Un mois de novembre où l’on a fini plus riches… d’enseignement.
Ce mois boursier de novembre, qui s’est achevé ce 17 novembre (journée des trois sorcières), c’est un « sans faute », un scénario parfait, un peu comme le 14-0 de l’équipe de France de football face à Gibraltar. Le Nasdaq aura aligné 14 hausses sur une série de 20 (dont 2 de consolidation et 4 de quasi-stagnation), pour un gain de 9%, ce qui en fait un des tout meilleurs mois boursiers de novembre des vingt dernières années.
Bien sûr, la Fed a donné l’impulsion le 1er novembre, en entérinant à demi-mot la fin du cycle de hausse des taux ; une inflation inférieure au consensus a ensuite permis de porter la détente des taux à 50 Pts de base sur le « 10 ans »… De quoi euphoriser Wall Street et faire flamber le S&P 500 de 400 Pts en trois semaines.
Mais ce serait oublier un peu vite que le S&P 500 avait déjà pris 500 Pts, du 24 mai au 27 juillet (jusque vers 4 600 Pts) sur la conviction que l’annonce d’une « pause » par la Fed était imminente (il suffit de relire les commentaires inspirés de Reuters ou Bloomberg, fin juillet).
Autrement dit, le même prétexte fait double emploi : il dope de +10 à +12% les indices par anticipation, puis il les fait remonter de +10 à +12% vers ses sommets lorsque la confirmation semble acquise.
Dans les deux cas, le momentum haussier emporte tout sur son passage, y compris des investisseurs de génie comme Michaël Burry qui vient de se faire prendre à contrepied sur un « short » massif des indices US fin octobre, et de laisser 1,4 Mds$ de sa fortune sur le tapis.
Les contrepieds sont devenus les principaux moteurs de la hausse depuis que les volumes se sont progressivement évanouis sur les titres « physiques » pour basculer le VIX et les marchés d’options.
Comme vous le savez, depuis la mise en oeuvre de QE en 2014/2015, le VIX est devenu la principale boussole des marchés et les « sherpas » excellent dans la gestion de la volatilité, dont l’écrasement aussi brutal que délibéré permet de déclencher le genre de rally des trois dernières semaines.
Mais au-delà de l’intention de soutenir les marchés, il faut comprendre que tout est minutieusement préparé afin de maximiser l’impact des « coups de théâtre ».
Comme la publication du chiffre de l’inflation ce mardi 14 (dont de nombreuses composantes ont été « retraitées », entraînant une chute artificielle des prix de -0,1 à -0,2 Pts supplémentaires, ce qui a fait toute la différence) : inutile de songer à remettre les pendules à l’heure, puisque le Nasdaq a matérialisé un gap haussier de +1,3% en quelques secondes, ce qui génère des réflexes… et pas de la réflexion.
Les systèmes de « gestion du risque » ont automatiquement coupé les positions short… et les vendeurs sont devenus des acheteurs – sans même avoir le temps d’effectuer un « clic » de souris – la « chasse aux stops » étant achevée en quelques dixièmes de secondes.
Ainsi, il n’a fallu que quelques secondes aux indices US pour passer de leurs meilleurs niveaux depuis fin septembre à leur meilleure marque depuis fin août, et même depuis fin juillet pour le Nasdaq.
La dernière séance du terme boursier de novembre nous fournit de surcroît une démonstration de la précision millimétrique des « algos » qui permettent de programmer un score de clôture avec une précision de l’ordre d’une poignée de points : le Dow Jones, par exemple, termine en hausse de 0,01%, à 34 947,28 points.
En réalité, l’écart final n’est que de 0,006%… mais il y a plus : le Nasdaq a vu son score final s’établir par deux fois à +0,08% jeudi puis vendredi, et le S&P 500 a pris +0,13% après 0,12% la veille… mais l’écart calculé de façon plus précise est de +0,129%.
Il semble donc possible aujourd’hui de formater des séances à volonté, qui peuvent constituer des décalcomanies de la précédente… et en l’occurrence, faute de « market movers », les « sherpas » se seraient contentés d’enclencher le même programme que jeudi pour ce jour des Trois sorcières.
Cela propulse certains indices US au plus haut depuis le milieu de l’été (le 1er août pour le Nasdaq) et les commentateurs s’en réjouissaient vendredi soir : c’est un heureux présage à trois séances du pont de Thanksgiving et du Black Friday.
Voilà de quoi faire se sentir plus riches les consommateurs… mais ceux qui éprouvent un tel sentiment grâce à leur portefeuille boursier sont déjà les plus aisés !
Disons que c’est une bonne nouvelle pour Apple, Burberry, Moncler… qui eux en plus ne soldent pas leurs produits !
Plus globalement, Wall Street risque d’avoir la confirmation dès vendredi que les ménages de la « middle class » sont à bout de souffle, comme en témoigne la baisse des ventes en octobre publiées par Walmart.
Mais alors que les encours sur les cartes de crédit battent tous les records, voilà que renaît l’espoir que la baisse des taux redonne un ballon d’oxygène aux ménages les plus endettés, pour participer eux aussi à la foire aux bonnes affaires.
Les T-Bonds US à « 10 ans » ont effacé 25 Pts de rendement depuis le mardi 14 (soit -50 Pts depuis le 1er novembre), le « 2 ans » se détend de pas loin de 18 points de base sur la semaine et de 25 Pts en trois semaines.
En réalité, l’impact sera quasi nul sur le taux pratiqué sur les cartes de crédit, très marginal sur les prêts automobiles… et même à 7,30% au lieu de 7,90% fin octobre, personne ne viendra solliciter un prêt hypothécaire auprès de sa banque d’ici Noël.
Autrement dit, les niveaux de valorisation qu’affichent les actions « surjouent » à l’extrême l’impact d’une détente des taux « marché » sur l’économie réelle… parce que pour l’Etat ou les entreprises surendettées, les taux auxquels les uns et les autres peuvent se refinancer restent prisonniers d’un corridor 5,25/5,50% depuis le 23 mai dernier… et pourraient s’y maintenir jusqu’au 23 mai prochain !