▪ Les bookmakers anglo-saxons se sont nettement trompés. Tout l’enjeu des derniers paris (à 48 heures puis 24 heures des élections) consistait à déterminer si Nicolas Sarkozy franchirait ou non le seuil des 47% des suffrages.
Une large victoire de François Hollande — six points d’écart entre les deux finalistes, c’est assez significatif — était anticipée par une majorité de parieurs, mais le score final de la présidentielle s’avère strictement conforme aux standards observés ces 38 dernières années.
Le scrutin se solde par une différence de trois ou quatre points (51,7 contre 48,3) qui ne traduit ni une victoire écrasante ni une défaite humiliante pour l’un et l’autre des candidats — même si certains scrutins comme 1981 et 1995 étaient apparus plus serrés.
▪ Revue de presse étrangère sur le nouveau président
Dès l’annonce des résultats — et le discours de Nicolas Sarkozy souhaitant « bonne chance au milieu des épreuves » à son successeur — nous sommes allé glaner quelques réactions du côté des médias étrangers (Etats-Unis, Angleterre, Allemagne, Belgique, Suisse…). La teneur des commentaires, parfois chaleureux, pour le président nouvellement élu confirme l’équanimité des rédactions et des chancelleries avant le second tour.
M. Barroso déclare qu’il compte sur le nouveau président pour relancer l’économie européenne — les marchés aimeraient seulement pouvoir y croire.
Parmi les réactions les plus emblématiques, Angela Merkel s’est empressée de confirmer avoir invité François Hollande à Berlin, ce qui démontre les prises de contact préliminaires que nous supposions depuis plusieurs semaines avec l’entourage du nouveau président.
Parmi ses plus proches conseillers pour la campagne de 2012, il y a M. Jean-Marc Eyraud, l’actuel maire de Nantes et ancien professeur d’allemand, donné favori par de nombreux politologues pour le poste de Premier ministre.
D’autres noms circulent et les bookmakers vont encore avoir du grain à moudre avec les potentiels premiers ministrables d’ici le 16 ou le 17 mai — autant de spéculations dans lesquelles nous ne rentrerons pas.
▪ Un nouveau quinquennat sous le signe de l’alliance franco-allemande ?
Il apparaît clairement que la nouvelle présidence est d’ores et déjà placée sous le signe du couple franco-allemand.
Pas plus tard que vendredi, le quotidien allemand des affaires, le Handelsblatt, revenait sur les difficultés d’entente entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
Leur relation s’était intensifiée à partir de l’été dernier, sous l’effet de la crise systémique qui menaçait la cohésion de la Zone euro — mais sans jamais donner le sentiment qu’une réelle complicité les unissait.
La chancelière va devoir composer avec un président français politiquement proche des ses adversaires du SPD… mais elle dispose d’un an et demi pour trouver ses marques, car les élections législatives allemandes ne sont prévues qu’à l’automne 2013.
▪ Comment les marchés ont-ils accueilli ce nouveau candidat ?
Revenons maintenant sur la réaction des marchés en pré-ouverture, telle que nous avons pu l’observer après minuit. Le CAC 40 et le DAX 30 ont chuté de 1,8% (vers le récent plancher des 3 100 points) et de 2,2% (sous 6 400 points) respectivement. Le Dow Jones quant à lui a perdu de 1,4%.
La Bourse de Paris ne semble donc pas la plus éprouvée. C’est plutôt la Bourse de Francfort qui semble assez déstabilisée — et la chute des indices américains soulève également quelques interrogations.
Nous n’observons pas d’arbitrage au profit de Wall Street qui témoignerait d’un mouvement d’humeur anti-français. L’euro en revanche décrochait nettement sous les 1,30 $, vers 1,2970 $.
▪ La Grèce aussi a choisi son camp
La raison est peut-être à rechercher du côté de la Grèce où le parti leader de la majorité depuis l’automne dernier — le Pasok — a subi un revers électoral majeur qui remet en cause la coalition au pouvoir.
Le sort de la Grèce apparaît plus que jamais incertain. En effet, les partis des deux extrêmes (gauche et droite en pleine ascension au Parlement d’Athènes) appellent à la renégociation des récents traités contraignant le pays à s’infliger une cure d’hyper-austérité sans horizon de retour à une certaine autonomie de gestion de ses affaires économiques.
Pour ce qui est de la chute des places boursières vendredi, il ne semble pas que l’hypothèse d’une alternance politique en France — et encore moins des spéculations sur des tensions avec l’Allemagne — ait joué le moindre rôle dans le décrochage des indices de 2% en moyenne, d’abord en Europe, puis aux Etats-Unis à la veille du week-end.
▪ Le mois de mai, fidèle à sa réputation
Wall Street en a terminé au plus bas du jour, sans avoir esquissé le moindre rebond visant à réduire les pertes en fin de séance. Le S&P a chuté de 1,6% vers 1 369 points (soit -2,5% sur la semaine écoulée) pour finir au contact du support unissant les précédents points bas du 6 mars, et du 10 puis du 23 avril.
Le Dow Jones a préservé de très peu le seuil des 13 000 points (1,27% à 13 038 points). Le Nasdaq a connu l’une des pires séances de l’année avec un repli de 2,25% à 2 986 points.
Ce début de mois de mai boursier semble bel et bien illustrer sa mauvaise réputation ! La déprime des marchés s’alimente des derniers chiffres d’activité. L’ISM des services, les commandes à l’industrie, le PMI de Chicago et les statistiques de l’emploi s’avèrent franchement décevants.
L’économie américaine n’a créé que 115 000 emplois non-agricoles en avril alors que les économistes anticipaient officiellement environ 160 000 créations d’emplois en avril en début de semaine dernière. Les estimations s’étageaient entre 90 000 à 150 000 (au mieux) depuis le rapport ADP, publié mercredi.
Les marchés ont également sanctionné la teneur du discours de la BCE jeudi dernier. Elle a douché les espoirs d’un soutien plus affirmé en faveur de la croissance… mais aussi en faveur de l’Espagne qui apparaît en situation plus que précaire.
Tellement précaire que les deux LTRO de fin décembre et fin février sont en train d’échouer complètement dans leur objectif de fluidifier les échanges interbancaires au sien de l’Eurozone. Les inquiétudes concernant l’Espagne sont trop grandes et la récession qui y règne trop évidente.
Les Etats-Unis commencent à redouter que le ralentissement qui sévit en Europe ne pénalise leur propre économie ainsi que l’ensemble de la croissance mondiale. C’est ce qui explique une spectaculaire correction sur le marché pétrolier avec un plongeon de 4% du baril à New York (vers 98 $ sur le NYMEX). Il retrouve des niveaux qu’il n’avait plus approchés depuis le début du mois de février.
Si la Grèce se retrouve maintenant en situation de remettre en cause ses récents engagements, il va falloir que l’Europe remette, elle, la main à la poche et que les banques renforcent de nouveau leurs fonds propres… en priant pour que « la finance sans visage » n’en profite pas pour précipiter l’Espagne et le Portugal dans une crise aiguë en matière de refinancement.
Cela contraindrait la BCE à agir dans l’urgence alors toute la communication de Mario Draghi jeudi dernier visait à convaincre les marchés qu’il fallait « laisser du temps au temps ».