Par Jean-Claude Périvier (*)
Quel rapport y a-t-il entre les déchets industriels et la mafia russe ?
A priori aucun… et pourtant…
Dans les années 60, la corruption s’étend dans l’Union soviétique. C’est un secret de polichinelle. Au-delà des belles images officielles de la propagande, le citoyen moyen vit dans la pénurie et la misère. Mais le citoyen moyen est débrouillard, cela lui permet de survivre malgré tout. Et pour survivre, il se voit contraint de recourir au marché parallèle, et de pratiquer le travail "au noir".
C’est ainsi qu’un peu partout en Union soviétique se montent des ateliers clandestins. En effet, des ouvriers qualifiés ont réalisé qu’un des aspects de la faible productivité industrielle soviétique résidait dans le gaspillage des déchets industriels. Voulant profiter de l’occasion pour arrondir leurs fins de mois et nourrir correctement leurs enfants, ces petits malins décident qu’il est trop bête de fermer les yeux sur les monceaux de résidus textiles, de cuirs, de métaux, qui finissent à la décharge. Mieux vaut fermer les mains sur ce pactole ! Alors on s’organise, on se réunit en douce, on élabore des projets permettant de réutiliser ces déchets de matériaux à l’intérieur de l’usine, évidemment en achetant des complicités car ce serait tout de même un peu visible en y regardant de près. Résultat, le directeur lui-même, couvert par la hiérarchie du PC de la ville, de la région, les policiers gradés, le commissaire de police du coin, les miliciens, le représentant de la Justice aussi, bien sûr le directeur du magasin qui revend cette production venue de nulle part, les fonctionnaires de tout poil supposés tout contrôler, etc… tous sont généreusement arrosés. Sans oublier personne, car ça pourrait gripper cette belle mécanique.
Mais certains patrons d’entreprises ont vent de ces montages et veulent profiter eux aussi de l’aubaine. Dès lors, des ateliers semi-clandestins se créent partout, surtout en Russie. Tous associés" en quelque sorte, et à tout le moins complices, les responsables de toute la chaîne de "production" certifient quand c’est nécessaire, que telle ou telle quantité de matières premières a été endommagée, ou égarée dans le transport. Pfiiit !!! Ainsi, utilisant les biens et la main d’œuvre d’Etat de l’économie planifiée, une économie libérale de l’ombre se met subrepticement en place. Les copieux bénéfices sont répartis entre les différents "acteurs".
Une industrie originale du recyclage des déchets est née…
Mais pour que cette industrie clandestine puisse vivre et se développer, assurant ainsi de juteux revenus à tous les niveaux de la pyramide, les différents responsables doivent pouvoir continuer à l’alimenter en matières premières, et pour cela, être garantis de la couverture du pouvoir, toujours plus gourmand. La machine s’emballe, devenant de plus en plus coûteuse.
Dans les entreprises officielles, dont la production est toujours chaotique et la productivité insuffisante, on sort à tour de bras des bilans truqués permettant aux fraudeurs de recevoir primes imméritées, décorations et promotions.
Les experts russes pensent qu’au début de l’ère Eltsine, cette économie clandestine représentait environ 30% du PNB, et occupait jusqu’à un ouvrier sur cinq !
Seulement voilà, dès la fin des années 60, la pègre, informée comme il se doit de tout ce qui est clandestin, refuse d’être tenue à l’écart de ces juteux montages. D’autant qu’elle subit les foudres de la police et de la justice, sans parler de la fustigation morale du PC, et se retrouve souvent emprisonnée tandis que les dignitaires de l’Etat vivent dans le luxe.
Les gangsters se révoltent et prennent pour cible les maillons clés de la chaîne de production parallèle. Chantages, menaces, meurtres, rapts, accidents… les enrichis de la clandestinité doivent se résoudre à partager. Fin des années 70 et dans les années 80, la nomenklatura, qui se croyait intouchable, doit payer les "parrains" pour être protégée, et les exécuteurs pour ne pas trépasser. Pire, petit à petit, les millionnaires clandestins sont infiltrés par les bandits qui prennent en main le contrôle de l’industrie clandestine et en retirent l’essentiel. La nomenklatura a pactisé avec le diable, acceptant de couvrir les criminels de sang dans leurs autres activités répréhensibles, lesquels, par réciprocité, font preuve de générosité à la hauteur de ce qu’ils estiment suffisant.
Mais déjà la roue tourne, l’Union soviétique a vécu, l’histoire des déchets clandestins est connue, et nous arrivons aux années 90. Le "recyclage" industriel passe de mode. D’autres opportunités s’offrent à la mafia russe, avec l’arrivée des nouvelles technologies…
[NDLR. : De nos jours, les déchets et le recyclage sont des secteurs tout aussi porteurs… mais il y a des moyens plus honnêtes d’en profiter : certains pourraient même vous rapporter des gains de 100% et 180%. Cliquez ici pour tout savoir…]
Meilleures salutations,
Jean-Claude Périvier
Pour la Chronique Agora
(*) Parallèlement à sa carrière dans le conseil aux entreprises et l’intelligence économique, Jean-Claude Périvier s’intéresse à la Bourse et à l’investissement depuis 1986. Analyste de talent, il excelle à détecter et anticiper les tendances futures… pour en déduire les meilleures opportunités de gain dans sa toute nouvelle lettre d’information, Défis & Profits.