Les sept phases de la vie d’un empire passent inévitablement par une fraude au niveau national et des guerres à l’international…
Nous avons relevé hier une actualité maussade. Le revenu disponible des Américains s’est érodé de plus de 1000 Mds$. Il s’agit de la deuxième plus grosse perte de pouvoir d’achat depuis la Grande Dépression. La facture qu’ont payée les ménages américains depuis la prise de fonction de Joe Biden s’élève à 7 400 $ par ménage.
C’est une mauvaise nouvelle. Mais qui s’en émeut ? On détruit un pays, d’abord avec l’inflation, puis avec la guerre. Les élites américaines travaillent sur les deux fronts. Le gouvernement américain s’est ainsi engagé à envoyer 100 chars d’assaut à l’Ukraine, contribuant à prolonger la guerre tout en s’empêtrant encore plus dans ce conflit.
On a pu lire que cela allait changer radicalement la donne pour les forces armées ukrainiennes. Nous n’y connaissons rien en matière militaire. Toutefois, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer un scénario familier. Tout comme les feuilles des arbres brunissent à l’automne et comme le vieux sénile oublie où il a mis ses clés de voiture, les grandes puissances perdent de leur superbe.
Fraude et force
Dans ces colonnes, c’est l’argent qui nous intéresse. Mais les problèmes d’argent s’accompagnent souvent de tout un tas d’autres problèmes. Nous pensons que l’introduction du faux dollar – non adossé à l’or – en 1971 a marqué le début du déclin des Etats-Unis (probablement entre les étapes n°5 et n°6 ci-dessous). Les poissons nagent, les oiseaux volent et les grands empires s’effondrent. Généralement, c’est la fraude (inflation) et la force (guerre) qui les mènent à leur perte.
Les élites font tout ce qu’elles peuvent pour faire durer la guerre le plus longtemps possible en Ukraine… et ainsi préparer l’opinion publique à une guerre avec la Chine.
Pendant ce temps, sur le front de l’inflation, la Fed a emprunté la voie inhabituelle d’un retour à la « normale ». La remontée des taux s’apparente à une véritable cure de désintoxication pour des marchés devenus accros à l’argent facile. Elle oblige la classe moyenne à payer plus cher ses prêts immobiliers et, généralement, rend les riches moins riches.
Si cette correction venait à se poursuivre, il y a fort à parier que les prix des actifs continueront à se replier et que les taux d’intérêt continueront à augmenter. C’est ce que nous appelons la « tendance primaire ». Après 40 ans de hausse, nous nous attendons désormais à 20 ans de baisse, au minimum. Ce serait une bonne chose pour la classe moyenne, car cela empêcherait l’inflation d’éroder davantage son patrimoine. Les gens du peuple profitent de l’argent ordinaire, honnête, pas de la monnaie de singe de la Fed.
Mais ne rêvez pas trop.
Premièrement, « le peuple » ne contrôle pas la Fed. Ce sont les élites qui contrôlent la Fed. Et si les 40 dernières années n’ont pas été très réjouissantes pour la classe moyenne, elles ont en revanche été formidables pour les élites.
Par ailleurs, plus la Fed aide le marché à gommer ses excès du passé (c’est-à-dire, faire perdre de l’argent aux riches), plus les élites militeront en faveur d’un changement de cap.
Cela engendrera inévitablement une confrontation. Entre le gouvernement fédéral et le marché, et entre ce qui est bon pour le peuple (la classe moyenne) et ce qui est bon pour les élites. La situation sera déboussolante, floue et contradictoire. Les cours augmenteront, mais pour quel résultat ? L’inflation effacera-t-elle les gains ? Gagnerons-nous de l’argent ou perdrons-nous de l’argent ?
Pour l’instant, nous parions sur le déclin et la chute.
Les sept étapes du déclin
Le processus est bien documenté par les connaisseurs du déclin, comme Gibbon, Tainter, Spengler et Sir John Glubb. C’est Glubb qui a calculé la durée de vie moyenne d’un empire : il l’estime à 250 ans environ.
Glubb, surnommé Glubb Pacha, a défini les étapes de l’empire comme suit :
- L’âge de l’éruption (ou des pionniers).
- L’âge des conquêtes.
- L’âge du commerce.
- L’âge de l’abondance.
- L’âge de l’intellect.
- L’âge de la décadence.
- L’âge du déclin et de l’effondrement.
Ce qui soulève une question inévitable : où en sommes-nous ?
Généralement, les empires concourent à leur propre perte, à coup de dépenses excessives, de complications, de corruption qui affaiblissent l’économie en interne pendant que d’autres pays sont en plein essor.
Par exemple, depuis 1945, les Etats-Unis ont dépensé des milliers de milliards de dollars pour la « défense ». Sauf que la sécurité du pays n’a jamais été compromise. Le pays s’est plutôt empêtré dans des « guerres de choix », une pratique courante des empires qui ont atteint leur apogée. Il n’y a rien en jeu. L’idée est donc de dépenser de l’argent, pas de gagner des guerres.
Prenons l’exemple du char d’assaut Abrams. Il s’agit d’une machine énorme et sophistiquée. Il a été construit pour protéger les bénéfices de Chrysler Defense, pas pour défendre les Etats-Unis. Son statut d’arme défensive serait légitime uniquement si nous pensions qu’une armée étrangère pourrait nous attaquer sur notre territoire, c’est-à-dire si des hordes chinoises venaient à franchir le 49ème parallèle ou si des gardiens de la révolutions iraniens venaient à franchir le Rio Grande pour marcher sur Dallas. Ces deux scénarios ne sont tout simplement pas plausibles.
Fer et laiton
Au lieu de cela, le char Abrams est envoyé à l’étranger, dans un bourbier après l’autre. Là-bas, il remplit sa mission à merveille. Il tombe en panne inévitablement, et a besoin de travaux de maintenance et de réparations méticuleux, ce qui implique des dépenses supplémentaires. Avec un poids de 68 tonnes, c’est un casse-tête sans nom pour la réfection des routes.
L’argent est souvent un obstacle en matière de guerre, pas un avantage. On a tendance à l’utiliser pour acheter des armes trop complexes, pour mettre en place des structures regorgeant à l’excès de conseillers surpayés et de hauts gradés. Voici une petite illustration de la National Defense University Press :
« On compte actuellement environ 900 officiers généraux en service pour 1,3 million de militaires. Cela représente un ratio de 1 officier général pour 1 400 militaires. Durant la Seconde Guerre mondiale, une ère bien différente, nous l’admettons volontiers, il y avait plus de 2 000 officiers généraux pour un peu plus de 12 millions de militaires actifs (ratio de 1 pour 6 000).
Cette évolution représente une surenchère à la promotion qui n’améliore pas les chances de réussite des missions, mais entrave la chaîne de commandement, rajoute des strates bureaucratiques pour les décisions et coûte de l’argent aux contribuables car il faut bien payer les hauts gradés. »
Oui, les feuilles des arbres brunissent… et l’empire se prépare à sa défaite !