Par la Rédaction de MoneyWeek (*)
Dans la crise économique, deux camps s’opposent. Angela Merkel occupe à elle toute seule un seul camp. Alors que les chefs d’Etat d’Europe et des Etats-Unis veulent relancer l’économie en ouvrant les robinets de liquidités, seule la chancelière critique cette stratégie.
Elle doute en public des bienfaits de la Fed et de la Banque d’Angleterre, pourtant promus par Barack Obama et Gordon Brown. Son point de vue : "la crise n’est pas survenue parce que nous avions créé trop peu d’argent". Elle dit vouloir un retour à la politique "sensée", avant que les agissements de la Fed et de la Banque d’Angleterre n’aggravent la crise.
Elle ne laisse pas non plus tranquille la Banque centrale européenne. Même si Jean-Claude Trichet passe pour soutenir une politique monétaire rigide, elle accuse les dirigeants de la banque de se plier aux pressions internationales et de laisser filer les dettes publiques.
Chercheuse devenue chancelière
Ex-chercheuse en physique quantique en République démocratique d’Allemagne, elle a embrassé la politique lors de la réunification. Protégée d’Helmut Kohl, héros allemand de l’après-guerre froide, elle n’a pas hésité à le laisser couler quand il s’est fait prendre dans l’affaire des caisses noires en 2000.
Alors numéro deux, le départ de Kohl lui a laissé deux rivaux qui ont vite disparu. L’un lui sert maintenant de ministre de l’Intérieur, l’autre s’est retiré de la vie politique. D’après le politologue allemand Gero Neugebauer : "sans trop d’efforts, elle a anéanti — en jouant les uns contre les autres — les puissants ministres présidents des Länder, qui, souvent, se détestent". Visiblement, personne ne l’avait vue venir.
Dans un article du Monde, elle est comparée à une vieille tante qui, avec le sourire et l’air innocent, accumulerait les meurtres de retraités. "Je ne suis pas vaniteuse. Je sais utiliser la vanité des hommes", a-t-elle confié à un cadre de la CDU. Dangereux pour un politicien allemand. Nommée "femme la plus puissante du monde" par le magazine américain Forbes, la rigueur allemande lui tient à coeur.
On dit souvent qu’elle a su apporter une approche scientifique à la vie politique : elle sait peser les risques et les enjeux. Elle ne se presse pas, au risque de faire perdre la tête aux barons de son parti. Déjà détrônés par une femme quasi inconnue, ils en sont réduits à grincer des dents en attendant les décisions de la petite blonde qui les dirige.
En matière de politique, elle ressemble autant à un arbitre qu’à un chef d’Etat. Elle s’implique le moins possible au niveau personnel, en ménageant les partis. Sous la tutelle de la CDU, parti de centre-droit, elle a abandonné son programme libéral, trop controversé. Les barons du parti l’ont surnommée "Mutti", ou maman, en référence au caractère éternellement réconciliateur de son discours.
A la suite de ses remarques sur la Fed, la presse anglo-saxonne a qualifié ses attaques de purement politiques. "Les politiciens allemands se disputent la place du plus grand rempart contre l’inflation", explique le Financial Times. L’Allemagne est l’un des pays les plus touchés par la crise car ses exportations s’écroulent.
En attaquant les programmes de relance, en particulier l’utilisation abusive de la planche à billets, ou quantitative easing, elle se met le monde politique à dos. L’impression de billets et le rachat de dettes créent un sentiment de richesse à court terme, laissant assez de temps aux politiciens de finir leur mandat, voire de se faire réélire.
En Allemagne, le contexte est différent : l’inflation y est abhorrée, en raison de son lien avec la montée du nazisme. Si Angela n’hésite pas à froisser les autres dirigeants, c’est parce qu’elle espère se rapprocher de son propre électorat. Peut-être qu’Angela a trouvé le thème qui lui permettra de se faire réélire — son mandat se termine en septembre.
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