La Chine affiche encore des chiffres officiels de croissance flatteurs… mais derrière la façade, l’économie vacille.
Le 15 juillet, la Chine a annoncé un taux de croissance économique de 5,2 % (annualisé) au deuxième trimestre, contre 5,4 % au premier trimestre. Il faut bien comprendre que ces chiffres de croissance sont au mieux surévalués et, très probablement, fabriqués de toutes pièces.
Le PIB chinois se compose à 45 % d’investissements. Ce niveau d’investissement est assez élevé, comparé à celui d’une économie industrielle ayant une certaine maturité. Les investissements peuvent offrir une bonne voie de croissance s’ils sont affectés avec prudence, de façon à encourager la croissance et à couvrir le coût du capital.
Mais en Chine, ces deux conditions ne sont pas remplies.
Environ la moitié des investissements chinois sont gaspillés en villes fantômes (de gigantesques constructions urbaines totalement désertes, qui se dégradent progressivement) ou en projets pharaoniques tels que la gare de Nanjing South, qui compte 128 escaliers roulants et relativement peu de passagers.
Si les investissements gaspillés par la Chine étaient passés en perte (comme l’exigent les normes comptables internationales), la croissance de son PIB chuterait de 5,2 % à 4 %. Et ce serait encore surévalué, car la Chine ne tient pas compte des prêts improductifs, parce qu’elle soutient ses banques et sa monnaie via des sauvetages non économiques.
En fait, la Chine se trouve peut-être en situation de récession technique, aujourd’hui.
D’autres données économiques chinoises sont tout aussi mauvaises. Les prix de la production ont chuté sur plus de 30 mois consécutifs. Il ne s’agit pas de désinflation, mais carrément de déflation, laquelle a de graves conséquences quand on l’observe dans le contexte de la dette nominale. Le calcul est simple, mais le concept est contre-intuitif. Pour comprendre pourquoi, on doit passer de l’autre côté du miroir.
Normalement, la croissance économique s’exprime en termes réels, c’est-à-dire corrigée de l’inflation. Si une économie affiche une croissance économique nominale de 4 % et 2 % d’inflation, alors la croissance réelle est de 2 %, selon ce simple calcul : 4 % – 2 % = 2 %.
Mais que se passe-t-il quand l’indice des prix affiche une déflation ? Mathématiquement, la déflation est une inflation négative. Cela signifie que lorsque vous transposez la croissance nominale en croissance réelle, vous retranchez un nombre négatif, et donc que la déflation s’ajoute à la croissance réelle.
Si la croissance nominale est de -2 % et la déflation de 4 %, alors la croissance réelle est de 2 %. Le calcul est le suivant : -2 % – (-4 %) = 2 %.
Une perte nominale se transforme en chiffre réel positif quand vous retranchez un chiffre d’inflation négatif.
Le problème est le suivant : la dette est nominale. On doit ce que l’on doit, on ne peut pas rembourser la dette nominale avec de la croissance réelle si la croissance réelle provient de la déflation. On rembourse la dette nominale avec de la croissance nominale et, dans le cas ci-dessus, la croissance nominale est négative.
C’est une situation dont la Chine se rapproche rapidement, et cela veut dire qu’elle s’expose à une crise de la dette et à des défauts de paiement.
L’histoire s’aggrave
La Banque populaire de Chine (« BPC »), la banque centrale chinoise, s’est efforcée de stimuler l’économie chinoise en mettant des liquidités à la disposition des principales banques commerciales chinoises.
Le problème, c’est que ces banques ne veulent pas prêter en raison du risque de crédit et de l’incertitude économique. Dans le même temps, les grandes entreprises chinoises ne veulent pas emprunter car elles identifient peu d’opportunités d’investissement attractives.
Cette situation – des banques qui ne prêtent pas et des entreprises qui n’empruntent pas – est caractéristique des récessions et des dépressions. C’est exactement ce qui a prolongé la Grande Dépression, aux Etats-Unis, entre 1929 et 1933.
L’argent de la banque centrale n’a aucun effet stimulant. C’est aux banques commerciales de créer l’argent qui stimule vraiment la croissance. Or les banques chinoises ne le font pas. Dans le dernier rapport concernant les crédits bancaires, les prêts en yuans se sont nettement contractés pour la première fois sur plus de vingt ans.
Cette contraction du crédit sur le territoire national s’accompagne d’une pénurie de dollars croissante, en Chine. La BPC a vendu des bons du Trésor américain, non pour se débarrasser du dollar (elle aimerait bien en avoir plus), mais pour se procurer autant de dollars que possible afin de défendre sa monnaie et de venir en aide à ses banques incapables de refinancer leurs dettes en dollars (principalement contractées auprès de banques japonaises via des swaps de devises dollar/yen).
Cela aura une autre conséquence prévisible : une dévaluation nette et inattendue du yuan, semblable au choc de dévaluation qui s’est produit en août 2015. Cette super dévaluation (environ 3 % en un jour) a fait dégringoler les actions américaines, à l’époque. Des événements semblables pourraient se profiler à l’horizon.
Ces facteurs spécifiques s’ajoutent à l’incapacité de la Chine à s’extirper du piège du revenu intermédiaire.
La Chine s’est hissée d’un faible revenu national brut par habitant (environ 2 000 $) à un revenu national brut par habitant intermédiaire (environ 15 000 $) via l’urbanisation, en détournant des technologies et en créant des emplois de type assemblage.
Pour se hisser à un revenu national brut par habitant élevé (environ 20 000 $ ou plus), il faut des technologies originales et une fabrication à forte valeur ajoutée. La Chine n’en est pas capable, même après ses efforts déployés dans le domaine de l’IA, fondés sur le vol de jeux de données d’entraînement plutôt que sur des algorithmes uniques.
En plus de ces facteurs spécifiques, il y a l’effondrement de la population chinoise. Selon les meilleures estimations, la population chinoise va s’effondrer de 1,4 milliard à 800 millions d’ici 2070. Si le PIB s’entend comme la population en âge de travailler multipliée par la productivité, alors le PIB chinois devrait s’effondrer en même temps que sa population en âge de travailler. Les gains de productivité – s’il y en a – ne pourront pas faire la différence.
Les tarifs douaniers : le coup de grâce
Si l’on considère que les trois piliers de l’économie chinoise sont la consommation nationale, l’investissement et le commerce, alors deux d’entre eux (la consommation et l’investissement) sont déjà défaillants.
Les ventes au détail chinoises se sont contractées en juin et en juillet. La croissance de la production industrielle chinoise a ralenti, passant de 7,7 % d’une année sur l’autre en mars à 6,8 % en juin et à 5,7 % en juillet.
En raison des tarifs douaniers de Donald Trump, le troisième pilier (le commerce) est également sur le point de s’effondrer.
La composition exacte des tarifs douaniers est toujours en cours de négociation. Le taux actuel est de 30 % (un taux de base de 10 % + 20 % à cause du fentanyl) – mais ces taux pourraient facilement grimper à 50 % si Trump décide de punir la Chine avec des tarifs douaniers secondaires en raison de ses achats de pétrole russe.
Quel que soit le taux final, l’impact des tarifs douaniers sur la Chine, notamment un ralentissement industriel et une flambée du chômage des jeunes, est déjà visible.
Les derniers chiffres du chômage des jeunes remontent à plusieurs mois mais sont d’environ 27 %. Nous ne connaissons pas les chiffres actuels, car la Chine a simplement cessé de publier les données, mais ils se sont très probablement aggravés. Un taux élevé de chômage des jeunes est un déclencheur de troubles sociaux et de manifestations.
Les exportations chinoises ont bénéficié de certaines démarches visant à anticiper la demande afin d’échapper aux droits de douane en février et en mars. Elles en bénéficieront encore car le délai de 90 jours – accordé récemment par Trump sur les négociations des tarifs douaniers – s’étend jusqu’au mois d’octobre, ce qui permettra d’expédier la plupart des produits de Noël chinois avant l’augmentation des tarifs douaniers.
Mais ce répit n’est que temporaire. L’impact total de l’augmentation des droits de douane américains frappera la Chine de façon spectaculaire à partir du mois de novembre.
Gordon Chang, expert de la Chine, souligne que les Etats-Unis ont sauvé la Chine à trois reprises, par le passé.
La première fois remonte à la visite de Nixon en Chine, en 1972, qui a conforté Mao Zedong alors même que sa révolution culturelle était un échec retentissant. La deuxième fois remonte à la décision de George H. W. Bush de ne pas punir la Chine après le massacre de Tiananmen, en 1989. (Les relations se sont refroidies mais améliorées dès 1994.) La troisième fois, c’est Bill Clinton qui a oeuvré dès 1999 pour autoriser la Chine à adhérer à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qu’elle a fait en 2001.
Le conseil de Chang, à la suite de ces trois sauvetages, est le suivant : « Il ne faut pas recommencer. » Et il a raison.
La Chine s’affaiblit avec ou sans pression américaine. Trump pourrait apporter le coup de grâce avec des droits de douane élevés. Mais la trajectoire de la Chine vers des défauts de paiement, des faillites d’entreprises et une super dévaluation du yuan est limpide.
Tout cela est en train de se produire en temps réel.
Les investisseurs doivent se méfier.
1 commentaire
Chouette ! Ce sont des Bonnes Nouvelles, Non ? Et Trump ne serait pas totalement stupide ? Ça alors ! Pas possible.