** L’année dernière, Hugo Chavez a entamé une nouvelle phase dans sa fonction de président du Venezuela en annonçant que tous les grands groupes pétroliers opérant dans la région de l’Orénoque — particulièrement productive — seraient obligés de s’associer à PDVSA, l’entreprise pétrolière nationale de Chavez. Cela n’a surpris personne. Les grands groupes pétroliers avaient déjà vu la plupart de leurs parts au Venezuela nationalisées ; l’annonce concernant l’Orénoque a seulement été le coup de grâce d’une longue série de vols légalisés.
– La plupart des entreprises se sont inclinées face à la décision de Chavez, mais Exxon a décidé de ne pas se laisser faire. Le 7 février, ils ont remporté une injonction à la cour et obtenu que 12 milliards de dollars des capitaux de PDVSA — placés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas — soient gelés. Chavez a répliqué en mettant un terme à toutes les ventes de pétrole destinées à Exxon, et en lançant sa menace habituelle de cesser toutes les exportations de pétrole vers les Etats-Unis.
– Conscient qu’une situation délicate peut facilement empirer, le Ministère des Affaires Etrangères américain s’est fait entendre et a annoncé la création de "représentants spéciaux" pour s’occuper des pays qui utilisent leurs ressources de pétrole et de gaz comme outils politiques. Alors qu’Exxon avait de très bons arguments pour demander réclamation, les "représentants spéciaux" de Condoleezza ne font que renforcer l’idée que les compagnies pétrolières américaines ne sont que des pions de l’impérialisme des Etats-Unis, et qu’ils doivent donc être traités comme tels.
– "Merci de politiser un problème qui normalement dépend simplement du juridique, Condi", doivent se dire les cadres d’Exxon au cours de leurs longues conversations amères.
** Evidemment, ce genre de manoeuvres d’intimidation excite les marchés des contrats à terme ; il y a quelques jours, les futures sur le brut WTI ont bondi de 88 $ à 95 $.
– ConocoPhillips, qui possède aussi des gisements dans la région de l’Orénoque, prévoit de lancer une bataille légale similaire, si bien qu’à court terme, nous ne serions pas surpris de voir les futures pétroliers dépasser à nouveau la barre des 100 $. Pourtant, l’impact général de ces prises de bec est souvent surévalué. Chavez menace de mettre fin aux exportations de pétrole vers les Etats-Unis au moins une fois par an, et il ne l’a jamais fait. Si l’on se fie aux chiffres, le Venezuela est l’un des plus gros fournisseurs de pétrole des Etats-Unis, et également l’un des plus fiables.
– Chavez finance une grande partie de ses bouffonneries avec l’argent du pétrole, et il lui faudrait faire de sacrées manoeuvres pour trouver un autre acheteur pour les 1,2 millions de barils de pétrole lourd que PDVSA envoie chaque jour aux Etats-Unis.
– Exxon, d’un autre côté, sait qu’il ne produira pas avec ses gisements dans l’Orénoque. Il pourrait toucher quelques milliards de compensation, mais Exxon souhaite surtout envoyer un message aux autres nations qui cherchent à mettre la main sur ses intérêts, et ce message, c’est : "nous n’abandonnerons pas facilement".