▪ Comme nous le disions hier, les nuances des chiffres de « l’inflation » vont bien au-delà de la prestidigitation statistique. Qu’est-ce que l’inflation ? Le mot recouvre-t-il uniquement la hausse des prix à la consommation ? Ou bien l’augmentation de la masse monétaire ? Cette distinction est d’une importance vitale. Parce que durant les années qui ont suivi la crise de 2008-2009, c’est l’absence de la première qui a permis aux banques centrales de tant augmenter la seconde.
En d’autres termes, non seulement leur mesure de « l’inflation » avait de vastes conséquences pour les investisseurs obligataires, les investisseurs, les retraités etc., mais elle créait également une énorme distorsion dans le système monétaire de la planète entière. Tant que l’inflation des prix à la consommation ne se manifestait pas de manière désagréable, les banquiers centraux avaient le sentiment qu’ils pouvaient créer autant d’inflation monétaire qu’ils le souhaitaient. Les augmentations des masses monétaires mondiales — l’inflation monétaire la plus basique qui soit — ont causé une hausse des actions, des obligations et des matières premières. Dans l’ensemble, c’était une forme d’inflation assez agréable. Les banquiers centraux voulurent continuer l’inflation aussi longtemps que possible.
A nouveau, leurs manipulations étaient une merveille de contradictions et de faux prétextes. Le taux réel d’augmentation des prix à la consommation aux Etats-Unis est impossible à connaître. Mais il n’est pas insignifiant. Les gens font des paris. Selon les chiffres de l’IPC, certains gagnent et certains perdent. Et celui qui a le plus gros pari de tous est celui-là même qui tient les scores. Le gouvernement veut que l’IPC soit le plus bas possible. Cela aide à maintenir les revenus élevés et les coûts bas. Les paiements de la Sécurité sociale, par exemple, sont ajustés à l’IPC. Idem pour les obligations gouvernementales. Et les impôts.
Mais un IPC bas permet aussi à la banque centrale de continuer à gonfler la masse monétaire mondiale. Les autorités ont injecté des milliers de milliards de dollars directement dans le système bancaire, des milliers de milliards supplémentaires dans les prix des actifs et dans la dette mondiale. Une hausse de l’IPC aurait effrayé les prêteurs. Au lieu de ça, une faible augmentation des prix les a tant rassurés qu’ils achètent de plus en plus d’obligations américaines à des prix de plus en plus élevés.
Depuis 2007, les niveaux de dette ont grimpé comme de l’eau dans une cave inondée, alors même que les ménages tentaient désespérément de se sauver. Au début, la dette supplémentaire était endossée quasi-intégralement par le gouvernement. Mais à l’automne 2012, les consommateurs aussi avaient décidé de rejoindre le mouvement. La presse en parla comme le signe que les choses allaient s’améliorer :
« L’augmentation de la dette des ménages pourrait être le signe d’une reprise qui se renforce ».
Après avoir réduit leur dette pendant 14 trimestres, les ménages en ont finalement eu assez. Ils se sont approché de la caisse, carte de crédit en main, et ont fait leur devoir de patriote. Ils ont acheté des choses. Ils se sont endettés plus profondément. Une fois de plus, ils achetaient des choses dont ils n’avaient pas vraiment besoin avec de l’argent qu’ils ne possédaient pas vraiment.
Les économistes ont bêtement célébré l’événement, comme une dinde se réjouissant du repas de Noël. C’était comme s’ils pensaient que la dette n’était pas soumise à la loi du rendement déclinant… comme si elle n’avait pas d’inconvénients.
▪ L’économie n’est pas une science
Les chiffres nous aident à définir… détailler… préciser… mesurer et contrôler la réalité. Sauf que nous la comprenons non pas avec des chiffres, mais des analogies. Nous disons « c’est exactement comme… » ou bien « cela me rappelle… »
Les anciens économistes le savaient. Les « deux Adam écossais » — Adam Smith et Adam Ferguson –, qui étaient les fondateurs de l’économie telle que nous la connaissons, ne s’appelaient même pas des économistes. S’ils avaient eu des cartes de visite à distribuer, ils y auraient probablement inscrit leur profession comme « philosophes moraux ». Ils étudiaient les données… les cas… les preuves… non pas pour les chiffres mais pour la morale de l’histoire.
Dans un certain sens, le vrai problème du 21ème siècle, c’est que les économistes ont choisi la mauvaise analogie… ou la mauvaise histoire. Ils pensent qu’ils sont des scientifiques. Ils pensent que l’économie peut être traitée comme s’il s’agissait d’une branche scientifique, où des problèmes bien définis peuvent être réduits à des chiffres pour ensuite être manipulés et résolus. Bien entendu, ce n’est pas le cas. Il n’y a pas d’expériences contrôlées ; les conditions initiales sont toujours différentes. Il n’y a pas de résultats qu’on puisse reproduire… et pas d’hypothèses qu’on puisse réfuter. C’est pourquoi bon nombre des pires idées de l’économie ne disparaissent jamais, même si elles ont eu des résultats désastreux chaque fois qu’elles ont été appliquées.
Nous avons vu combien l’analogie avec la science était erronée. Les planificateurs, les bricoleurs et les empêcheurs de tourner en rond ne peuvent pas vraiment mesurer ce qu’ils croient pouvoir mesurer. Pire encore, ils ne peuvent jamais savoir s’ils vont ou viennent, s’ils font du bien ou du mal.
Mais nous allons garder l’esprit ouvert. Même s’il est définitivement vrai, en théorie, que les économistes ne peuvent même pas savoir ce qu’est le taux de chômage réel… pas plus qu’ils ne peuvent pas vraiment dire si une augmentation du PIB améliorerait le sort des gens ou l’empirerait… peut-être est-ce néanmoins vrai que leurs bonnes intentions (si s’en sont) triomphent d’une manière ou d’une autre sur leur propre incompétence maladroite. Peut-être est-ce comme la prière : on ne comprend pas comment ça marche, mais si on y croit… peut-être que ça aide.
1 commentaire
C’est un commentaire personnel pour Mr BONNER dont je suis un fidèle lecteur.
En lisant votre article de ce vendredi 02/11/2012 ou vous mentionnez le mot prière, je n’ai pu m’empêcher de faire le lien avec cette citation : « La solution des problèmes économiques est spirituelle » (Bahá’u’llah)
Ce persan, fondateur de la foi bahá’ie, une religion indépendante née au milieu du 19ème siècle fut exilé et emprisonné pendant une quarantaine d’années par les fondamentalistes shiites. Il révéla une oeuvre de plus de 100 volumes. Interrogé sur la solution a trouver aux problèmes économiques ils dit qu’elle était spirituelle.
Le terme spirituel est défini comme l’acquisition par l’être humain au cours de sa vie de vertus telles que : l’honnêteté, le courage, la bienveillance, l’humilité, l’esprit de service etc… (Il y a environ 360 qualificatifs de ce types, on a du travail)