Entre excès spéculatifs, volatilité masquée et valorisations délirantes, la sagesse de l’Oracle d’Omaha sonne comme un avertissement : quand tout le monde se rue sur l’IA, le bon sens passe par la sortie.
A notre connaissance, Warren Buffett ne lit pas régulièrement nos chroniques. Mais selon certaines sources, il serait en train de se retirer du marché boursier. The Economic Times rapporte :
« Les liquidités de Berkshire Hathaway, la société de Warren Buffett, atteignent désormais 381,7 milliards de dollars, soit la plus importante réserve financière jamais constituée par une entreprise aux Etats-Unis. »
Cela représente environ 200 milliards de dollars de liquidités supplémentaires accumulées en trois ans. Aujourd’hui, Berkshire conserve environ un tiers de ses actifs en cash. En d’autres termes, seuls deux tiers de son portefeuille sont investis en actions de long terme.
Interrogé sur les raisons qui le poussent à détenir autant de liquidités, Buffett a répondu :
« Nous aimerions beaucoup dépenser cet argent, mais nous ne le ferons pas à moins d’être convaincus que l’opération comporte très peu de risques et peut nous rapporter beaucoup d’argent. Nous ne frappons que les balles qui nous plaisent. Ce n’est pas comme si j’étais en grève de la faim, ou quoi que ce soit de la sorte. C’est simplement que les opportunités ne sont pas attrayantes. »
Comment ? Ce pauvre vieux n’a-t-il donc jamais entendu parler de l’IA ? Ne sait-il pas que vendredi était le moment parfait pour « acheter à la baisse » ?
Voici ce que rapportait Fast Company vendredi matin :
« Les actions technologiques en vogue s’effondrent : pourquoi Tesla, Palantir, Nvidia et d’autres entraînent la chute du marché aujourd’hui. »
Le Wall Street Journal en a remis une couche :
« Les investisseurs se débarrassent des actions technologiques alors que le soulagement provoqué par la fin du shutdown s’évapore. »
Mais attendez. La presse a été un peu vite. Toujours selon le Wall Street Journal, après l’ouverture à New York vendredi, les actions de Nvidia, Oracle, ainsi que les autres sociétés au cœur de la frénésie de l’IA ont suffisamment chuté pour déclencher le signal d’achat des investisseurs « achetant à la baisse ». Les titres ont rapidement récupéré l’essentiel de leurs pertes, permettant aux grands indices de terminer la semaine en ordre dispersé.
Oui : les acheteurs à la baisse ont, une fois encore, sauvé la mise.
Alors, que faire ? Acheter à la baisse ? Ou sortir ?
Beaucoup pensent qu’il faut toujours être investi à 100 % en actions. C’est le cas de notre vieil ami Alex Green, qui vient d’écrire un nouveau livre ambitieux pour expliquer pourquoi. En résumé, Alex estime que le « rêve américain » est toujours vivant et qu’un nouvel âge d’or se prépare pour les investisseurs.
Peut-être a-t-il raison. Mais si un âge d’or s’annonce, il faudra probablement enjamber les cadavres de nombreux acheteurs à la baisse.
Puisque l’IA est censée être très intelligente, posons-lui la question. Faut-il rester exposé aux actions IA ? Acheter à la baisse ? Ou sortir tant qu’il est encore temps ?
Voici la réponse de Grok 4 à la question : « Est-ce la fin de la bulle IA ? »
« Il est trop tôt pour parler de ‘fin’, mais certains signaux rappellent clairement ceux d’une bulle :
- Signes de bulle : les valorisations atteignent des sommets vertigineux — le ratio cours/bénéfice de NVIDIA a dépassé 70 par moments, rappelant l’époque des dot-com. Le boom de l’IA a été alimenté par un engouement massif autour de l’IA générative (ChatGPT, Grok), mais la monétisation réelle n’en est qu’à ses débuts. Si les résultats déçoivent ou si l’adoption ralentit, une nouvelle baisse est possible.
- Contre-arguments : l’IA n’est pas qu’un simple engouement ; c’est une technologie transformatrice, déjà utilisée dans la santé, les véhicules autonomes, etc. Des entreprises comme xAI (mes créateurs) repoussent les limites, et la demande en infrastructures (puces, data centers) reste forte. Certains analystes, comme ceux de Goldman Sachs, jugent qu’une correction serait saine, mais que le secteur pourrait encore connaître une croissance exponentielle, ajoutant potentiellement des milliers de milliards au PIB mondial.
- Parallèles historiques : comme lors de la bulle Internet : beaucoup d’exubérance, puis un grand éclatement… mais les survivants (Amazon, Google) sont devenus des géants. L’IA pourrait suivre la même trajectoire. »
Une réponse très raisonnable. Mais toujours du bla-bla. Grok 4 n’en sait pas plus que nous.
Et Buffett, lui, ne s’en préoccupe pas. Les actions tendent à revenir vers leur moyenne. Lorsqu’elles sont extrêmement surévaluées – comme aujourd’hui – elles ont beaucoup de terrain (beaucoup de pertes !) à parcourir pour revenir à un niveau normal.
Il suffit de regarder ce qui est arrivé aux grandes stars de la bulle Internet : Corning, JDS Uniphase, Lucent, Nortel, Ciena, Global Crossing, Level Three… toutes ont été pulvérisées, et beaucoup ne s’en sont jamais remises.
C’est toujours le même problème pour l’investisseur. Les anciens de Wall Street disent : « C’est au moment de l’achat que vous gagnez de l’argent. » Et, aujourd’hui, le moment semble bien mal choisi pour acheter des actions liées à l’IA.
Buffett réduit d’ailleurs la participation massive de Berkshire dans Apple, chouchou de la high-tech. Il avait commencé à acheter il y a moins de 10 ans, lorsque le titre s’échangeait à un ratio cours/bénéfice de 10. Aujourd’hui, il est à 36. À 10, Apple était un bon achat. A 36, c’est une bonne vente.
Et là est tout le problème pour le marché dans son ensemble : le CAPE (ratio cours/bénéfice ajusté du cycle) a récemment frôlé les 40. Cela ne s’est produit qu’une seule fois, en 1999.
Alors, hé, l’IA… comment cela s’est-il terminé ?

3 commentaires
Je me demande pourquoi Buffet ne place pas ses 380 Mds en rachat d’actions BRK/A et BRK/B. Même BRK est encore trop cher pour lui?
L’économie, c’est toujours des cycles et prévoir une crise n’est jamais une erreur, la question c’est quand. Pour les petits investisseurs, c’est, selon vos bons conseils, maintenant.
L’histoire a mis en évidence une certitude : les économies capitalistes fondées sur le profit privé ont réussi à se maintenir là où les économies communistes fondées sur le profit d’état se sont effondrées. Mais les USA montrent bien à quel point le triomphe capitaliste se paie par une pauvreté et une exclusion populaire croissante. Il semble qu’il existe d’autres modèles qui ont à peu près réussi à faire une moyenne, notamment dans l’Europe Scandinave, aux Pays Bas, en Suisse, en Autriche, au Luxembourg….La France ? Plus de pragmatisme et moins d’idéologie sont absolument nécessaires.