“Vous y allez par quel moyen de transport?”
Une question innocente, dont la réponse a provoqué un “shitstorm” sur Twitter pour la conseillère parsienne EELV Raphaëlle Rémy-Leleu en début de mois.
Elle avait tweeté: “Mon premier déplacement durant la campagne #NUPES sera donc sur la circonscription où LREM investit Manuel Valls. Arrivée à Valencia vendredi !”
Elle répond à ce tweet en expliquant qu’elle fera le trajet en avion, car elle n’aurait “ni les moyens ni le temps” de le faire en train. Au vu des réactions négatives engendrées par sa déclaration, elle répliquait : “Vous réalisez tous l’absurdité de vos réactions ? Je vous laisse chercher un instant le prix et la durée d’un voyage Paris – Valencia en train, pour un aller ce vendredi et un retour lundi matin. Votre sectarisme et votre mauvaise foi sont une honte.”
Madame Rémy-Leleu, parlons donc de mauvaise foi.
Dans le programme électoral de 2022, EELV demande aux entreprises aériennes une compensation de 100% de leur emprunte carbone. “L’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants”, nous expliquait Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers l’année dernière. Et lorsque le gouvernement a imposé une écotaxe additionnelle au secteur de l’aviation en 2019, qui augmentait encore le prix des billets d’avions, le parti vert était bien sûr d’accord, puisque qu’il faut mettre fin à l’aviation comme outil touristique.
Ceci étant dit, il ne faut en vouloir trop à Madame Rémy-Leleu ; son expertise n’est pas dans la politique de transport, mais plutôt dans la rédaction d’un ouvrage intitulé « Beyoncé est-elle féministe ? et autres questions pour comprendre le féminisme ». Mais ce tweet suscite quand même plusieurs interrogations.
Si un voyage en train est trop coûteux pour une conseillère municipale EELV de Paris, dont les frais devraient être pris en charge par son parti, alors comment voulez-vous que le citoyen lambda parvienne à se rendre d’un point A à un point B ? La réponse des Verts à cette question est probablement la suivante : comme avec le COVID, restez chez vous. Cliquez ici pour lire la suite ! La réponse des Verts à cette question est probablement la suivante : comme avec le COVID, restez chez vous.
Et si son voyage était si urgent et important, alors n’est-il pas évident que l’infrastructure ferroviaire a beaucoup de retard, et n’a pas encore accompli le nécessaire pour remplacer le transport aérien ?
Si l’on réserve son billet un mois à l’avance, le billet de train Paris-Valencia coûte 400 euros aller-retour, et le trajet le plus court dure 12 heures. Le vol direct en avion coûte 140 euros aller-retour, et dure deux heures.
La réalité est la suivante : la France et l’Espagne disposent, avec l’Italie et l’Allemagne, du réseau ferroviaire à grande vitesse le plus développé d’Europe. Sur certaines lignes, le réseau français de trains à grande vitesse est soumis à la concurrence, ce qui fait baisser les prix et augmenter la qualité. Trenitalia le démontre déjà sur la ligne Paris-Lyon. Cependant, même avec une infrastructure développée, de nombreux voyages sont longs et coûteux. On peut donc difficilement imaginer comment le reste de l’Europe – à laquelle les groupes verts du Parlement européen tentent d’imposer ces mêmes taxes environnementales punitives – s’accommodera des restrictions imposées à l’aviation.
Demander aux citoyens de faire quelque chose que vous n’êtes pas prêt à faire vous-même, c’est le summum de la politique de la tour d’ivoire.
D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Europe est le continent qui a le plus réduit ses émissions carbones entre 2017 et 2018. En même temps, la Chine a augmenté les siennes de 4,5%.
Cependant, nous savons très bien que les avions consomment beaucoup moins de kérosène et produisent moins de pollution sonore qu’il y a quelques décennies. Pour la plupart des entreprises aériennes, la raison de ce phénomène est économique : elles ne souhaitent pas brûler du carburant pour aucune raison. Alors que les pilotes ont tout fait pour trouver les routes aériennes les plus efficaces, c’est aussi le ralentissement des vols qui a permis de réduire la consommation de carburant. Selon un article paru dans NBC News en 2008, JetBlue a économisé environ 13,6 millions de dollars par an en carburant, en ajoutant deux minutes à ses vols.
En même temps, l’innovation technologique joue un rôle crucial : des recherches de l’International Council on Clean Transportation (ICCT) montrent qu’entre 1968 et 2014, la consommation moyenne de carburant des nouveaux avions a diminué d’environ 45%, ce qui représente un taux de réduction annuel composé de 1,3%. Le taux d’amélioration de l’efficacité énergétique a varié considérablement au fil du temps : l’efficacité énergétique moyenne s’est améliorée de 2,6% par an au cours des années 1980, tandis que peu ou pas d’amélioration a été observée au cours des années 1970 et de la période allant de 1995 à 2005. Aujourd’hui, le taux d’amélioration de l’efficacité énergétique des nouveaux aéronefs est revenu à la moyenne historique. Cette tendance, probablement attribuable à l’augmentation des prix du carburant après 2004, devrait se poursuivre à court terme à mesure que de nouveaux types d’avions seront mis sur le marché, conclut le ICCT.
La question est donc de trouver le bon équilibre entre amélioration et abstinence. S’agit-il d’une politique rationnelle et réfléchie d’abandonner l’atout économique de notre secteur d’aviation, afin de réduire de façon minime l’augmentation des émissions de dioxyde de carbone, sur le seul continent qui est en train de les réduire ? Est-il raisonnable d’expliquer à des millions de ménages dont les revenus sont faibles, qu’il n’y aura plus de vacances à la mer, car nous avons interdit ou surtaxé tous les vols low-cost ? Vaut-il la peine de creuser les différences entre les classes moyennes et les ménages à faible revenu, juste pour faire plaisir à des groupes d’activistes en pleine campagne électorale ? À quel point les ménages à faibles revenus considéreront ces taxes comme du vol ?
Les compagnies aériennes ne seront pas incitées à utiliser davantage de kérosène. Elles demanderont aux constructeurs de leur fournir le meilleur avion, le plus récent et le plus écologique qu’ils puissent développer. Mais pour cela, ils ont besoin d’argent à consacrer à la R&D. Si nous taxons les voyageurs avec peu de budget pour qu’ils arrêtent de prendre l’avion, l’industrie risque de dépendre uniquement des voyageurs d’affaires, pour lesquels la compétitivité des prix n’a que peu d’importance.
4 commentaires
Un point me semble pouvoir être souligné à propos du transport aérien, mais qui est appliquable à bien d’autres domaines : lorsque le coût unitaire d’un bien diminue, le résultat est une hausse de la consommation. Par exemple, l’amélioration de l’isolation des maisons entraîne une baisse de la facture de chauffage bien moindre qu’escomptée, parceque les propriétaires profitent de la possibilité d’avoir un confort accru pour monter le thermostat.
Cooncernant le voyage aérien, la relation entre coût du billet et fréquentation est évidente. Mais la comparaison avec le train est trompeuse ; en effet le kérosène des avions est détaxé alors que l’électricité des TGV ne l’est pas, si bien que les coûts de fonctionnement du transport aérien sont artificiellement baissés par une très grosse subvention, rendant ainsi la concurrence avec le train sur les trajets courts déloyale (oui, je sais que l’analyse devrait aller plus loin car il y a bien d’autres coûts cachés).
Mais on doit surtout se demander si le transport aérien de masse est un mode de transport durable, autrement dit si l’augmentation de la consommation de kérosène qui résulte de l’augmentation du trafic (même si le rendement des avions s’améliore) est soutenable. La réponse est évidemment non, aussi bien du fait des accroissements des effets de serre (pro parte par la combustion du kérosène, pro parte par les trainées de condensation) que du fait que l’augmentation perpétuelle de la consommation de pétrole n’est pas soutenable.
Autant je partage votre indignation quant à l’hypocrisie des écologistes de salon (qui ne connaissent en réalité strictement rien au sujet), autant je ne pense pas qu’il soit souhaitable de subventionner des usages non soutenables et néfastes pour l’environnement. Effectivement, plutôt que soutenir des candidats sans intérêt à l’auttre bout de l’Europe ou visiter des ruines à l’autre bout du monde, il vaudrait mieux rester chez soi.
Je reconnais bien le commentaire d’un écologiste qui n’a rien compris et ne veut surtout pas que l’aérien se développe. Pourquoi? L’avion est synonyme de riche dans sa tête. Pourquoi un écologiste doit être de gauche? Pour ma part je suis environnementaliste,´l’écologie n’en est qu’un sous ensemble, ce qui place le niveau.
En ce qui concerne le train, le réseau est obsolète voir vétuste en certains endroits. Le remettre en état et le conserver coûte une fortune que le pays ne peut se permettre. La route, pire pollution véhicule, aménagement routier colossal.
Dans ce commentaire, il n’est surtout pas tenu compte de l’enclavement dans lequel vivent certaines régions.
NON, dans ces conditions, je ne serais jamais écologiste car il y a trop d’opportunistes.
Elle aurait d’abord dû se poser la question de ce que sa présence à Valencia allait apporter au parti, elle est orgueilleuse de croire qu’elle va déclencher un tsunami en la faveur de NUPES.
Il est vrai que cela n’apporte rien individuellement au climat, mais les quelques km de la vieille voiture de Mme Michu non plus, pas plus que le petit studio de 40m² classé G; je ne pourrais admettre que l’on autorise des consommations pour du non essentiel quand on va priver nombre de personnes de l’essentiel; il faut faire l’inverse
Faites ce que je dis mais pas ce que je fais. C’est un système totalitaire de caste qui se met en place dont le vecteur le plus efficace est la crétinerie du politique sans exclure la corruption. Pauvreté, dénuement, perte de liberté, assigné à résidence par un bracelet du nouveau sociétal et par la religion sanitaire et écologique voilà les nouveaux gueux et serfs du progressisme au sens inversé. Un camp de travail sans barbelés dont les gardiens seront la science diverse et la technologie et un slogan descendant du cynique « le travail rend libre » : » vous ne possédez rien, mais qu’est ce que vous êtes heureux ! » On dit merci à qui les enfants ?