▪ Je me demande s’il n’y a pas une corrélation inverse entre les marchés actions et ma ligne de métro : à chaque voyage sans incident, les cours baissent — et inversement.
Autant vous dire qu’on peut compter sur les doigts d’une seule main les fois où votre correspondante est arrivée à l’heure depuis le début de l’année. Mais… il se pourrait que les choses changent en 2014 (et que je retrouve enfin "la politesse des rois").
Comme le disait Philippe Béchade dans son Pitbull, "cela commence à sentir le roussi" sur les marchés. Les séances de baisse se multiplient… notamment suite à des bruits inquiétants en provenance d’Argentine et des pays émergents.
"De précédentes crises majeures ont trouvé leur source dans les pays dits ‘périphériques’", rappelle Philippe. "[Elles] combinaient surinvestissement, déficits primaires, budgétaires et, facteur aggravant, instabilité sociale. Or quand la dérive dégénère soudain en crise, il est trop tard pour résoudre les problèmes par quelques mesures d’ajustement : même les remèdes de cheval ne fonctionnent plus".
Que se passe-t-il exactement ?
▪ Cécile Chevré nous livrait quelques explications dans La Quotidienne d’Agora :
"Avec sa politique de taux zéro et de quantitative easing, la Fed a permis aux marchés et aux investisseurs de s’approvisionner très facilement en liquidités à bas coût. Mais la conséquence a été la baisse des rendements d’actifs comme les obligations souveraines américaines (un des investissements préférés de pas mal d’intervenants). A la quête de rendement, ces liquidités ce sont donc tournées vers des actifs et des pays qui en offraient de meilleurs — dont les pays émergents".
"En parallèle, les pays émergents ont été encouragés à s’endetter (en dollar) alors que l’accès à la liquidité était de plus en plus facile", continue Cécile. "Puis en mai dernier, Ben Bernanke évoque la possibilité d’un ralentissement du QE. Les rendements des bons du Trésor sont alors repartis à la hausse et les liquidités ont commencé à refluer des émergents vers les obligations et les actions américaines".
"Dans le même temps, les devises émergentes ont baissé face au dollar et l’endettement libellé en billet vert est devenu de moins en moins supportable pour les pays émergents. Or l’affaiblissement de ces monnaies est un véritable danger pour les économies émergentes, en lutte presque perpétuelle contre l’inflation. Celle-ci, en décourageant la consommation, ronge la croissance et c’est un phénomène auquel sont confrontés la plupart des pays émergents".
"Aujourd’hui, de nouveau, les devises émergentes décrochent face au dollar. Le rouble est à son plus bas niveau face au billet vert depuis 2009, le peso argentin a perdu 13,7% jeudi dernier, et la livre turque n’en finit plus de décrocher. Les commentateurs ont fait des gorges chaudes de l’imprévoyance des banques centrales des pays émergents, de leur manque de réserves de change ou encore de leur gestion hasardeuse de l’inflation".
▪ Les marchés ont donc accusé quelques belles chutes ces derniers jours… mais une fois encore, les permabulls sont arrivés à la rescousse. Les marchés émergents ? Peuh, qui s’en soucie ! Ce ne sont que des trous perdus qui ne présentent aucune menace, voyons.
Philippe Béchade reprend : "on nous refait le coup du cas particulier, du problème périphérique, de la crise circonscrite aux frontières du pays et qui ne saurait contaminer l’ensemble du système financier international… Comme pour les subprime en 2007, quoi !"
"Tout cela devrait être rapidement digéré, les indices vont repartir de l’avant. Il y a eu un gros raté mercredi (le CAC 40 a reperdu 3% en ligne droite depuis les 4 245 points) mais bien évidemment, ‘ce n’est qu’un accident de parcours’ et on ne va tout de même pas terminer le mois de janvier sur une perte de 4% à 5%… Ah non ! Pas une année où Wall Street doit afficher 10% à 12% de performance !"
Ladite performance risque d’être plus difficile à engranger que prévu. D’autant que, loins des émergents, la Fed continue son taper ; dans la quasi-indifférence générale, certes… mais méfiance. Privés de leur drogue, les marchés pourraient avoir des réactions imprévisibles.
Quant à moi… je me demande si je ne vais pas préférer le bus, dorénavant.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora