monnaie de la première puissance économique du monde, pas de celle de la Hongrie, du Zimbabwe, de l’Argentine ou encore du Venezuela.
Ce que j’énonce ici est connu des spécialistes mais tenu caché aux profanes (qui pourraient sinon se rebiffer).
Très peu de gens savent comment le système monétaire et financier fonctionne vraiment, même l’employé de guichet de votre banque – espèce d’ailleurs en voie de disparition, vu la vitesse à laquelle les agences bancaires disparaissent.
L’élite de la parasitocratie financière garde bien ses secrets.
Comment les banques commerciales créent de la monnaie
Mais parfois, même à haut niveau, des âmes sincères s’inquiètent…
Voici pour preuve un document daté de 2015 et publié sur le site de la Banque d’Angleterre. Oui, la banque centrale de ce pays infâme qui a voté pour le Brexit ; ces excommuniés de l’Union européenne qui s’apprêtent à affronter récession, misère, peste noire et constituent des stocks alimentaires et médicamenteux pour tenter d’assumer leur sortie du paradis, selon Le Figaro du vendredi 27 juillet (*).
La Banque d’Angleterre, donc, dénonce dans un accès de schizophrénie (clairvoyance ?) les méfaits du système monétaire, financier et bancaire dans un document au titre en apparence anodin.
Les banques ne sont pas des intermédiaires de fonds prêtables et voici pourquoi c’est important
En l’occurrence, il s’agit de deux employés, l’un du FMI, l’autre de la Banque d’Angleterre. Zoltan Jakab est un ancien de la Banque centrale de Hongrie qui a intégré le FMI en 2010. Michael Kumhof est un économiste passé par le FMI entre 2004 et 2014 avant de rejoindre la Banque d’Angleterre. Bref, deux experts du sérail…
Voici ce qu’ils disent (en italique) et j’intercale mes commentaires :
« Dans le modèle de la banque en tant qu’intermédiaires de fonds prêtables, les banques acceptent des dépôts d’agent réel provenant d’épargnants et le prêtent à des emprunteurs.«
C’est le vieux modèle dit d’intermédiation qui est décrit. Les banques agrègent des dépôts et les prêtent à des emprunteurs. Elles prennent le risque de la durée car les dépôts sont souvent de court terme et le prêt consenti de plus long terme.
Les banques examinent soigneusement la rentabilité du projet de l’emprunteur car si les déposants veulent leur argent, celui des actionnaires de la banque (leurs fonds propres) servirait à prendre le relais ou alors la banque ferait faillite et ses actionnaires seraient ruinés.
« Dans le monde réel, les banques fournissent des financements en créant de la monnaie. C’est-à-dire, elles créent des dépôts de nouvelle monnaie en prêtant et ce faisant, elles sont surtout contraintes par des considérations de profitabilité et de solvabilité.«
La réalité n’est plus le vieux modèle de la banque d’intermédiation selon lequel « les dépôts font les crédits », énoncent ces deux experts. La réalité d’aujourd’hui est que « les crédits font les dépôts » comme on dit dans le milieu bancaire bien informé.
Dans ce modèle, contrairement à celui de l’intermédiation, en accordant des prêts, les banques prennent en compte leur propre rentabilité et leur propre solvabilité, la viabilité du projet de l’emprunteur passe au second plan.
« Ce document compare le modèle d’intermédiation (**) et le modèle de financement par création monétaire (***). Comparé aux modèles d’intermédiation et soumis à des chocs identiques, le modèle de financement par création monétaire conduit à des changements dans les prêts bancaires qui sont bien plus considérables, se produisent beaucoup plus vite et ont des effets bien plus importants sur l’économie.«
En un mot comme en cent : INSTABILITÉ.
Cher lecteur, vous savez ce que je m’use à vous raconter sous toutes ses formes au fil des chroniques : le système monétaire et financier actuel est malsain, le pouvoir et ses proches s’en servent pour nous appauvrir et s’enrichir au passage.
Avec un tel système, la démocratie est une farce car l’argent gratuit (la dette et les déficits) sert à acheter des votes.
Ce dada est aussi celui de Bill Bonner et, scoop, son prochain livre à paraître en anglais portera sur ce sujet : le système monétaire d’après 1971.
« Après la parution de notre livre le plus récent, Hormegeddon, nous avions juré de ne plus jamais écrire de livre. C’était bien trop de distraction. Trop de temps. Trop de travail. Trop peu de récompenses. Qui plus est, après Hormegeddon, nous pensions avoir dit tout ce que nous avions à dire.
Hormegeddon explorait un point important et souvent oublié : plus de bien n’est pas forcément meilleur. Un peu de dépenses militaires, par exemple, peut être nécessaire… voire salutaire.
Mais une fois le livre publié, après qu’un peu de temps soit passé, nous avons commencé à accumuler de nouvelles idées.
Au coeur des accords gagnant-gagnant se trouve l’argent civilisé.
L’argent civilisé est comme l’écriture : il transmet de l’information par-delà l’espace et le temps.
Une bonne partie de notre travail à la Chronique ces 10 dernières années s’est concentré sur la démonstration que la devise américaine actuelle n’est pas civilisée. »
Mais qu’est-ce qui cloche exactement dans ce « financement par création monétaire » dont parle la Banque d’Angleterre ? C’est ce que nous essaierons de voir demain.
(*) « Londres stocke en cas de Brexit sans accord »
(**) Intermediation of loanable funds (ILF) dans le document
(***) Financing through money creation (FMC) dans le document
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» Maintenant, considérez les gains de productivité réalisés entre 1913 et 2013 en raison du pétrole et de la généralisation du moteur à explosion, de la révolution industrielle, de l’automatisation…
Les Américains ont été volés de ces gains de productivité par l’administration du dollar de la Fed. L’abondance née de la productivité aurait dû donner lieu à une déflation, une augmentation du pouvoir d’achat et non une baisse de pouvoir d’achat due à une inflation du dollar. »
Enfin entre temps les salaires ont également explosé, le pouvoir d’achat a clairement profité des gains de productivité au cours du dernier siècle, en moyenne les salaires progressent au rythme de l’inflation + les gains de productivité (soit en fonction de la valeur ajoutée créée). Ceux qui ont véritablement été spoliés sont les épargnants.