Quels remèdes existe-t-il pour alléger la charge des propriétaires ?
Comme nous l’avons vu dans notre article publié hier, l’inflation réglementaire et normative ne s’est pas arrêtée ces dernières années.
La rénovation à marche forcée des logements en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 va contraindre les propriétaires-bailleurs de passoires thermiques à y consacrer des sommes importantes. On parle de 85 000 à 90 000 euros pour faire passer un logement d’une étiquette E à A, quand cela est possible, avec une épée de Damoclès pour ceux qui n’agiraient pas : l’interdiction de louer les biens classés G à partir de 2025 (entre 70 000 et 100 000 logements), ceux classés F à partir de 2028 (environ 1,2 million de logements) et ceux classés E à partir de 2034.
Comme l’écrivait, en septembre 2023, le magazine Que Choisir : « Le marché du logement risque de se gripper d’autant plus qu’il subit d’une part la crise du neuf, en raison de la hausse des taux d’emprunt qui freine les acquéreurs, de la fin annoncée des aides fiscales à l’investissement locatif, de la loi sur le zéro artificialisation nette qui décourage la construction, et d’autre part les mesures d’interdiction de louer des passoires énergétiques. Ce cocktail ne peut que réduire le nombre de logements disponibles, alors que les besoins augmentent. »
On rationne les terrains (et les logements !)
Quant à la réglementation foncière dont il est fait allusion ci-dessus, avec le « zéro artificialisation nette », il est probable qu’elle soit la principale composante de l’envolée des prix de l’immobilier en France. Dans les années 1980, le terrain représentait moins de 20% de la valeur des constructions. Aujourd’hui, c’est entre 40% et 50%. L’offre est, en effet, « bloquée par les politiques de l’urbanisme et du territoire de nos gouvernements successifs », comme l’écrivent Jean-Philippe Delsol et Pierre Garello.
Depuis 1967 et la loi d’orientation foncière, les textes se sont multipliés.
Lois de protection de la nature de 1976 et 1995, lois d’orientation sur la ville de 1991, 1996 et 1998, loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire en 1999… Ou bien encore loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) de 2000 – dont l’une des dispositions vise à éviter l’étalement urbain –, lois de 2009 et 2010, dites « Grenelle 1 et 2 de l’environnement », qui limitent encore la « consommation d’espace » et imposent la planification de la « consommation d’espace future », ôtant tout rôle de détermination des besoins de logement (ou de bâtiments d’entreprise) au marché –, ou la loi Alur (accès au logement et urbanisme rénové) de 2014, qui prévoit que toute zone ouverte à l’urbanisation doit faire l’objet d’une justification examinée par les autorités préfectorales et empêche, en pratique, une urbanisation qui n’augmenterait pas les densités.
N’oublions pas la loi Climat et Résilience d’août 2021, qui force les communes à introduire, dans leurs plans locaux d’urbanisme, un pourcentage beaucoup plus élevé de territoires interdits d’urbanisation. Elle y ajoute l’objectif d’une division par deux de l’artificialisation des sols d’ici 2030 et d’une ZAN (Zéro Artificialisation Nette) à partir de 2050. Des objectifs à tenir peu importe l’évolution démographique du pays d’ici là.
Bref, tout est fait, depuis 50 ans, pour rationner les terrains et donc les logements.
Le logement social détruit le marché du logement
L’étude de l’IREF montre aussi que le logement social détruit le marché du logement.
La loi SRU de 2000 a imposé « aux communes de plus de 3 500 habitants, situées dans des zones où la population est dense, de disposer de 25% de logements sociaux parmi ses résidences principales d’ici 2025 ». Pourtant, notre pays compte déjà un quart des 21 millions de logements sociaux de l’Union européenne (UE). En moyenne, dans l’UE, les logements sociaux représentent 9% de la totalité des logements. En France, c’est 17% (en 1982, c’était 14,4%). En Allemagne, c’est 3% !
Comme l’écrivent Delsol et Garello, « les logements sociaux, surtout quand ils sont en surnombre comme en France, constituent une concurrence déloyale pour les bailleurs privés à double titre ». Ils expliquent : « Tout d’abord, les exonérations fiscales (TVA, taxe foncière, impôt sur les sociétés, droits d’enregistrement) et les aides publiques éventuelles sur les prix des terrains abaissent artificiellement leur prix. Ensuite, les loyaux sociaux réduits pèsent à la baisse sur les prix du secteur privé. Tout concourt ainsi à écarter les investisseurs privés du logement alors qu’on aurait besoin d’eux pour répondre à la demande du marché. »
Pour l’instant, le secteur locatif privé est plus important que le secteur public, mais il est menacé. En 2022, près de 58% des logements loués le sont par des bailleurs privés et 42% par des bailleurs publics. En 1982, la proportion était de 65% pour le privé et 35% pour le public.
Toutes ces réglementations « agissent exactement comme un impôt ». Pour les deux auteurs de l’IREF, il s’agit, ni plus ni moins, d’une « expropriation par la réglementation » (regulatory takings, disent les Anglais).
Quels remèdes ?
Pour l’IREF, point de salut possible pour le logement sans restauration des « mécanismes de marché », seuls à même de permettre les ajustements qui s’imposent. L’étude contient une dizaine de propositions qui vont dans ce sens. Voici quelques exemples.
- Imposer les revenus immobiliers, loyers et plus-values, comme les revenus mobiliers, avec la possibilité d’opter pour l’impôt forfaitaire unique à 30%.
- Supprimer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’immobilier étant « aussi utile à l’économie que les capitaux mobiliers ».
- Réduire sensiblement les droits d’enregistrement sur les transmissions (cessions, donations, successions).
- Donner, aux locataires de logements sociaux, la possibilité d’acheter l’habitation qu’ils occupent.
- Etablir un même régime social et fiscal pour tous les bailleurs.
- Respecter le principe de l’égalité en droit des propriétaires et des locataires dans le contrat de bail.
- Interdire constitutionnellement au législateur de gérer des loyers, en les limitant ou les encadrant d’une quelconque manière.
- Se poser la question d’une juste compensation du propriétaire face à la réglementation foncière, en envisageant – pourquoi pas – la mise en place d’un « marché » des droits à construire.
Un politique aura-t-il l’audace de s’emparer de ces propositions ? Il aurait là de quoi se démarquer de ses concurrents. Et séduire une partie des quelque 9 millions de propriétaires-bailleurs que compte notre pays.
8 commentaires
Très bonne conclusion de la situation actuelle de la France
C’est quand même incroyable ce déni collectif sur la fin programmée de la propriété, la formule qui résume objectivement cette situation à été émise par un PDG des plus influents de la planète « vous ne possèderez plus rien, mais vous serez heureux « ..c’est une injonction plus qu’une formule finalement. Louez à vie: voiture, habitation..etc..c’est pas si mal finalement, c’est une sorte de rapprochement communiste du capitalisme (antinomique, oxymore)..
Laisser le marché se réguler
L’état n’étant la que pour éviter les débordements
Hélas, les remèdes préconisés sont totalement incompatibles avec la haine viscérale du secteur étatique , vis à vis de l’infâme exploiteur qui a l’audace d’être propriétaire de quelque chose.
Il faut impérativement que tout soit contrôlé par l’état, comme en URSS, forcément mieux, c’est évident !
Excellent constat de la situation! C’est vu du côté des propriétaires. Un point qui n’est pas évoqué : Les conséquences de cette situation sur l’emploi dans le bâtiment. Des réformes intelligentes et rapides s’imposent!
Bonjour,
Trois autres points ne sont pas, ou peu évoqués et développés.
1- Pour un propriétaire âgé qui, du fait de son âge, ne peut plus obtenir des prêts pour la rénovation de ses logements, avec en plus la nécessaire rénovation énergétique, qui a donc des coûts très élevés de travaux, il ne pourra plus, alors qu’il le souhaiterait vraiment faire ces travaux, il ne pourra pas les faire, et il ne pourra pas non plus ni louer, ni vendre ses biens. Il faut être un sacré imbécile, ou vraiment extrêmement malhonnête intellectuellement pour croire et faire croire que les bailleurs veulent de façon délibérée avoir des appartements non occupés, alors que ceux-ci leur permettent d’avoir un revenu et d’en vivre. Même si, ponctuellement cela peut-être le cas. Or ces travaux représentent de nombreuses années de loyers. Et on les taxe en plus sur les logements vacants. En faisant cela on aggrave bien évidemment leur cas.
2- Si on regarde bien les courbes de Friggit, parfaitement connues de l’Etat, puisque publiées sur un site gouvernemental, on s’aperçoit très clairement d’une chose, c’est que, en francs ou euros constants, loyers et salaires ou revenus des ménages se tiennent très bien, comme l’inflation, donc, ainsi que les prix, jusque dans les années 2000, puis à partir de là, alors que loyers et salaires et revenus se tiennent avec l’inflation, le prix montent en flèche (cela s’appelle une bulle), et on passe d’un tunnel avec un indice 1, à un indice 1,7 ou 1,8 aujourd’hui. Mais, salaires et loyers sont inchangés, se tenant à l’inflation.
La courbe montre donc, une totale décorrélation entre les loyers et les prix. Il y a donc une parfaite malhonnêteté intellectuelle à dire qu’il est nécessaire de bloquer les loyers, non, les loyers évoluaient normalement, c’est d’une grande évidence en regardant la courbe. Ce sont les prix qui sont anormaux, puisque, s’il avaient suivi la tendance naturelle depuis les années 1920, l’indice, au lieu d’être aux alentours de 1,7 à 1,8, devrait encore être autour de 1. Les prix son donc, eux, 70 à 80% plus élevés qu’ils n devraient l’être.
3- enfin, dernière remarque, quand IGF, devenu ISF a été créé, les taux de rentabilité du capital étaient aux alentours de 8%, Mais, lorsque l’IFI est arrivé les taux de rendement des capitaux étaient de 2 à 3%. Il aurait donc été assez logique, et équitable, de réduire les taux de l’IFI de manière proportionnelle par rapport aux taux de l’ISF. Que nenni, on a gardé exactement les mêmes taux, rendant de fait l’IFI encore plus pénalisant. Ce que montre l’article. Quant à nos députés, nullissimes en mathématiques, à l’évidence, mais vu la baisse épouvantable du niveau scolaire en français et en mathématiques impulsée par le collège unique de la réforme Haby, puis le sabotage en règle de l’école (80% D’une classe d’âge au bac dixit Jospin, transformé en baisse du niveau à celui de 90% d’une classe d’âge) par la baisse systématique du niveau de raisonnement (époux d’un professeur agrégé de maths, donc destinataire des programmes d’enseignement, j’ai pu, personnellement lires d’année en année sur ceux-ci « on ne démontrera plus tel ou tel chose, elles seront admises, et autres sabotages de la sorte, et être témoin d’un professeur stagiaire en terminale C (la crème !) reçu avec 6/20 au CAPES, et faisant des fautes de raisonnement que je ne faisais pas alors que j’étais en cinquième ! Brillantissime (des)éducation nationale, lisez Jean-Paul Brighelli et Augustin d’Humières pour comprendre), quant à nos députés nullissimes en mathématiques, disais-je donc, au lieu, en toute logique, puisque les bases de l’IFI sont indexées sur les prix, ils auraient donc dû, au moins relever les seuils en fonction de l’évolution des prix, et non pas en fonction des revenus. Il est vrai que lorsque prix, loyers et salaires voguaient en même temps que l’inflation, ce n’était pas gênant, sauf sémantiquement et logiquement. Mais nullité en français s’explique aussi, comme pour les mathématiques. Les tranches des impôts sur le revenus, varient avec les revenus. Les tranches des impôts sur les valeurs des appartements, doivent donc varier avec les variations des prix des appartements. Même un enfant de maternelle pourrait savoir ça. Peut-être que la Cour des comptes devrait le remarquer, mais je ne suis pas du tout sûr qu’ils le feront.
En conclusion, par exemple sur l’IFI, supposons un « salaud de bailleur », doublé d’un « salaud de riche » ait, depuis 1981, été soumis à IGF puis ISF, puis IFI, et projetons nous dans 8 ans, au taux de 2% Eh bien! il aura, a peu de choses près payé deux fois le prix de son capital, sans compter les impôts prélevés sur ses loyers, les taxes foncières, les frais d’acquisition, et on va lui piquer ensuite probablement 45% en droits de successions. Et certains trouvent que ce n’est vraiment pas assez, et qu’il faut encore alourdir tout cela.
On est vraiment très forts en France pour dégoûter les gens d’investir. Il y a de bons bailleurs et d’exécrables bailleurs, d’exécrables locataires et de très bons locataires. Et les bons bailleurs aiment les bons locataires, et souhaitent leur offrir le meilleur service possible au prix le plus juste qui soit pour le service rendu.
Trop d’impôt tue l’impôt, et en France, on marche à coup de taxes strictement punitives.
Si on empêche les bailleurs de pouvoir faire les travaux, parce que, comme j’en prenais l’exemple, un bailleur âgé se voit refuser tout prêt, on risque donc de voir l’effet inverse se produire, et le patrimoine immobilier et les conditions de vie des locataires, se dégrader.
Ne pourrait-on pas avoir l’Etat qui se substituerait aux banques, par un prêt pour qu’il puisse faire les travaux ? Par exemple par une avance (pas une exonération, mais) un différé d’impôt égal au montant des travaux, avec, bien entendu, une preuve du refus du prêt ?
Ce ne devrait pas être bien difficile. Les bailleurs (certains) en ont besoin, les locataires en ont besoin, l’Etat (et donc le contribuable) en a besoin par les économies d’énergies, entre autres.
Bonjour,
Bravo pour ces 3 articles parfaitement clairs et pédagogiques.
J’ajouterais juste un propos concernant la promotion immobilière.
Au-delà des mécanismes que vous listez (normes, réglementations extrémistes…) qui conduisent à la pénurie de la production neuve, s’ajoute le manque courage de nombreux maires, qui, par crainte de leur non réélection participent à une politique populiste qui aboutit à une limitation extrêmement forte des constructions (alors même que beaucoup crie haut et fort que la densification est indispensable, qu’elle permet de ne plus soustraire des terres agricoles et naturelles).
Pire, ces maires sans courage s’appuient sur des commissions d’avant-projet, au cours desquels tous les projets immobiliers (autorisés à être présenté…) passent par les fourches caudines de membres, pas forcément légitimes, qui peuvent par le fait du prince refuser tel ou tel projet alors même que ceux-ci sont conformes aves les PLU qu’ils ont eux-mêmes validés. Ils se montrent à cette occasion déresponsabilisés puisque c’est la commission qui a tranché…
Par ailleurs, ces Maires jouent avec le morcellement extrême du territoire (je vis dans une interco de 28 communes) : en effet, chaque mairie travaille dans son coin, sans vision global, sans véritable pouvoir global (puisque les intercommunalités ne sont finalement que le moyen de faire financer encore de nouveaux fonctionnaires qui par incurie ou par légitimation de leur fonction ont des pratiques qui nuisent à l’efficacité économique, en l’occurrence des promoteurs). Cela a-t’il un sens dans un espace urbain cohérent et homogène d’avoir 28 conseils municipaux, 28 services économiques ou d’urbanisme, 1 conseil métropolitain, 1 service métropolitain économique ou d’urbanisme ?
J’aime à penser que tout cela peut encore changer mais j’en doute de plus en plus
Le logement se paie selon un multiple confortable du chiffre d’affaire qu’il génère sous forme de loyer, souvent compris entre 20 et 30. Même si le taux de marge brute est assez élevée dans le cas où la location se prolonge sans encombres et sans qu’il y ait de travaux à effectuer, on constate un entassement de frais, taxes, coûts et frottements divers qui érode fortement ce qui reste à l’investisseur à prix élevé.
Tant qu’il y a des plus values qui s’accumullent , elles viennent améliorer ce faible rendement net et compenser les risques qui sont d’autant plus importants pour lui que le propriétaire a une faible surface financière par rapport au prix d’un logement.
Cependant, si l’on regarde l’immobilier professionnel coté, qui lui n’a pas de valeur d’usage pour l’acheteur éventuel et se justifie uniquement par sa rentabilité , on constate une baisse sensible des cours de ces sociétés depuis 2008.
Il faudrait sans doute le même recul des valorisations des habitations pour qu’elles puissent être considérées comme des investissements rentables, en attendant elles restent des paris sur les hausses de salaires futures, alors même que l’espace économique européen distribue les salaires les plus confortables du monde.